Contribution : Droits de l’homme, droits des peuples et crimes du système capitaliste-impérialiste contre l’humanité

dimanche 11 décembre 2016
par  Alger républicain

Les lois permettent-elles la condamnation de la France pour ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité ?

Le gouvernement a demandé à la « société civile » (ligue des droits de l’homme, avocats, etc...), qualificatif hautement idéologique, s’il en est, de plancher sur la question relative aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité et des procès qui pourraient être intentés contre la France. La question de la responsabilité de l’Etat français dans les massacres du 8 mai 1945 revient dans les discussions. il s’agit d’une question récurrente et fluctuante en fonction de la situation des relations entre les deux pays du moment, celles-ci devenant tendues ou apaisées selon les circonstances politiques et les événements économiques.

Lorsque les relations entre les deux Etats se réchauffent, la question est reléguée au statut subsidiaire sinon inintéressant. Lorsqu’elles connaissent un gel, la question rallume la polémique. Pourtant, il s’agit d’une question historique qui doit être réglée. La question de la guerre de libération a été au centre de nombreux débats. Elle est tour à tour évoquée ou écartée.

On rappelle que la France avait toujours refusé de reconnaître le génocide algérien de 1954 - 1962, le qualificatif de guerre d’Algérie, lui préférant l’euphémisme d’« événements d’Algérie » et pour cause ! Pour un éclaircissement juridique de la question, il est utile de rappeler certaines distinctions afin d’éviter les amalgames fréquents. Si actions en justice il doit y avoir, elles ne pourraient relever que du droit pénal interne français.

Il est utile d’indiquer d’entrée de jeu que la saisine de la Cour pénale internationale est fermée car l’article 11 du statut de Rome ( 17 juillet 1998) qui a conduit à sa création dispose qu’elle ne peut exercer ses pouvoirs qu’à l’égard des faits postérieurs à l’entrée en vigueur du statut de la CPI, le 1er juillet 2002. Cette institution a été créée par les anciennes puissances coloniales impliquées dans des crimes sans nom. Elles ont construit un arsenal juridique auquel échappe leur responsabilité et qui ne concerne que les seuls pays de la périphérie.

Dans le droit interne français les crimes de guerres se prescrivent par trente ans. En revanche les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Dans les crimes contre l’humanité on retrouve les génocides : l’extermination des juifs de la Shoah, les crimes en Angola, de l’ex-Yougoslavie ainsi que les meurtres perpétrés en raison d’opinions politiques ou religieuses, ainsi que le fait d’affamer des populations, etc …

L’Algérie a subi les deux types de crime de la part de l’ancienne puissance coloniale : les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

Les crimes de guerre

Ces crimes ont connu une digression sémantique depuis l’indépendance de l’Algérie. Afin d’éviter de répondre des crimes de guerre dont elle a été responsable et d’être tenue de réparer ses crimes, la France a, par un glissement sémantique, trouvé ce subterfuge juridique pour nommer une guerre de grande ampleur, d’ « événements », terme qui enlève toute gravité au conflit. Ce terme d’« événement » renvoie au concept de problème interne. En somme la guerre d’Algérie est présentée comme étant un élément purement interne à la nation française et qui ne doit en aucun cas faire intervenir des éléments juridiques externes et internationaux.

Ainsi donc les crimes perpétrés contre la nation algérienne sont maquillés en conflit internes. Qualifiée d’« événements d’Algérie » par les uns, par de Gaulle notamment, de guerre de libération par les Algériens, cette question connaîtra un dénouement lors du voyage du président Bouteflika en France en 1999 pour rencontrer le président français, Chirac.
Alors que l’Algérie était en droit de réclamer des réparations pour crime de guerre, que la question était restée en suspens depuis l’indépendance, soulevée puis remisée à diverses occasions, elle fut définitivement réglée par Bouteflika, à l’occasion de cette rencontre. Bouteflika, en perte de confiance auprès des Algériens en raison de sa politique anti sociale, anti-populaire et pro-occidentale, particulièrement vilipendé par le peuple qui l’avait élu sur la base de sa campagne qui se réclamait de la politique de développement boumédieniste et anti-impérialiste, va utiliser la question de la guerre d’Algérie. Question sensible, elle fut le cheval de Troie du FLN, de tous les pouvoirs et même de toutes les sensibilités.
Craignant d’être sollicitée en vue de réparations conséquentes eu égard aux dommages causés au peuple algérien, la France s’arrangeait pour faire reléguer la question à plus tard. Cette question fut réglée définitivement contre les intérêts de l’Algérie le 11 juin 1999. La France reconnaissait officiellement la « guerre d’Algérie » par un vote unanime des députés de l’assemblée française.

Connaisseuse de la question, car étant partie prenante et rédactrice des instruments juridiques internationaux qui régissent le monde actuel - TPI, CPI, conventions internationales, etc …, ainsi que les droits d’intervention, droit d’ingérence (établis par Robert Badinter) - la France s’est arrogé des droits contre les victimes avec la complicité des chefs d’Etat de ces mêmes victimes.
La question de la guerre d’Algérie posée par la partie algérienne fut ignorée par la partie française dans une espèce de dialogue de sourds, avant de connaître ce dénouement avantageux par la France.

