Incendies en Russie : une conséquence du démantèlement de l’État soviétique et de l’instauration du capitalisme

mardi 7 septembre 2010

C’est bien ce qui ressort de l’opinion livrée au journal Le Monde* par l’historienne Marie-Hélène Mandrillon, spécialiste de l’environnement russe, ingénieur au CNRS et enseignante ? l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Pour elle « La catastrophe n’a pas uniquement des causes naturelles ».

La réforme du code forestier, décidée en 2007 par Vladimir Poutine n’explique pas en effet ? elle seule l’ampleur des incendies qui ont ravagé la Russie.

Cette modification "n’a été que la dernière étape de la disparition de la fonction de protection de la forêt en Russie. L’URSS comptait un corps de forestiers nombreux, spécialisé, compétent. Avec l’implosion du régime et la crise économique qui a suivi, le moyen trouvé pour assurer leur subsistance a été de les autoriser ? vendre le bois qu’ils coupaient. Cette fonction a vite pris le pas sur les autres. Dès 1990, plus personne sur le terrain ne s’est préoccupé de protection, d’entretien. La suppression du ministère de l’environnement en 2000 et le rattachement, en 2004, de l’agence fédérale de la forêt au ministère des ressources naturelles, chargé de l’exploitation et non de la protection de l’environnement, ont entériné cette évolution.

[…]

Avec ce code, la fonction de protection de la forêt disparaît complètement. Aucun moyen humain ou technique n’y est plus rattaché. Ce n’est plus une mission fédérale, il n’y a plus de gestion centralisée : la protection revient aux régions, avec des problèmes de moyens et de coordination lorsqu’un feu passe d’une région ? l’autre.« La mainmise des milieux d’affaires sur les forêts est ? l’origine de l’extension des feux : »Des grands groupes industriels ont investi dans les terres et notamment dans les forêts […] Pire, des groupes financiers, voire des responsables politiques, défrichent des bois et créent des lotissements sans autorisation. Cela entraîne un mitage de régions autrefois couvertes par la forêt, multipliant les risques de départs de feu

[…]

(et) Du temps de l’URSS, il y avait une surveillance aérienne de ces tourbières hautement inflammables et des moyens rudimentaires pour arrêter les incendies. Ce n’est plus du tout le cas."

Propos recueillis par Grégoire Allix

*Edition du 7 août 2010