CHUTE DES RECETTESTROLIÈRES

vendredi 21 octobre 2016
par  Alger républicain

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CHUTE DES RECETTESTROLIÈRES

Austérité pour éviter la catastrophe ? Oui !
Mais sur les classes parasitaires et les riches,

pas sur les travailleurs !

Le prix moyen du baril du pétrole est tombé de 100 dollars en 2014 à 53 dollars en 2015 et même en dessous durant le premier semestre de cette année. Cette baisse touche de plein fouet les recettes d’exportations qui proviennent à plus de 95 % de la vente des hydrocarbures.

La balance commerciale des biens (hors services) qui était encore équilibrée en 2014 a affiché un déficit de 18 milliards de dollars en 2015. Le solde de la balance des paiements qui retrace l’ensemble des entrées et sorties de devises avait été négatif de près de 6 milliards de dollars en 2014. En 2015 le trou a continué à se creuser atteignant 27,5 milliards de dollars. Il est appelé à être aussi important en 2016 au vu des 12 milliards de dollars de déficit enregistré par la balance commerciale au cours des sept premiers mois de cette année. Les exportations ont en effet chuté de presque 32% par rapport à la période correspondante de l’an dernier, reculant de 22 à 15 milliards de dollars.

Malgré la détérioration des équilibres financiers extérieurs de l’Algérie les dépenses d’importations ont peu diminué, passant de 31,5 mds usd à 27 mds usd. Elles sont presque deux fois plus grandes que les recettes d’exportations des hydrocarbures.

La baisse des importations est due pour l’essentiel à la baisse des cours internationaux des biens alimentaires - qui peuvent à tout moment flamber de nouveau - aux quotas instaurés sur l’importation des véhicules, autrement dit une baisse passagère étant donné que leur montage à grande échelle induira une hausse de l’importation des pièces assemblées, etc.

L’Etat a puisé dans les réserves de change pour éponger ces déficits. Le montant de ces réserves ne cesse de dégringoler depuis fin 2013. Il était alors de 194 milliards de dollars. Il a chuté fin 2015 à 144 milliards de dollars, soit une diminution de 50 milliards de dollars en à peine deux ans. Les avoirs du fonds de régulation des réserves de l’Etat gérés par le Trésor public chutent en conséquence.

Face à cette situation, les partisans des libéralisations à outrance et du renforcement de l’exploitation de la classe ouvrière et des travailleurs par le capital local et étranger manifestent une joie presque sadique. Ils s’agitent fiévreusement. Ils proposent à qui mieux mieux des mesures d’austérité. Bien qu’ils ne l’avouent pas, c’est le peuple seul qui devra en supporter tout le fardeau. A les en croire, ces mesures seront certes sévères pendant un premier temps, mais elles sont indispensables. Elles seront salutaires pour rompre comme ils le prétendent avec la dépendance par rapport aux recettes pétrolières et fonder une « économie de production », après quoi les équilibres financiers seront rétablis et la prospérité, enfin fondée sur le travail et non sur la rente pétrolière, règnera au bénéfice de tous. Les sacrifices n’auront pas été vains. Voilà en résumé le conte à l’eau de rose qu’ils serinent aux travailleurs pour les convaincre d’accepter leurs « remèdes ».
Ils mentent ou se mentent à eux-mêmes !

C’est une fable pour enfant que les travailleurs connaissent. Elle a déjà été expérimentée à leurs dépens après le lancement des « réformes » économiques et sociales hamrouchiennes de 1990 et la signature de l’accord de rééchelonnement avec le FMI en avril 1994. Elle a été répétée sur toutes les ondes dans les années 1990 quand le FMI a été présenté comme le sauveur providentiel et que les travailleurs ont dû subir une misère violente et épouvantable. Pendant qu’on leur ser¬rait la ceinture jusqu’au dernier cran, une minorité de puissants a mis la main sur toutes les richesses du pays et s’est érigée en nouvelle classe possédante et dirigeante. Elle a transformé chaque goutte de pétrole exportée en demeures somptueuses en Algérie ou à Paris, Barcelone, Londres, Istanbul, etc.

Puis les recettes s’étaient alors de nouveau remises à grimper de façon vertigineuse, et avec elles les richesses ostentatoires d’une bourgeoisie à l’appétit insatiable. Mais l’investissement productif qui conditionne la vie et l’essor d’une société moderne et auquel la libéralisation devait soi-disant donner une formidable impulsion n’a pas vu le jour. Hormis des minoteries, des raffineries d’huile et de sucre, des fabriques de biscuits et de boissons dont les propriétaires ont fait de gros profits grâce à la subvention des produits alimentaires de base importés. Hormis également les entreprises de bâtiment stimulées par les programmes étatiques. Et grâce aussi à diverses aides, telles que les exonérations et bonifications financières de toutes sortes. Ces aides sont réservées au seul secteur privé dans le but de faire disparaître le secteur public maintenu à l’écart de ces largesses.

