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Cevital ou le règne de l’arbitraire patronal chez un "capitaine d’industrie" fort du soutien du pouvoir

samedi 28 avril 2012, par Alger républicain

Le patron de l’huilerie Cevital de Béjaïa a décidé de frapper fort pour briser le mouvement revendicatif des travailleurs qui a pris naissance depuis le début de l’année. 17 parmi les 500 travailleurs qui ont observé la grève du 1er avril ont été licenciés.

Sélectionnés pour l’exemple, comme on réprime une mutinerie, à défaut de pouvoir renvoyer tout le monde ! Considérés comme des perturbateurs, coupables, selon la direction, d’avoir « bloqué l’accès au complexe avec de graves menaces et intimidations aux autres employés qui avaient refusé de les suivre », ils ont été punis. La guillotine du règlement intérieur a immédiatement fonctionné. Une commission de discipline aux ordres a validé les décisions du patron. Sur les 27 travailleurs jugés, 10 ont été pardonnés, histoire de diviser les grévistes et de créer l’illusion d’un jugement impartial.

Le crime des travailleurs sanctionnés est d’avoir voulu sauvegarder le pain de leurs enfants en tentant simplement d’empêcher les briseurs de grève manipulés par le patron de casser l’unité des travailleurs.

Pas de discussion, on accepte les bas salaires et les mauvaises conditions de travail, sinon "barra" !

Ce ne sont pas les chômeurs qui manquent devant les portes de Cevital. Le pouvoir de la bourgeoisie a bien fait les choses. Il refuse d’investir dans la relance industrielle une partie des 180 milliards de dollars qu’il a placés dans les banques étrangères parce que cela lui permet de maintenir artificiellement un taux de chômage élevé. Cela fait les affaires des exploiteurs qui peuvent jeter à la rue tout travailleur qui ose réclamer ses droits.

Le patron de Cevital invoque à l’appui de sa décision la loi 90/11 qui régit les conflits sociaux. Les travailleurs font remarquer à juste titre qu’il n’en applique que les articles qui l’arrangent, c’est-à -dire les articles répressifs. Il ne se prive pas de bafouer systématiquement les droits reconnus dans cette même loi. Syndicat interdit à Cevital ! Pas même l’UGTA ! De toutes les façons, la centrale du pouvoir qui trahit tous les jours les travailleurs, ne va pas rompre le pacte de collaboration de classe quelle a signé avec le patronat au nom de la "paix sociale".

Les 17 travailleurs n’avaient plus d’autre solution que de faire une grève de la faim depuis mardi 24 avril pour obtenir l’annulation de leur licenciement. Ils se sont installés devant la porte de l’usine. C’est cette action spectaculaire que le patron n’a pas supportée.

Il a dont été amené à chercher à se justifier à travers son journal "Liberté", pour discréditer l’action des travailleurs, accusant les "mouchaouichine" de priver la population d’un produit alimentaire de base. Si l’huile Cevital traitée à la soude caustique vient à disparaître des étals des épiciers, ne cherchez pas la cause dans l’entêtement de Rebrab à briser les travailleurs. Cherchez-la dans les cartons sur lesquels se sont couchés les grévistes de la faim. Bon prince, Rebrab fait mine de concéder aux travailleurs licenciés un droit de recours. Mais les travailleurs ne sont pas dupes. C’est une façon de leur faire admettre la légalité de la mesure arbitraire.

Des journaux privés, certainement actionnés par le patron de Liberté se sont décidés enfin à en parler, en évitant cependant de le froisser. Jusque-là un seul journal avait fait état de cette grève, l’Expression, dont le propriétaire a profité de cette occasion pour régler un compte vieux de 20 ans avec Rebrab, auquel il était associé dans le capital de Liberté. Les journaux privés sont terrorisés par la perspective de perdre de juteuses pages de publicité. Rebrab, que la libéralisation a enrichi grâce à ses amis haut placés, contrôle en effet de nombreuses filiales spécialisées dans l’import, notamment de véhicules et de bus, filiales pourvoyeuses de cette fameuse pub qui fait la fortune des actionnaires de la presse privée. Sa force de frappe financière grassement nourrie à la mamelle de l’Etat en tétanise plus d’un. De toutes les façons, même sans ces subsides, les journaux privés se mettent rarement du côté des travailleurs quand ils sont en conflit avec les patrons.

Le mécontentement des travailleurs s’explique. Les profits en hausse continue empochés par Rebrab ont fini par les indigner. Lors de la grève du 18 janvier, la direction de Cevital avait réussi à embobiner les travailleurs par de fausses promesses de révision des salaires et de négociation sur toutes les questions posées. En échange de quoi la grève avait été suspendue. Mais il n’y eut pas de révision, en dehors d’une augmentation d’un montant ridicule : à peine 5%, soit beaucoup moins que l’inflation cumulée sur de nombreuses années. En parallèle, ce répit a été exploité par la direction pour ficher les "meneurs" et mettre en place un système de fliquage et d’intimidation de l’ensemble des travailleurs, à l’image des fameux Bureaux de sécurité préventive installés par le régime de Chadli dans les années 1980 dans les entreprises publiques avec l’objectif de paralyser de peur les travailleurs.
Le patron de Cevital se croit fort des louanges obséquieuses que lui a tressées récemment le chef du gouvernement.

Une grève dans Cevital fait trembler toute la bourgeoisie qui se serre les coudes de peur de la contagion. Les ouvriers employés par le secteur privé sont exploités comme des forçats. Leurs salaires ne bougent pratiquement pas, chez leurs camarades du secteur économique public non plus, alors que le coût de la vie flambe sans arrêt. Les salariés de la fonction publique ont bénéficié d’augmentations de salaire mais pas les ouvriers de la production.

La grève est suivie avec espoir par de larges secteurs de travailleurs au sein desquels la colère monte chaque jour un peu plus.

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Khaled Safi

26.04.12