Témoignage de Lakhdar Moktari, comédien*

dimanche 13 mars 2011

Après les metteurs en scène abattus ou réduits au silence, les acteurs eux-mêmes sont interdits de planches. Or le théâtre, c’est aussi, c’est surtout les comédiens, ces baladins qu’aucune frontière ne tient captifs, fût-ce celle de la langue.

Nous donnerons la parole ? ceux qui, une fois encore, sont contraints d’habiter d’autres demeures que celles des théâtres algériens. Au sein d’un exil problématique, leur témoignage, leur expérience, et leur action théâtrale sont un enrichissement et une possibilité d’ouverture pour le théâtre actuel. Nous entrerons en contact avec certains de ceux qui ont participé ? la création du théâtre algérien contemporain depuis l’indépendance, car il est devenu vital pour eux de poursuivre le parcours interrompu dans la quête d’une identité culturelle algérienne.

Lakhdar Moktari, qui participé depuis 1986, au théâtre d’Abdelkader Alloula, a été profondément influencé dans sa carrière de comédien par la vision particulière du théâtre qui était celle d’Alloula, et il en a suivi l’évolution et les différentes métamorphoses.

En effet, Alloula, pour qui l’expression théâtre « populaire » prenait son sens dans l’observation du petit peuple au cours de ses occupations quotidiennes, opéra un retour aux origines du théâtre conté sur la place publique par le goual, le conteur, autour duquel les gens formaient un cercle, la halqa.

Son théâtre, qui s’appuyait toujours sur la réalité telle que les gens pouvaient la percevoir, afin de la tourner en dérision, s’inspira dès lors de cette façon de raconter familière ? chacun dans l’univers des contes.

Pour Lakhdar Moktari, cela impliqua d’acquérir un jeu et un langage différents de ceux du théâtre conventionnel, qu’il tente de transmettre comme une forme originale de l’expression théâtrale algérienne.

L. Moktari : " En 1969, je suis entré ? l’Institut National d’Art Dramatique ? Alger. Après quatre ans d’études, je suis sorti muni d’un diplôme, mais qui n’était pas reconnu comme équivalence universitaire. Le seul débouché était donc automatiquement le théâtre.

A l’époque, seul existait le TNA (Théâtre National Algérien) car les autres théâtres, appelés théâtres régionaux, ne sont entrés que plus tard dans le cadre du système de la « décentralisation ». Le théâtre d’Oran a été « décentralisé » en novembre 1972, ceux de Constantine et d’Annaba en 1973.

A la sortie de l’Institut, nous formions un petit groupe refusant d’intégrer le TNA, qui était extrêmement vieillot.

Le TNA a été la première institution ? être nationalisée. Il était constitué par d’anciens comédiens autodidactes qui ne nous voyaient pas d’un bon œil. Nous voulions former une troupe indépendante au sein du théâtre, mais cela nous a été refusé par le directeur.

Nous avons donc formé notre propre troupe indépendante. Finalement, c’est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui a accepté que nous entrions dans le cadre de ses animations. On s’est donc mis ? faire du théâtre, tout en donnant des cours de mime, de rythme, de danse, enfin de tout ce qui concernait le théâtre, ? des éducateurs de maisons des jeunes.

C’est dans ce cadre-l ? , que nous avons monté une première pièce ? Oran, qui s’appelait Souza « La vermine ». Cela traitait de la délinquance des jeunes, un problème que nous connaissions bien et qui nous touchait. Ensuite, nous avons participé en 1973 au Festival Panafricain de la jeunesse ? Tunis, avec une pièce qui traitait de la politique africaine en général.

A l’époque, nous avons été contactés par Sid Ahmed Agoumi qui était directeur du théâtre d’Annaba, et nous avons vécu une deuxième expérience théâtrale.

Après un séjour de huit mois ? Grenoble, j’ai réintégré le théâtre d’Oran en 1979. J’ai créé un service de relations extérieures et j’ai joué dans plusieurs pièces. De l ? , j’ai entrepris la mise en scène d’une pièce. "

A partir de ce travail de mise en scène, jusqu’ ? sa rencontre avec Alloula, L. Moktari va entrer en contact direct avec le public algérien dans des lieux souvent peu adaptés ? une pratique théâtrale classique.

L’Algérie de cette époque, en pleine effervescence et en plein renouveau, offre un terrain d’expérience et de confrontation avec une population qui découvre une forme d’expression qui ne lui est pas familière et qui renvoie ? son tour une réponse très frontale.

L. Moktari : "Cette mise en scène était une adaptation très libre des Immigrés. Il s’agit, en fait, d’une immigration interne, de ces gens qui bougent en direction des villes, et du problème de logement qui se pose ? eux. Les personnages se retrouvent ? quatre, venus d’horizons divers, dans une cave qu’ils ont aménagée.

Il y a un intellectuel qui est l’image d’une sorte d’arrivisme de l’époque.

