Grève et sit-in des travailleurs de l’entreprise d’accessoires industriels et sanitaires (Saniak) de Ain El-Kebira, Sétif

mercredi 28 février 2018
par  Alger republicain

Ils étaient plus de 390 travailleurs de cette filiale de BCR (Boulonnerie Coutellerie Robinetterie) à s’être rassemblés devant l’entrée principale.

Les travailleurs ont entamé leur mouvement de grève et de protestation depuis le 12 février. Ils réclament une augmentation de 20% de leur salaire de base. Le même taux que celui qui a été accordé à leurs camarades de la filiale Ofree de Bordj Menail qui ont bénéficié aussi d’une revalorisation de leurs primes. Des augmentations arrachés à la suite d’une longue grève. Notre journal en avait fait état dans un article du 22 mai 2017 ( voir sur notre site web : http://www.alger-republicain.com/Gr...BCR-de-Bordj.html).

En plus de cette revendication, ils réclament l’amélioration de leur repas et surtout la titularisation des travailleurs maintenus depuis des années sous contrat à durée déterminée. Sur un effectif de 470 travailleurs et employés le nombre des « temporaires » s’élevait récemment encore à 300 alors que le travail n’a rien de saisonnier !

Les grévistes dénoncent également le comportement abjecte et autoritaire de certains responsables du groupe. Ils les accusent d’être a l’origine de la crise que traverse l’entreprise et sont convaincus que l’absence d ‘une politique commerciale à l’échelle nationale entre dans le cadre d’une opération de sabotage pour favoriser les intérêts des importateurs. Ils refusent l’argument mis en avant par la direction sur la charge d’une dette évaluée par la direction de l’usine à 1,3 milliards de dinars. La dette dont ils ne sont pas responsables a été héritée des années 1990. D’après des travailleurs chaque année l’usine verse à la banque créancière un tiers de son chiffre d’affaires, soit quelque 300 millions de dinars, sans que cela ne permette de s’affranchir de ce fardeau écrasant. Les excédents réalisés ne servent ni à investir pour accroître les capacités de production de l’usine ni à améliorer leur condition. Les travailleurs découvrent peu à peu que leur travail sert à ramener de l’argent à la banque qui le prête aux importateurs comme c’est le cas de l’ensemble des entreprises publiques dont le pouvoir refuse d’effacer radicalement la dette, une astuce qui permet au pouvoir de faire croire qu’il n’y a pas d’autre solution que de privatiser ces usines juteuses et au marché interne garanti. Autrement dit, les travailleurs du secteur public industriel sont condamnés à une vie d’esclavage pour un salaire de misère à seule fin d’enrichir les trafiquants choyés par les banques publiques. Ils sont la vache à lait des nouveaux riches dont la prospérité repose sur leur sueur et la fraude fiscale.

Expression de l’inquiétude qui grandit dans leurs rangs, les employés ont saisi l’occasion pour tirer la sonnette d’alarme à l’intention des autorités, tout en prévenant d’une situation catastrophique qui mettra l’entreprise publique a genou.

Le groupe BCR était composé de trois unités, l’unité Bordj Menaiel, l’unité de Oued Rhiou, l’unité de Ain El-Kabira. Cette dernière était la plus importante de toutes. Elle a connu ses années de gloire. Elle employait autrefois 1200 ouvriers et employés. Malheureusement, tout est parti ou presque à vau-l’eau. L’une des actions entreprises dans le cadre de la restructuration du groupe en 2006 a consisté à déménager ses équipements les plus récents et les plus performants vers l’unité de Oued Rhiou. En « échange », elle a récupéré les équipements vétustes et de piètre qualité de celle-ci ! Cette décision a précipité ce joyau industriel dans l’abîme de la faillite. Selon les travailleurs révoltés par cette décision absurde le matériel hérité de Oued Rhiou n’est qu’un tas de ferraille qui ne sert strictement à rien.

Il est à rappeler que l’entreprise publique est un acquis de l’industrialisation des années 70, un fleuron de la branche de la métallurgie qui a permis de maîtriser un savoir-faire précieux tout en répondant à la demande nationale liée notamment à l’équipement des logements en produits sanitaires auparavant importés. Les articles de coutellerie, de boulonnerie et de robinetterie, ont fait ses beaux jours.
Le risque de liquidation pure et simple de l’entreprise a suscité une prise de conscience des travailleurs sur la nécessité de construire un bloc capable d’aider à répondre à un double défi : faire face à l’inondation du marché par des produits de contrefaçon au label BCR mais à bas prix, mais aussi mettre en échec les efforts acharnés des liquidateurs de la production industrielle nationale pour faire le bonheur des importateurs et de leurs associés dans le pouvoir.

A l’occasion de l’anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, Bouteflika a « instruit » le gouvernement de faire jouer au secteur public « marchand » un rôle « moteur » dans la relance économique. C’est la première fois depuis plus de 30 ans de désindustrialisation maladive qu’un chef d’Etat réhabilite un concept décrié par les partisans du « marché qui régule marché », une vision qui a conduit le pays à la dépendance économique. La responsabilité de ceux qu’on désigne sous le vocable d’ « ultra-libéraux » - pour éviter d’accuser directement le capitalisme - dans le désastre actuel est maintenant flagrante avec la baisse des recettes pétrolières. Discours de circonstance ou orientation sérieuse ? Les travailleurs de BCR n’ont qu’à le prendre au mot en lui disant : « chiche ! ». Effacez la dette du secteur public pour de bon ! Arrêtez l’importation de la camelote « taïwan » ou turque ! Remettez les compteurs à zéro et placez des gestionnaires dévoués à l’intérêt général !

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