La crise et la misère absolue qu’ils nous prédisent s’ils ne sont pas écoutés est- elle inévitable ?

Non ! Leurs assertions sont fausses. C’est de la pure propagande. Elle est destinée à faire peur aux travailleurs, à les persuader qu’ils doivent accepter de payer la facture de la gestion bourgeoise du pouvoir.
Si le volume des importations a été multiplié par 6 depuis 2001, ce n’est pas parce que les travailleurs consommeraient trop de semoule ou de sucre comme ils le prétendent. Et d’ailleurs s’ils en consomment « trop » c’est parce que le prix de la viande, du poisson, des fromages, est hors de leur portée.

La hausse des importations est due aux énormes profits que l’Etat bourgeois a permis à sa base sociale d’amasser et que celle-ci dépense dans l’élévation continue de sa consommation parasitaire de biens importés et dans la fuite des capitaux.
Les exonérations fiscales, les bonifications d’intérêt, la passivité devant la fraude fiscale et commerciale à grande échelle, le refus de soumettre à un véritable impôt sur la fortune le train de vie des plus riches, leurs demeures somptueuses et tous les signes de leur richesse scandaleuse, la baisse des tarifs douaniers, l’instauration de zones de libre-échange avec l’UE et les pays arabes, c’est cela qui est la cause principale de la hausse astronomique des importations.

Ce pouvoir n’exprime que les intérêts de la bourgeoisie et de toutes les autres couches sociales parasitaires. Il mène droit les travailleurs vers la misère. Même si les réserves de change devaient se volatiliser au bout de deux ou trois ans, les bourgeois et leurs politiciens, députés ou chefs de partis, s’en fichent royalement bien qu’ils disent en public le contraire. Les gouvernants actuels ou ceux qui les remplaceront ne rejettent pas la « solution » de l’endettement extérieur.
Car ce ne sont pas eux qui en paieront le prix mais, comme toujours, la classe ouvrière et les autres couches laborieuses du pays. Ce fut le cas après la gigantesque gabegie organisée par le régime de Chadli quand le baril se vendait entre 35 et 40 dollars.

C’est pendant son règne que de grosses fortunes avaient poussé comme des champignons. Lequel des profiteurs du régime de Chadli s’était-il appauvri quand le service de la dette était supérieur aux recettes d’exportations et quand l’accord passé avec le FMI avait conduit au licenciement de 400 000 travailleurs ? Lequel d’entre eux ne s’est-il pas vu accorder des crédits pour importer les biens, y compris l’eau de Vichy !, qui ont remplacé la production nationale ? Qui parmi ces brigands ne s’est-il pas démesurément enrichi pendant que les travailleurs crevaient de faim ? Et qu’ils souffraient du terrorisme déclenché par des nervis manipulés par les franges ultra-réactionnaires de la bourgeoisie camouflées derrière la religion pour accélérer le processus de privatisation et de paupérisation des travailleurs. Et c’est sous l’instigation de ces mêmes gens que des plumitifs somment les travailleurs de se préparer à revivre cette période noire !

Non, l’économie algérienne n’est pas encore en situation de banqueroute

Elle ne le sera que si on les laisse faire. La banqueroute peut être évitée. Notre économie dispose d’un potentiel industriel qu’il ne faut pas sous-estimer. Fruit des investissements productifs des années 1970, ce potentiel demeure appréciable malgré son affaiblissement et le refus de le moderniser en application d’une vision de classe anti-ouvrière et anti-nationale de toutes les équipes pro-capitalistes qui se sont succédé au pouvoir. Ce potentiel est volontairement méprisé et maintenu en friche par les représentants des couches parasitaires dans l’Etat. La raison en est simple : cherchant le profit facile et rapide celles-ci préfèrent s’installer dans le commerce d’importation. Cela leur permet de faire fuir les devises à l’étranger au moyen de la surfacturation frauduleuse des marchandises. Les détenteurs du pouvoir de décision dans les appareils d’Etat assistent passivement à leurs malversations antinationales quand certains d’entre eux ne les couvrent pas.

