Haïti : malgré toutes les révoltes, le peuple haïtien subit toujours les ingérences impérialistes (2e partie)*

jeudi 30 mars 2017
par  Alger républicain

La succession des présidents sous couvert de l’impérialisme qui est le véritable gestionnaire d’Haïti

Depuis l’indépendance proclamée par le général Dessalines, le peuple haïtien n’a pas réussi à stabiliser la situation politique d’Haïti. Plus de 38 présidents se sont succédé, seulement 6 ont terminé leur mandat, certains ont été renversés par un coup d ‘État ou bien assassinés. L’île est soumise totalement aux puissances étrangères en particulier la France coloniale et même les USA qui veulent à tout prix empêcher l’île de suivre l’exemple de Cuba. Les Américains sont intervenus militairement une première fois en 1915. Le prétexte avancé c’est la lutte contre les paysans armés surnommés les cacos. Ils engagèrent une terrible répression contre les insurgés. Le massacre fit plus de 2000 morts. Avec la complicité de la bourgeoisie locale, Ils instaurèrent une véritable dictature. Une bourgeoisie hétéroclite corrompue jusqu’à la lie. Ils vont dissoudre l’armée d’Haïti. Ils nommèrent un président fantoche et pendant toute l’occupation jusqu’en 1934 ils vont assassiner de nombreux cadres indésirables et des militants progressistes. Le peuple haïtien réagit et oblige les Américains à quitter les lieux. L’armée américaine quitte le pays la queue entre les jambes en laissant derrière elle un pays en ruine et la misère des Haïtiens.

Au cours du vingtième siècle, les Etats-Unis ont utilisé leur puissance militaire et économique pour empêcher tout changement socio-économique radical en Haïti. Washington a appuyé à maintes reprises des dictatures qui servaient à préserver les privilèges d’une mince élite locale, tout en maintenant les masses haïtiennes dans la misère.

1934 c’est la naissance du parti communiste marxiste-léniniste d’Haïti. Un immense espoir pour les travailleurs haïtiens et des paysans pauvres. Ce premier parti communiste fut dissous en 1936 soit deux années après sa création La mouvance politique communiste se reconstitua sous d’autres appellations suite aux nombreuses interdictions et à la répression que ses militants subissaient. Mais aussi par le réformisme et la trahison de certains dirigeants. La lutte des communistes a été très dure, ses militants sont assassinés. La répression anti communiste se généralise dans tout le pays.

L’instabilité de l’île est à son comble, les présidents élus se succèdent mais sont très vite renversés par des putschs à répétition de l’armée haïtienne. La situation est explosive. Les puissances impérialistes interviennent ouvertement dans les affaires intérieures de l’île.

Mise en place de la dictature Duvalier, fils béni des USA

Pour sortir de ce marasme putride et empêcher à tout prix que le peuple haïtien prenne le pouvoir, les gros propriétaires terriens et ces élites dont on parle souvent, un ramassis de canailles et de brigands, bien souvent étrangers au pays, vont organiser avec la complicité des puissances impérialistes, une élection bidon et faire élire le sinistre François Duvalier. Peu importe son pedigree, François Duvalier, va agir avec le soutien des USA, de la France coloniale et de cette bourgeoisie putride et corrompue, il va instaurer une dictature féroce et sanguinaire dans tout le pays. Pour mater toute opposition, il va se doter d’une milice paramilitaire surnommée « les tontons macoutes » tristement célèbres. Une force armée redoutable de près de 5000 à 10 000 hommes, formée et inspirée des chemises noires de l’Italie fasciste et ne touche aucun salaire. Massacre, exécutions sommaires, viols, tortures et pillages, telles seront les activités macabres de cette force particulière au service du capital et bien sûr, agissant dans l’impunité totale. François Duvalier est le maître d’œuvre de cette sinistre institution, il en dispose à sa guise. Il donnera l’ordre à sa milice d’assassiner ses opposants, les progressistes, les communistes, etc. et fera massacrer des révoltes paysannes. Le bilan de leur activité mortuaire s’élève à plusieurs milliers de morts. Vomi par le peuple haïtien, il échappa à plusieurs tentatives d’assassinat.