Bouteflika devait reconstituer sa popularité et redorer son blason terni depuis son accession au pouvoir. Quoi de mieux que d’exploiter les profondes blessures des Algériens par une guerre exterminatrice. Des pourparlers auraient été entrepris pour faire admettre le fait historique de la « guerre d’Algérie » au lieu d’ « événements d’Algérie »
Le président français avait alors annoncé de façon officielle le « rétablissement de l’histoire », il ne s’agissait plus d’événements d’Algérie« mais de »guerre d’Algérie« . Cette annonce avait été exploitée en Algérie par les éléments du pouvoir comme étant une victoire de plus sur l’ancien colonisateur, comme étant la victoire de l’intrépide Bouteflika contre l’ancien colonisateur. En France elle est présentée comme une provocation de plus par les anciens »ultra« du FLN. Par ce vote de par l’assemblée française du 11 juin 1999 l’histoire est »restaurée« . Il ne s’agit plus d’ »événements« mais de »guerre d’Algérie« . Voilà la »victoire".

Bouteflika était rentré chez lui en héros : il avait une fois de plus « fait plier l’Etat colonial ». S’agissait-il vraiment d’une victoire ? Faux ! Ce n’était qu’une larmoyante mise en scène.

Rappelons que l’élection présidentielle qui l’avait porté au pouvoir en 1999 s’était soldée par le retrait des 6 autres candidats de sorte qu’il s’était retrouvé seul en lice, son élection ressemblant au plébiscite d’un candidat unique et souffrant donc de l’absence du caractère « démocratique » formel.
Il accumulera également le désaveu de larges catégories sociales suite à sa politique de « concorde civile » qui a les assassins des enfants du peuple. Il va alors exploiter ce fait de l’histoire, il sera celui qui va restaurer l’histoire et restituer aux Algériens leurs droits d’être reconnus victimes de guerre.

En réalité la France qui n’avait plus rien à perdre et rien à craindre côté finances, a concédé la reconnaissance de la guerre d’Algérie, ce qui avait permis à Bouteflika une hausse en estime en Algérie. Les concessions économiques faites à la France en contrepartie se sont vérifiées par la suite : Alstom, Total Gaz, SNCF et autres contrats juteux. Aux dépens de l’économie nationale. Seulement, les portes pour toutes réparations financières pour crimes de guerre étaient définitivement fermées. La reconnaissance de la guerre d’Algérie fut adoptée dans la plus grande discrétion par l’assemblée nationale française.

Les crimes contre l’humanité

Pour ce qui concerne les massacres du 8 mai 1945, ceux-ci relèvent des crimes contre l’humanité et sont imprescriptibles. Ces crimes peuvent concerner aussi bien l’Etat français que des personnes.
Les voix qui s’élèvent présentement pour contester ou discuter de la question, évoquent en filigrane les possibilités de les mettre au passif de personnes et non de l’Etat. Il s’agit d’une imposture supplémentaire.

Les massacres du 8 mai 1945 ne sont pas le fait de gangs ou de clans, mais d’éléments du pouvoir central français qui ont agi sur ordre du gouverneur d’Alger qui lui-même a agi sur ordre du pouvoir central de l’Etat français ; par conséquent il ne s’agit pas de faits de personnes mais de faits d’un Etat.
On rappelle encore pour l’histoire, que M. Boumaaza avait longtemps milité pour faire reconnaître les massacres de Guelma et de Kherrata comme étant des crimes contre l’humanité, mais en vain, le pouvoir de Chadli étant récalcitrant.
Les massacres du 8 mai 1945 doivent être répertoriés parmi les crimes contre l’humanité car perpétrés en dehors de toutes considérations de déclaration de guerre.

Les massacres de très grande ampleur ont été perpétrés par les pouvoirs publics coloniaux, contre des populations qui manifestaient pacifiquement. Il s’agit donc de crimes contre l’humanité. Crimes imprescriptibles. L’Algérie est donc en droit de réclamer la reconnaissance de ces crimes et des réparations.
Y a-t-il volonté de s’attaquer à l’ancienne colonie sur ce qui est essentiel pour elle : la réparation, en d’autres termes son portemonnaie, ou alors s’agit-il de faits d’annonces dans un but étranger à la réparation, mais ayant plutôt trait à la connivence ?
Quoi qu’il en soit, l’ancienne puissance coloniale, puissance impérialiste décidée à ne rien concéder, a construit son système juridique de sorte qu’elle ne soit jamais inquiétée, malgré le principe de la séparation des pouvoirs dont se prévalent les Etats capitalistes dits démocratiques. Force est de constater que ce principe n’est en réalité qu’une clause de style évoquée aussi souvent que nécessaire. Et dès lors que les intérêts de la France sont un tant soit peu menacés, que sa crédibilité est remise en cause ou qu’elle doive mettre la main à la poche, le principe s’effrite.
il reste que la question des crimes de guerre tout comme les crimes contre l’humanité, peut toujours être portée devant les juridictions françaises car en vertu du code pénal, certains faits de guerre peuvent être qualifiés de crimes de guerre imprescriptibles ; mais le débat sur de possibles procédures contre l’ancienne puissance coloniale est d’ores et déjà fermé.

Cette puissance impérialiste a déjà tranché la question par le refus d’informer. Saisie d’une plainte du chef de crimes contre l’humanité par les familles des massacres du 17 octobre 1961, la Cour de cassation française a rendu un arrêt de refus d’informer au motif que tous les faits, toutes les infractions commises avant et après le 3 juillet 1962, même ceux qui ont donné lieu à condamnation sont amnistiés. L’amnistie est générale, elle couvre l’ensemble des infractions en lien avec la « guerre d’Algérie ». Cassation criminelle 30 mai 2000, n° pourvoi : 99-84024

La lutte reste à mener au niveau des Nations Unies pour faire admettre l’imprescriptibilité des crimes perpétrés par les anciens Etats colonialistes et la reconnaissance de leur responsabilité vis-à-vis des peuples colonisés et ce malgré les textes internes adoptés par ces Etats. Et faire admettre de façon contraignante les réparations indemnitaires à l’instar des crimes contre les juifs.

Kh. Sebdou
10.12.16