L’alternative de justice et de progrès existe pour enrayer la course vers l’abîme

Ce potentiel industriel important et l’expérience de nombreux ingénieurs, techniciens et cadres, peuvent être fructifiés si la volonté politique existe. Le pays peut compter sur les quelque 130 milliards de dollars de réserve de change encore disponibles et des recettes appréciables si elles sont gérées de façon rationnelle dans l’intérêt des masses populaires. Conjugués avec la remise en route des capacités de production sous-exploitées, avec une aide sérieuse aux centaines de milliers de petits fellahs, ces ressources financières permettent de faire face à la situation.

Il faut pour cela que des mesures rigoureuses soient prises. Et notamment mettre fin à l’achat de biens superflus et au train de vie artificiel des classes parasitaires. Cela signifie qu’il faut cesser de dépenser l’argent du pétrole pour satisfaire les caprices des riches, pour leur ramener, par exemple, des véhicules de luxe dont le prix équivaut à 100 ans de revenus annuels du travailleur payé au salaire minimum !
Cela signifie qu’il faut mettre fin également à l’importation de matériaux de luxe pour équiper les châteaux des riches, etc. Ce sont ces classes qui absorbent la majeure partie des recettes pétrolières. Leur prospérité tapageuse et insolente est bâtie sur leur dilapidation. C’est à elles et non aux travailleurs de payer la crise que leur gaspillage prépare.

Non, la classe ouvrière et les masses populaires refusent les mesures d’austérité brandies par les valets des bourgeois et des trafiquants. Elles vivent déjà sous le règne de l’austérité, tous les jours et depuis longtemps !
Ce sont les riches que l’austérité doit frapper ! Qu’ils payent leurs impôts, tous leurs impôts ! Qu’ils déclarent leurs travailleurs, tous leurs travailleurs à la sécurité sociale ! Non à l’amnistie fiscale ou sociale ! Non à l’emprunt obligataire ! Cette prétendue solution revient à prélever une partie de l’impôt payé par les travailleurs pour que le Trésor public verse des intérêts aux souscripteurs de l’emprunt. Et les souscripteurs auxquels le gouvernement fait appel pour renflouer le budget de l’Etat, ce sont ces mêmes fraudeurs du fisc et de la sécurité sociale ! Ce sont les mêmes dont la fraude a pour conséquence que les recettes fiscales de l’Etat ne couvrent pas ses dépenses de fonctionnement.

Pour l’arrêt des cadeaux fiscaux et des exonérations de toutes sortes accordés aux riches ! Pour la hausse des impôts sur les riches et sur leur fortune ! Pour une hausse du tarif de l’électricité qui frappe fortement ses gros consommateurs et non les citoyens de condition modeste !

Pour une augmentation des taxes douanières très forte sur les produits d’importation de luxe ! Pour l’interdiction de l’importation des biens superflus ! Honte à l’Etat qui permet l’importation de couches pour animaux domestiques alors que Sonelgaz coupe l’électricité à des foyers incapables de faire face à l’augmentation des tarifs décidés par les députés du pouvoir !

Les travailleurs accepteraient de se priver temporairement s’ils constatent que le pays s’industrialise vraiment, s’ils jouissent du fruit de leurs sacrifices et si le labeur de la majorité ne sert pas à alimenter les fortunes d’une minorité parasitaire. Et l’industrialisation véritable ne peut en aucune manière être confondue avec la politique l’assemblage de véhicules et de tramway dont le coût va d’ailleurs être plus lourd que les avantages qu’elle est censée procurer au pays. Cette politique ne rapporte aucun plus technologique. Elle constitue même une humiliante régression par rapport à ce que l’Algérie a appris à faire depuis 1970 au complexe de véhicules industriels de Rouiba ou dans celui des tracteurs Cirta pour ne citer que ces deux fleurons de l’industrie nationale, aujourd’hui livrés au sabotage des agents de la dépendance impérialiste.

Toutes ces mesures sont possibles

Mais peut-on penser que le régime actuel ou toute autre équipe animée par le seul souci de satisfaire la course aux profits de la bourgeoisie est capable de les mettre en application ? Evidemment non. L’alternative pour éviter la catastrophe programmée contre les travailleurs réside dans la lutte pour l’avènement d’un pouvoir de la classe ouvrière et du peuple. Un pouvoir dont l’objectif sera l’élimination des inégalités et du parasitisme, l’édification d’une économie au service de ceux qui produisent ses richesses matérielles et intellectuelles, la construction du socialisme.

Les travailleurs ne vivront dignement que s’ils luttent !

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Rédaction économique
Rédaction économique
publié dans la version papier d’ALGER républicain
du numéro d’Août-Septembre 2016