« En 1959, alors qu’il est soigné à l’hôpital pour une crise cardiaque, un commando tente de débarquer sur l’île. Le chef de la police secrète, fait alors appel à la marine américaine pour empêcher l’opération. À la suite de ce qui s’apparente à une tentative d’enlèvement de ses deux enfants, il commandite le massacre du 26 avril 1963 où plusieurs maisons ont été incendiées avec leurs occupants et des dizaines de personnes assassinées par balles ou encore enlevées pour ne plus jamais être revues. Lors de ce massacre, de nombreux haut-gradés des forces armées d’Haïti, soupçonnés d’être opposés à son pouvoir, sont entre autres ciblés. » (Wikipedia)

Encore une fois les gentils américains viennent sauver le dictateur François Duvalier. On a les amis que l’on mérite.

En 1964, après un referendum sans adversaire, il se proclame président à vie. Toute l’opposition a été éliminée, les cadres politiques, administratifs et techniques ont fui à l’étranger. Le pays est au bord du gouffre, le PIB chuta de 40% durant son règne, sans compter les détournements de fond publics de plusieurs millions de dollars. Il a aussi bénéficié de quelques millions de dollars d’aide économique pour travail bien fait de ses amis les plus chers, les USA et la France.

Le dictateur Duvalier est aussi responsable du désastre environnemental. La déforestation provoquée pour des besoins économiques et qui avait commencé dès l’arrivée des conquistadores (bois énergétique, bois précieux, plantation de canne à sucre et caféiers) fut un véritable désastre. En 1923 les forêts couvraient près de 60% du pays. La flore locale qui résistait aux pluies tropicales, aux cyclones, ouragans et autres calamités est détruite au profit de la canne à sucre et de caféiers qui rapportaient gros aux colons et aussi de l’énorme besoin énergétique et économique du pays. Le résultat ne se fit pas attendre. Vu du ciel il donne froid au dos, la verdure a complétement disparu. La déforestation a entraîné une érosion du sol désastreuse, rendant les surfaces cultivables stériles. Les pluies tropicales intenses provoquent des glissements de terrain meurtriers, des ravinements néfastes et dangereux pour l’accessibilité et bien d’autres inconvénients.

A la fin de son règne en 1971, François Duvalier va modifier la Constitution pour faire élire son fils Jean Claude à sa place. A part quelques changements sans importance, la dictature de Jean Claude Duvalier va continuer comme sous le règne de son père. Haïti devient une affaire de famille qui va durer encore plus de 20 années. Le peuple haïtien n’en pouvant plus va le chasser du pouvoir. De peur d’être lynché face à une insurrection populaire, il prendra la fuite à bord d’un avion de la US Air force américaine. La France des droits de l’Homme va l’accueillir et lui assurer des conditions de vie plus que respectables. Il disposera d’une belle villa dans un quartier résidentiel sur les hauteurs de Nice. Il faut préciser qu’il n’est pas venu les poches vides. Il s’est exilé avec 900 millions de dollars volés dans les caisses de l’État haïtien. Soit une somme alors supérieure à la dette externe du pays. Malgré les nombreuses demandes d’extradition, la France n’a jamais répondu. La famille Duvalier a détourné à son profit 80% de l’aide économique versée par ses amis qui l’on soutenu pendant son règne : les USA et la France.

Qu’en est-il aujourd’hui d’Haïti ? Les conditions d’existence des populations haïtiennes ont-elles évolué ?

Depuis la fin de la dictature Duvalier, on ne peut pas dire que la situation politique de l’île a évolué dans le bon sens. Bien au contraire, les masses populaires vivent toujours dans un état lamentable. La pauvreté endémique des Haïtiens est insupportable. Haïti ressemble à un immense bidonville. Les habitants n’ont ni eau potable ni électricité. Autour des taudis faits de bric et de broc, on peut apercevoir des enfants faméliques, parce que parfois ils n’ont rien à manger, et en guenilles jouer à côté des immondices putrides et des égouts à ciel ouvert au milieu d’une odeur nauséabonde. Ces enfants n’ont pas d’école. 80% du peuple haïtien vit sous le seuil de pauvreté. Seul une petite minorité trouve son compte. Le combat des Haïtiens contre les autorités est permanent. Les nombreuses révoltes sont réprimées atrocement. Les mécontents sont parfois massacrés par l’armée.