Il y a un vieux qui est l ? pour gagner un peu d’argent afin de l’envoyer ? ses enfants. Celui-l ? fuit complètement tous les problèmes de coexistence qui peuvent se poser, en prétextant qu’il va faire ses ablutions pour la prière. Il fait donc sa prière ? peu près toutes les heures, et les autres ont pris l’habitude de ce leitmotiv.

Il y a un trabendiste qui se sert de ce lieu comme d’un dépôt pour stocker ses marchandises. Le plus jeune, lui, ne se retrouve pas dans cette société, et il profite du peu d’argent qu’il gagne pour se saouler régulièrement. C’est donc un microcosme de la société algérienne, qui crée un univers assez étrange." Le contexte d’une réalité quotidienne parfois surréaliste, se mêle au jeu théâtral d’une manière insidieuse, comme cela se fait lorsque les espaces de création restent ouverts. Lors des tournées et des représentations données dans toute l’Algérie, alors que souvent, aucun endroit rigide et déterminé n’est réservé au théâtre, la pièce s’enrichit de situations imprévues et des réactions multiples des spectateurs. Il se noue ainsi un véritable échange qui était présent déj ? dans l’expérience théâtrale de Kateb Yacine.
« L. Moktari : » Le travail que nous faisions ? l’époque du T N A, ressemblait ? celui de K. Yacine avec Mohamed prends ta valise. On jouait dans des cours, des gymnases, un peu partout. On changeait de costumes devant le public, on avait un contact direct.

Ensuite, lorsque le théâtre est devenu plus classique, plus conventionnel, de toutes façons, chaque déplacement en Algérie suggérait que l’on s’adapte aux lieux et aux situations. Nous emportions nos projecteurs, notre sono, tout notre décor dans le camion parce que nous savions que l ? où nous allions, il n’y avait rien du tout. C’était une improvisation technique ? chaque fois.

On grillait je ne sais combien de lampes par spectacle. Dès fois, ils nous branchaient directement sur un poteau et toute l’installation sautait.

Parfois, ces problèmes techniques entraient d’une façon très intéressante dans la pièce elle-même.
Lors d’une représentation, il y a eu une coupure d’électricité ? cinq minutes de la fin, et nous avons terminé la pièce avec des torches. C’était le moment de cette pièce où les quatre personnages organisaient un vote démocratique pour tenter de rétablir l’ordre entre eux.

Ils ont donc rédigé des articles précis : article 1, le jeune ne doit pas rentrer saoul tous les soirs ; article 2, le vieux, El Hadj, ne doit pas aller sans cesse faire la prière. Et l’on votait pour oui ou non. Pour voter, il y avait une grande marmite dans laquelle chacun jetait son bulletin. Et au lieu de se retrouver avec quatre bulletins, on en trouvait des centaines dans la marmite. Nous jouions cela dans le noir, ce qui tombait bien puisqu’il s’agissait de parler des truquages électoraux. La coupure d’électricité était très suggestive.

Il y a peu de salles équipées en Algérie, on joue parfois dans des salles de cinéma, dans des lieux sans aucune profondeur. Alloula qui connaissait bien ce problème étudiait ses décors pour qu’ils puissent se couper en deux, en trois, voire en quatre. Ou bien carrément, on jouait « salle nue ». Mais malgré cela, on était heureux de jouer jusqu’ ? cette interdiction."

Sa participation au théâtre d’Alloula va progressivement pousser Moktari ? modifier son jeu de comédien : il va suivre tout le travail basé sur l’expressivité du texte par rapport au geste. La démarche d’Alloula tend ? donner un reflet ludique et un peu cruel de la société algérienne telle qu’il la voit dans ce qu’elle exhibe aussi bien que dans ce qu’elle cache. Il met l’accent sur un point précis du fonctionnement souvent chaotique de cette société, qu’il tourne en dérision en le poussant jusqu’ ? l’absurde.

L. Moktari : "Alloula est passé par diverses époques. Il a fait un peu de Brecht, un peu de Cervantès. Mais sa constante est que, dans chacune de ses pièces, on trouve le petit peuple.

C’était un très grand observateur. Il allait s’asseoir dans un café de la « ville nouvelle » d’Oran, pour observer durant des heures et des heures les gens qui passaient.

Dans la pièce El Alag, « Les Sangsues », en 1969, une pièce sur la bureaucratie, il a imaginé tout un jeu autour du tampon, ce que l’on appelle chez nous tâba. Cela a une autre connotation qu’en français, cela signifie, marquer quelqu’un de la manière dont on marque des animaux au fer rouge.
Sur une grande diapositive, on montrait toutes les sortes de tâba : les ronds, les carrés, les losanges. Et la pièce racontait comment, pour un seul petit cachet, quelqu’un allait tourner en rond pendant des jours.

