La Syrie en ligne de mire

mercredi 9 janvier 2013

Les États-Unis et les principales puissances européennes ont pris cette semaine un certain nombre de mesures pour intervenir directement dans la sanglante guerre civile sectaire qu’ils attisent en Syrie dans le but de renverser le gouvernement de Bachar al-Assad.

La Syrie – où des dizaines de milliers de personnes ont été tués et qui est confrontée à un désastre économique en raison de cette opération appuyée par les États-Unis – est le dernier pays d’une longue série à se trouver confrontée à la perspective d’un bombardement américain.

Vendredi, le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a annoncé que l’armée américaine commencerait à déployer des batteries de missiles ainsi que 400 soldats américains le long de la frontière turco-syrienne. Ceux-ci seront rejoints par 400 soldats allemands et 300 néerlandais pour opérer des batteries de missiles supplémentaires.

Alors que le déploiement s’est fait sous le prétexte de « défendre » la Turquie contre une éventuelle attaque syrienne, la décision est en fait une escalade significative de la politique guerrière américaine. Les systèmes de missiles peuvent être utilisés à la fois contre des avions de combat et des missiles afin d’assurer une couverture aérienne aux forces d’opposition ou d’établir une zone « d’exclusion aérienne » le long de la frontière, deux éléments précurseurs d’une action militaire directe.

La décision est intervenue quelques jours seulement après une réunion des « Amis de la Syrie  » au Maroc lors de laquelle les principales puissances, dont les États-Unis, ont officiellement donné leur bénédiction à la « Coalition nationale de la révolution syrienne et des forces d’opposition. » Le groupe avait été bricolé il y a un mois seulement par le gouvernement Obama dans le but d’être sacré gouvernement officiel.

En déclarant que la Coalition nationale est le « représentant légitime » du peuple syrien, les puissances impérialistes ont adopté une politique d’intensification de la sanglante guerre sectaire jusqu’à la victoire finale – le renversement du gouvernement syrien et son remplacement par un gouvernement plus réceptif aux objectifs de Washington.

Une fois de plus, une société tout entière est en train d’être détruite. La guerre civile sectaire en Syrie – dans laquelle des groupes fondamentalistes islamiques sunnites alignés sur les États-Unis sont en train de jouer un rôle de plus en plus décisif – a déjà entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes. Quelque deux millions de personnes ont été transformées en réfugiés et des centaines de milliers ont fui le pays.

La Syrie, un pays relativement développé et qui a l’une des espérances de vie les plus longues du Moyen-Orient, est implacablement projetée en arrière. L’Institut de la Finance internationale (IIF) a estimé en début de semaine que, des suites de la guerre et des sanctions internationales, l’économie va s’effondrer de 20 pour cent en 2012.

L’inflation a grimpé en flèche à 40 pour cent, engendrant un effondrement correspondant du pouvoir d’achat. L’infrastructure sociale est en état de délabrement. La famine est endémique. Le pain est de plus en plus rare. Des millions sont incapables de chauffer leurs logements en raison du prix du fuel. Des dizaines d’hôpitaux ont été fermés ou manquent de fournitures de base.
La principale responsabilité pour cette situation incombe aux puissances impérialistes. Depuis le déclenchement initial des protestations anti-Assad au début de 2011, les États-Unis œuvrent sans relâche pour promouvoir leurs propres intérêts, comptant pour ce faire, sur les forces les plus droitières et les plus réactionnaires, y compris des organisations liées à al-Qaïda, et dirigées par le Front al-Nosra. En début de semaine, le Front a organisé à Damas des attentats à la voiture piégée qui ont tué au moins 24 civils, dont un grand nombre d’enfants.

Il est difficile de rendre compte du cynisme absolu de cette opération des États-Unis. Depuis plus d’une décennie, le cadre idéologique central de la politique des États-Unis – utilisée pour justifier la guerre à l’extérieur du pays et les attaques contre les droits démocratiques à l’intérieur – est la « guerre contre le terrorisme  ». Et pourtant, l’armée américaine et la CIA font maintenant partie d’une alliance de fait avec al-Qaïda en Syrie, comme c’était le cas en Libye en 2011. La décision de Washington de qualifier officiellement le Front al-Nosra comme une « organisation terroriste » vise en partie à couvrir le fait qu’ils ont collaboré étroitement avec cette organisation durant des mois pour l’aider à s’établir comme la plus importante force de combat des « rebelles.  »

Le conflit que les États-Unis ont attisé menace de se développer en un massacre sectaire brutal s’accompagnant de bombardements de l’OTAN. Les dizaines de milliers de morts actuels s’élèveront rapidement à des centaines de milliers.

La criminalité de l’impérialisme américain dépasse tout ce qui s’est passé depuis les opérations lancées par l’Allemagne nazie avant la Deuxième Guerre mondiale. Un pays après l’autre est ciblé pour pour le renversement de son gouvernement, sur la base de mensonges impudents : l’Afghanistan, l’Irak et la Libye. Et ce n’est qu’un début. En raison notamment de son alliance avec l’Iran, la Syrie est considérée comme une « clé de voûte » de l’effort plus vaste consistant à retracer les frontières du Moyen-Orient et à renforcer la position des États-Unis par rapport à leurs principaux concurrents géopolitiques.

Parallèlement, le gouvernement Obama est engagé dans une campagne mondiale de frappes de drones et d’assassinats illégaux ciblant le Pakistan, le Yémen, la Somalie et d’autres pays. L’Afrique représente une sphère croissante où mener des opérations. Les États-Unis cherchent à encercler la Chine par un recentrage des forces militaires en Asie du Sud-Est. Il n’existe pas de partie du monde que la classe dirigeante américaine considère être en dehors de sa « sphère d’influence. »

La classe dirigeante américaine estime qu’elle peut opérer au moyen d’une criminalité aussi impudente parce que les organisations officielles « anti guerre » ont été intégrées, par le biais du gouvernement Obama, dans l’establishment politique bourgeois et qu’elles sont apparues comme les plus fervents partisans de l’intervention. Ce qui tient lieu de « gauche  » a donné son soutien à la « Révolution syrienne », une révolution encouragée par la CIA et emmenée par al-Qaïda.

Cependant, l’establishment politique official repose sur des fondations bien minces. A l’intérieur du pays comme à l’étranger, la classe dirigeante est en train d’appliquer une politique profondément impopulaire. C’est de la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière dans une lutte pour le socialisme que dépendent l’arrêt de la guerre sans fin et le désastre interminable qu’elle présage.

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Par Joseph Kishore

17 décembre 2012

Article original, WSWS, paru le 15 décembre 2012