Protestation des travailleurs de l’Entreprise de Transport Urbain et Suburbain d’Alger

jeudi 18 octobre 2012
par  Alger republicain

« Nous, protestons contre le mépris et pour nos droits légitimes », ont clamé les travailleurs de l’ETUSA, rassemblés en grand nombre, environ 1800 selon les organisateurs, devant le siège de l’UGTA, place du 1er Mai. Ils dénoncent le secrétaire général du syndicat de l’entreprise qui ne s’est jamais occupé de leurs revendications et le comportement méprisant du directeur général. Ils dénoncent les licenciements abusifs et le népotisme dont fait preuve le directeur général. Ils exigent également l’application de la convention collective promulguée et signée en 1997. Aucun de ses articles relatifs aux points suivants : salaire de base, prime de panier, congé supplémentaire rémunéré, la permanisation, prime de sacoche, prime de préservation du matériel, prime de découverte de fraude, prime de suivi et de des apprentis et prime de caisse, n’a connu d’application.

Les travailleurs se plaignent des salaires qu’ils touchent. Ils « sont minables » disent-ils. « Je suis chauffeur de bus depuis 22 ans dans cette entreprise et je touche un salaire de 25 000 DA, vous trouvez ça normal ? ». Les salaires de base, sur les fiches de paie, qui nous ont été montrées, ne dépassent pas les 15 000 DA.

« Les motifs, avancés par la direction de l’entreprise pour ne pas augmenter les salaires, ne tiennent pas debout. L’entreprise gagne de l’argent, nous savons ce que nous encaissons chaque jour sans compter l’argent de la publicité, du transport du personnel des entreprises et des corps constitués, le transport des étudiants, etc … » dit l’un d’entre eux.

Beaucoup de ces travailleurs sont contractuels et l’entreprise ne les a pas déclarés à la sécurité sociale. Ils ne touchent ni la prime du conjoint ni les allocations familiales. Celui qui a un membre de sa famille malade, comme leur camarade, dont la fille est atteinte d’une tumeur cancéreuse, se trouve dans l’obligation de faire appel à la solidarité de ses collègues ou à la charité pour y faire face.
L’unité d’El Harrach chargée du transport des étudiants compte 600 travailleurs, presque tous contractuels. « Contractuels » un argument utilisé de façon fallacieuse pour les empêcher de créer une section syndicale. « Ils ne peuvent pas se défendre ils sont obligés d’accepter tout sinon ils se retrouvent dehors » clame un de leurs collègues. Or la loi est claire : permanents, contractuels ou simples « vacataires », les travailleurs ont droit à s’organiser.
Ils se plaignent tous des conditions de travail, les chauffeurs et les receveurs ne se sentent pas protégés, quelques uns se sont fait agresser avec des blessures parfois graves sans aucune indemnisation de la part de l’entreprise.
Aussi, la prise du congé annuel en en deux fois 15 jours ne leur permet pas de se reposer suffisamment.

Les propos des travailleurs révèlent une certaine précarité qui met en danger leur avenir et celui de l’entreprise. Les contrats à durée limitée et les salaires dérisoires qu’ils touchent, font qu’une grande partie de la main-d’œuvre technique qualifiée fuit l’entreprise.

La gravité de la situation des travailleurs de l’Etusa est la conséquence de la politique suivie par le pouvoir depuis près de 20 ans. Il a laissé l’entreprise à l’abandon et confié le transport urbain des voyageurs à des personnes privées auxquelles il a prêté beaucoup d’argent et qu’il a aidées avec des exonérations de toutes sortes. Le résultat est là : les conditions de transport sont lamentables et humiliantes, indignes d’une capitale.

Il est vrai que le voyageur peut aujourd’hui se déplacer plus facilement qu’il y a 20 ans. Mais à quel prix et dans quelles conditions ? Le notion de service public est totalement ignorée par les propriétaires privées de bus : pas d’horaires fixes, les conducteurs attendent que le bus soit chargé à bloc avant de démarrer, pas de correspondances, prix excessifs pour aller d’un bout à l’autre de la ville, voyageurs serrés comme des sardines dans des bus surchargés, excès de vitesse, rares investissements de renouvellement des bus qui se trouvent la plupart dans un état lamentable, etc. Le profit maximum et en un minimum de temps, telle est la loi qui régit le transport des voyageurs depuis qu’il a été privatisé. Qu’importe la vie des passagers et même des conducteurs.

Voilà où a conduit la privatisation du transport de voyageurs à Alger et la politique planifiée de destruction de l’Etusa telle qu’elle a été suivie durant plus de 20 ans. La réhabilitation complète de l’entreprise publique pour doter Alger d’un transport public moderne et efficace se fait au compte-gouttes pour ne pas gêner les « amis » qui ont occupé le secteur et pour qui le passager n’est qu’une source de profits juteux.

Les travailleurs de l’Etusa subissent les conséquences de l’absence de volonté politique claire de remettre sur pieds l’entreprise et de lui donner la place prédominante qui doit être la sienne dans une ville comme Alger.

Nos ministres voient les choses sous un autre angle. Au lieu de se pencher sur les revendications des travailleurs, Monsieur Tou n’a rien trouvé à dire que de se féliciter que la grève de l’Etusa n’aurait pas affecté le transport des voyageurs, vu que sa part serait à peine de 3% du « marché ». Les voyageurs apprécieront la « finesse » de son analyse à « chaud ». Ils ne sont donc que des « marchandises », comparables à des sacs de patates, bonnes à procurer des profits aux transporteurs privés ! Voilà un aveu qui en dit long sur le mépris de nos gouvernants pour le petit peuple. La conclusion à tirer est simple : renforcer le privé pour casser les travailleurs, quel que soit le prix que le budget de l’État doit supporter, telle est la ligne de conduite que le régime ne veut nullement abandonner.

C.P.