Venant aggraver encore la situation des Haïtiens, les cyclones, ouragans, tempêtes tropicales, pluies torrentielles, crues, inondations, tremblements de terre, touchent régulièrement l’île. Le dernier ouragan Matthew, un des plus dévastateur que l’île ait connu, a fait plus de 336 morts et des destructions catastrophiques dans tout le pays. Également le dernier tremblement de terre a fait quelque 300 000 morts, détruit 80% de la capitale Port-au-Prince et laissé plus d’un million d’habitants sans abri. Suite à ces calamités et des conditions sanitaires de la population inexistantes, l’apparition du choléra va faire des centaines de victimes. Depuis ces événements, les autorités n’ont rien fait pour venir en aide à leur peuple, malgré l’importante solidarité internationale. Toutes les donations (plusieurs millions de dollars) sont accaparées par une bourgeoisie hétéroclite et corrompue soutenue par les puissances impérialistes.

Sur le plan politique, pas de changement, la ronde infernale des présidents a continué au même rythme : Moussa el Hadj remplacé par el Hadj Moussa. Haïti est toujours sous la domination néocoloniale de la France et des USA, sans oublier les méfaits catastrophiques du FMI et de la banque mondiale. Les élections présidentielles sont devenues de véritables foires d’empoigne. Les présidents sont choisis à la carte. Le vote est toujours en faveur du choix fait à l’avance, peu importe le résultat des votants. L’Eglise joue un rôle politique non négligeable dans les affaires internes de l’île. Elle est restée très puissante dans le pays. Apparemment toute cette mascarade électorale ne la dérange pas - qui ne dit rien consent - et dans certains cas elle intervient grossièrement dans le choix des présidents. Il faut reconnaître, qu’elle a quand même pris position et combattu la dictature des Duvalier.

Bertrand Aristide et sa trahison. Quel avenir aujourd’hui pour le peuple haïtien ?

Après toutes ces péripéties politiques, un homme va émerger de cette fournaise et provoquer une certaine rupture dans la cacophonie des dirigeants de l’île. Jean-Bertrand Aristide est prêtre catholique et en plus, ce qui est nouveau, il est partisan de la « théorie de la libération ». Aristide va rencontrer les pires ennuis avec le Vatican qui voit rouge. Il est accusé par la hiérarchie catholique locale et par le Vatican d’être un apôtre de la lutte des classes. A tel point qu’il se défroque de ses habits de prêtre. Pourquoi une telle attaque contre sa personne ? Il a suffi pour mettre en rage ses adversaires qu’il évoque dans son programme économique la justice sociale et la réforme agraire, qu’il proclame son intention de se battre pour que le peuple haïtien recouvre sa dignité et surtout de combattre la corruption en menaçant de juger les dirigeants qui ont magouillé et dilapidé le pays. En raison de sa personnalité charismatique, Jean Bertrand Aristide est choisi comme candidat pour l’élection présidentielle de 1990 par le Front national pour le changement et la démocratie qui regroupe 15 organisations de centre gauche. Les mesures qu’il propose dans son programme consistent à soutenir l’industrie et l’agriculture, à viser l’autosuffisance alimentaire par la réforme agraire et quelques mesures pour réorganiser l’administration et augmenter les salaires. Le peuple haïtien reprend espoir et soutient dans sa grande majorité Aristide et son programme.

L’épisode d’Aristide s’est malheureusement terminé en eau de boudin pour le peuple haïtien. D’abord renversé par un coup d’État en 1991, Aristide s’exile aux USA, puis revient à bord de la marine de guerre américaine et réinstallé à nouveau en tant que président. Il se dégonfle comme une baudruche et applique à la lettre le plan d’ajustement structurel et les directives des USA.
Retour à la case départ, la ronde des présidents élus continue, le peuple haïtien encore une fois a été trompé par ses dirigeants politiques. Ceux qui sont à la tête du pays et qui gouvernent, une véritable mafia, représentent (d’après le journal le Monde) à peine 3% de la population mais contrôlent 80% de l’économie.

Cette situation ne peut durer éternellement. Le peuple haïtien ne perd pas espoir de chasser un jour tous ces dirigeants corrompus à la solde des puissances impérialistes, qui gouvernent le pays depuis des décennies et qui s’enrichissent illicitement sur son dos. Toutes les magouilles, les intrigues, les assassinats, la répression contre ce peuple, n’arriveront pas à empêcher les haïtiens de regarder vers Cuba. Ce peuple fière qui a combattu et vaincu des ennemis aussi puissants et aussi féroces que la France ne peut supporter encore longtemps les canailles qui le dirigent. Dessalines est une mémoire qui ne s’effacera jamais.

Liès Sahoura
30.03.17



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