Guerre d’Algérie. Josette Audin : « Aussaresses est un être immonde qui a menti toute sa vie »

dimanche 12 janvier 2014

Réservée sur le livre de Jean-Charles Deniau qui affirme que Maurice Audin a été assassiné sur les ordres du général Massu, la veuve du mathématicien attend que l’État français condamne la torture, comme l’avait fait Jacques Chirac à propos de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Sur France Inter mercredi matin, vous sembliez irritée par la sortie du livre la Vérité sur la mort de Maurice Audin. Pour quelles raisons ?

Josette Audin. Je suis irritée et offusquée. J’ai rencontré Jean-Charles Deniau par l’intermédiaire d’un fonctionnaire des archives du ministère de la Défense. C’était lundi dernier. Mais il ne m’a pas parlé de son livre. C’est en fait un journaliste de France Inter qui est venu me voir avec à la main un livre dont j’ignorais l’existence et que, par conséquent, je n’avais pas encore lu. Je n’ai pas été contente du tout que l’auteur ne m’ait pas prévenue que son livre traitait de l’assassinat de Maurice Audin.

Que reprochez-vous à ce livre ?

Josette Audin. Le fait de rapporter uniquement les propos posthumes de son ami Aussaresses, un ami de la famille chez qui il se rendait souvent. Cela dit, il a le droit d’écrire sur le sujet évidemment, mais il n’a pas le droit d’utiliser le nom de Maurice Audin pour faire vendre. Pour moi, c’est une façon abjecte de procéder (à lire : Maurice Audin exécuté sur ordre du général Massu).

Cela étant, pensez-vous que les « aveux » d’Aussaresses contenus dans ce livre constituent une avancée ?

Josette Audin. Je ne suis pas opposée à ce que des gens s’expriment sur cette période sombre, y compris Aussaresses que je considère comme un être immonde. Mais on ne peut pas lui accorder la moindre confiance. Est-ce que l’on peut qualifier ses affirmations d’aveux ? Est-ce que tout est vrai dans ce qu’il a dit à Deniau ? On ne peut pas savoir la vérité avec des gens comme Aussaresses en qui on n’a pas confiance. Il faut que d’autres personnes disposant de sources s’expriment sur ce qui s’est passé et ne pas s’en tenir uniquement aux déclarations d’Aussaresses.

À Alger, François Hollande a fait un geste en se recueillant place Maurice-Audin…

Josette Audin. Je crois que c’est l’historien Benjamin Stora qui lui avait conseillé ce geste. Il trouve que ce qu’a fait Hollande est bien. Mais moi j’estime que le président de la République n’est pas allé jusqu’au bout.

Qu’attendez-vous alors de lui et des autorités françaises ?

Josette Audin. Qu’elles condamnent ce qui s’est passé en Algérie : la torture, les disparitions forcées et les exécutions sommaires. Comme le président de la République Jacques Chirac l’avait fait pour la rafle du Vél’d’Hiv. Est-ce qu’on a entendu un membre du gouvernement condamner la torture qui avait été approuvée par les gouvernements de l’époque ? Non. Il faut le faire. Ne pas le faire, c’est honteux pour la France.

François Hollande a pourtant ordonné la déclassification des archives concernant Maurice Audin…

Josette Audin. J’ai consulté les archives du ministère de la Défense. Il n’y avait pas grand-chose. Je crois qu’ils ont été assez malins pour ne laisser aucun document compromettant. Ils ont dû faire un petit ménage. La journaliste Nathalie Funès a dû aller aux États-Unis pour consulter des archives se rapportant à cette affaire. J’ajoute, et c’est cela qui me met en colère, qu’Aussaresses possède sûrement des archives personnelles. Ce serait bien que l’État français les récupère si on ne veut pas qu’elles tombent entre les mains des anciens paras, qui n’hésiteront pas à les brûler, histoire de sauvegarder l’honneur de l’armée française.

Entretien réalisé par Hassane Zerrouky

le 09.01.14

in l’Humanité

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