Pas de liberté syndicale au journal « Liberté » *

vendredi 21 avril 2017
par  Alger républicain

Le magnat Rebrab ne perd jamais son temps avec les syndicalistes. Dès qu’ils s’entêtent à défendre les intérêts des travailleurs, le propriétaire de « Liberté » et d’une multitude de succursales de Cevital les met à la porte sans autre forme de procès.
Et ses liens avec les haut placés du régime et même la justice lui permettent de piétiner en toute impunité les lois sociales. La responsable du syndicat de Hyundaï jetée de son bureau par Rebrab fils, les anciens travailleurs de l’unité Sonacome Hassi Ben Bouali d’Alger mis à la porte après que ses locaux lui furent offerts pour une bouchée de pain par le gouvernement, les syndicalistes de l’usine d’huile de Béjaïa, tous en savent quelque chose.
Terreur sociale permettant de maintenir au plus bas les salaires des ouvriers de la production, fichage des « trublions », appareil d’Etat de haut en bas à son entière disposition quand il s’agit de briser une protestation ouvrière, tel est le secret de sa « réussite ».

C’est maintenant le tour des syndicalistes du journal Liberté d’en faire l’expérience. 5 d’entre eux viennent d’être purement et simplement licenciés. A la veille même de la tenue d’une réunion de conciliation sous les auspices de l’Inspection du travail conformément à la loi.
Et fait incroyable, la police requise par le journal a fait intrusion dans les locaux pour perquisitionner les bureaux des grévistes ! Leur crime impardonnable ? Le même que celui qui valut le congédiement à leurs prédécesseurs dans les autres établissements du groupe. Ils ont défendu les intérêts des travailleurs qui les ont élus. Ils ont tenu une AG le 10 avril pour exposer leurs revendications relatives à l’application des engagements sociaux pris par la direction du journal. Mais le directeur s’y est opposé prétextant qu’elle bloquait les activités du journal. Ils se sont interrogés sur les causes de la stagnation des recettes du journal qui laisse se profiler une menace sur leur poste de travail. Ils ont critiqué la hausse du prix du journal qui selon eux a causé une chute des ventes. En deux ans le prix a été réajusté à deux fois, passant de 10 à 20 puis à 30 dinars. Une hausse de 200% pour préserver les profits du patron confronté à la suppression de la publicité étatique [1].

« De quoi vous mêlez-vous ? » leur répond le directeur. Eh oui ! La liberté d’expression et d’organisation finit là où commence le périmètre des droits du propriétaire consacrés par les réformes entreprises depuis 1987. La « liberté » que défendent les Rebrab, Hassnaoui, Benamor, Sim et compagnie, patrons opposants ou affidés du pouvoir, c’est la liberté de l’exploiteur d’exploiter sans entraves son personnel. C’est la liberté de faire des profits faramineux et de les placer dans des comptes off-shore. Elle prime sur les droits syndicaux.

La grève est « impromptue », « sauvage » et « illégale » clame rageusement le directeur de Liberté. Sur un plan formel mais trompeur, il a peut-être raison. Les lois sociales que Hamrouche avaient fait adopter en 1990 par une APN fabriquée du temps du parti unique et toute acquise à l’instauration de la dictature bourgeoise ont posé de telles conditions que toutes les grèves entreprises depuis ces lois ont été « illégales ». En vertu de ces lois les tribunaux tranchent toujours en faveur du patron. Des milliers de travailleurs du secteur privé ont été licenciés pour grève « sauvage » sans qu’aucun journal privé - ne parlons pas des journaux gouvernementaux - n’en ait fait état dans ses colonnes. Voyons, il ne faut pas gêner les « capitaines d’industrie » ! Ne donnent-ils pas du travail aux ouvriers ?

Ce qui est totalement illégitime ce n’est pas le recours à la grève « sauvage », ce sont ces lois anti-ouvrières sauvages dont les travailleurs doivent obtenir l’abrogation pour faire respecter leurs droits minimum. Une revendication qu’on ne peut lire dans le programme d’aucun parti dit « démocratique » ou « anti-système ». Qu’on n’a pu lire non plus dans aucun article de Liberté depuis le début de sa création, dans aucun autre journal qui se prétend sur le papier défenseur de la démocratie. Comment s’en étonner ? Rebrab a été artificiellement lancé en 1987 par les mêmes qui ont mis en route les libéralisations avec comme pierre angulaire de leur plan le verrouillage anti-social anticipé de manière à briser « légalement » toute grève menaçant l’installation officielle projetée de la domination des intérêts d’une bourgeoisie aux dents longues.
Malgré la grève entamée le 15 avril Liberté a pu paraître hormis le lundi 16. Le secrétaire général du syndicat affirme qu’il a été composé dans les locaux d’El Watan.

Inutile de préciser qu’Alger républicain soutient l’action légitime des syndicalistes de Liberté.

Kader Badreddine
21.04.17

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* Lire les articles publiés à ce sujet par le site web TSA ainsi que le communiqué de la section syndicale


[1Une décision qui avait été prise contre Alger républicain sans qu’aucun chantre de la démocratie n’ait cru bon de s’en indigner, pas même le grand «  démocrate  » Chawki Ammari qui a ironisé avec une finesse grosse comme un câble sur un journal «  qui n’existe plus  » à ses dires.