Fekhar et le M’zab : stratégie de la tension

samedi 1er juin 2019
par  Alger republicain

Réédition de l’article publié le 14/09/2017

Pour contribuer à dissiper les confusions et l’émotion provoquées par la mort de Fekhar, clarifier les enjeux cachés derrière l’instrumentalisation de sa mort, voici ce qu’écrivait Alger républicain dans un billet publié le 14 septembre 2017 sur son site web (http://www.alger-republicain.com/Le...). Ce billet nous paraît toujours actuel dans le contexte des luttes populaires contre le régime .
AR

Kamel-Eddine Fekhar et son petit cercle de sympathisants font l’objet de surveillance des services de sécurité depuis très longtemps. Il a été maintenu durant ces deux dernières années en « détention provisoire », une technique que tous les avocats dénoncent comme arbitraire et injustifiée. Il a été enfin libéré le 16 juillet dernier après son procès.

Fekhar préside le « Mouvement pour l’autonomie du Mzab ». Les textes publiés par le site web « siwel » * et la lettre de Fekhar au secrétaire général de l’ONU ne permettent aucune ambiguïté sur l’objectif de ce mouvement d’ériger en Etat dans l’Etat « le territoire du « M’zab » riche en pétrole et en gaz » (précisions non anodines de Fekhar dans sa lettre au SG de l’ONU). Un territoire défini « culturellement et ethniquement » dont ils refusent la dilution dans la nation algérienne. Fekhar et le MAM vont jusqu’à écrire que jusqu’en juillet 1962 les mozabites qu’ils prétendent représenter vivaient en paix. Leur « calvaire » a commencé à l’indépendance de l’Algérie, dont ils s’abstiennent de dire si selon eux le M’zab en faisait et fait partie ou non, ou s’il n’est qu’un autre pays ainsi dénommé, un voisin expansionniste.
Les brassages économiques et sociaux qui ont affecté le M’Zab comme toutes les régions du pays, cassant les cloisonnements archaïques, sont imputés à un plan dont le but machiavélique est de faire disparaître ces particularités et non aux effets du développement économique.
Que représente le groupe Fekhar au M’Zab ? Apparemment il n’a que très peu de soutien. La très grande majorité des habitants de la région inscrit ses perspectives de vie non sur un territoire « historiquement » et immuablement délimité par les frontières et les règles tribales d’antan mais dans l’ensemble plus large que constitue l’Algérie, conquête éminemment progressiste de la lutte de libération dont l’hymne national a été composé par l’un des plus grands poètes d’origine mozabite, Moufdi Zakaria.
Qui aurait entendu parler d’eux s’ils n’avaient pas fait l’objet de harcèlements policiers depuis des années, souvent sous des motifs ridicules ? C’est leur arrestation qui a eu pour résultat de braquer les feux des projecteurs sur ce groupe. Des débats politiques auraient suffi à montrer que les buts séparatistes du mouvement, camouflés sous couvert de défense des droits de l’Homme et des libertés d’expression, sont en contradiction avec l’aspiration générale à défendre l’unité du territoire et à renforcer l’intégration économique de l’Algérie dans la lutte contre les inégalités régionales qu’engendre le capitalisme.
Le pouvoir a fait le choix de ne jamais dénoncer publiquement les objectifs de ce mouvement. Il a opté pour la décision provocatrice de les mettre en prison pour le vague motif d’ « atteinte à la sûreté de l’Etat », motif de tout temps invoqué pour jeter en prison n’importe qui sous n’importe quel prétexte.
Comment expliquer l’arrestation d’individus isolés et dépourvus de l’influence qui aurait rendu leurs activités vraiment dangereuses pour les intérêts des masses populaires ?
Comme en Kabylie, aucune hypothèse ne peut être rejetée sur le jeu trouble de certains cercles du régime. Ils semblent suivre une démarche dont la finalité non déclarée est de favoriser l’extension des effectifs des groupes séparatistes, d’attiser leurs activités pour pouvoir ensuite crier au danger contre l’unité du territoire, au devoir absolu de l’union nationale autour du régime et au soutien, comme un « moindre mal » de sa politique économique et sociale antipopulaire.

La classe ouvrière et les travailleurs, quelles que soient leurs origines régionales, ont besoin quant à eux de préserver et de renforcer leur unité pour faire face à la dure épreuve que leur préparent leurs exploiteurs communs qui savent marcher main dans la main qu’ils soient « arabes », « kabyles » ou « mozabites ». Cette classification héritée des structures tribales désuètes et exacerbée par le colonialisme est un piège funeste qu’il faut combattre sans merci. Les travailleurs ont le plus intérêt à refuser le traquenard de la remise en cause de l’unité et de l’intégrité du territoire. Unité et intégrité qu’il ne faut pas confondre avec l’ « union nationale » que chérissent leurs exploiteurs et les classes parasitaires pour étouffer la lutte des classes inévitable dans une société fondée sur l’exploitation de la majorité par la minorité.
K.B.

* http://archives.siwel.info/ONU-MZAB-Ban-Ki-Moon-interpelle-sur-la-situation-grave-et-urgente-des-Mozabites-face-aux-crimes-et-au-racisme-d-Etat_a7622.html