En 1975, Hammam Rabi « Les Bains de Dieu » présente un petit village situé ? 160 kilomètres au Sud d’Oran, qui possède une source thermale. Cela a été écrit au moment de la révolution agraire.
Dans cette région, il y avait de gros maquignons éleveurs de moutons.

Ils ont ouï dire que quelqu’un allait venir d’Alger pour faire la répartition des troupeaux entre tous les villageois. Or, justement, quelqu’un de très bien habillé avec une belle voiture arrive pour faire une cure. Les maquignons pensent aussitôt que c’est lui qui est envoyé d’Alger. Ils mettent alors au point tout un système de corruption et cet homme finit par être corrompu malgré lui.

Dans les pièces d’Alloula, les choses sont toujours dites avec dérision mais pas en utilisant la moquerie directe. Cette dérision acerbe touche au plus profond le spectateur qui est aussi du petit peuple. C’est pour cela que son théâtre a eu une certaine aura auprès de la population car les gens étaient sûrs qu’il parlait d’eux et ils allaient voir leur image se refléter sur scène.

Ensuite, il a écrit El Khobza « Le gagne-pain ». Il s’agit de gagner son pain d’une manière ou d’une autre, comme on peut. Cela évoquait les fabriques clandestines où travaillaient de petits gosses, des fabriques de chaussettes dans des caves sans fenêtres, au vu et au sus de tout le monde.

Alloula était hors de lui de voir cela et il avait choisi ce sujet pour parler des petites gens qui font n’importe quoi juste pour pouvoir manger. Cette pièce tourne autour d’un écrivain public. Tout le monde vient le voir car les gens sont illettrés et chacun lui fait lire des lettres venues de France et écrire la réponse. Et en partant, ils lui disent : « Que Dieu te vienne en aide ! » Lui est tellement généreux qu’il n’ose jamais dire que c’est son gagne-pain. A un certain moment, il est si pauvre qu’il met les bijoux de sa femme en gage. Et le soir, il remplit son panier. Devant le contentement de sa femme, il songe que ce n’est pas lui qui ramène ? manger mais l’argent des bijoux. A la fin, lorsqu’il songe ? la façon dont vivent les autres, le mur s’ouvre comme par magie, et l’on voit une diapositive sur un écran derrière avec des gens aisés. Il s’agissait de faire la balance entre les deux."

La façon de dire des conteurs a pénétré dans l’univers théâtral d’Alloula déj ? structuré par de nombreuses mises en scènes, grâce ? un de ces hasards nécessaires qui arrivent ? point pour faire aboutir une recherche créative obstinée. Alloula, de par ses convictions humaines et politiques, savait que toute forme d’expression, si elle veut rester vivante et en perpétuel mouvement, doit s’enraciner dans ce qu’il y a d’universel en chacun de nous, c’est- ? -dire notre capacité ? fabriquer du rêve ? partir d’une réalité brute et brutale.

Il lui fallait, ? la fois inventer le langage et la forme qui permettrait d’éliminer le plus possible les artifices du décor, de la mise en scène et du jeu, pour donner toute son importance au passage de la parole dans sa force et sa portée poétique.

Cette manière de dire un texte en suscitant un univers imaginaire par les mots eux-mêmes existait déj ? dans la société algérienne au plus près des gens. Il s’agissait du conteur de la place publique.

L. Moktari : « Il a pensé ? cela, ? partir d’une pièce qu’il a appelé El Meïda, »La table basse", écrite par un collectif en 1973-74. Cette pièce concernait la révolution agraire, et elle était jouée dans les villages agricoles, en plein air. La troupe attendait le retour des paysans : presque tout le village était réuni, hommes femmes et enfants ensemble.

Lors d’une représentation, quelqu’un tournait le dos au spectacle. Alloula s’est adressé ? lui pour lui dire que la scène se passait du côté où il ne regardait pas. Et l’autre lui a répondu : « Je sais, mais je suis en train d’écouter. » Pour lui, l’écoute était plus importante que de voir le jeu, et il imaginait ? partir de l ? , son monde ? lui. C’est l ? que le déclic du conte s’est fait chez Alloula. Il fallait porter l’attention plus sur le dire que sur le visuel.

Il a donc commencé sa trilogie El Halqa en intitulant sa première pièce Lagoual « Les dits ». Il y présentait trois personnages dans trois volets indépendants l’un de l’autre. Dans le premier volet, c’est Kaddour le chauffeur qui vient remettre sa démission ? son patron. Il présente ensuite un syndicaliste et son implication dans l’action syndicale ? partir de sa rencontre avec des dockers du port d’Oran.

Dans le troisième volet, c’est l’histoire d’une petite fille, Zinouba, qui est malade, et dont le père vit dans une grande pauvreté. Une fois qu’elle est sortie de l’hôpital, son père l’envoie chez sa tante dans une grande ville. L’histoire repose sur le voyage que va devoir faire toute seule cette fillette très malade.

A partir de l ? , Alloula a toujours mis l’accent sur le fait qu’il fallait dire le texte et non l’illustrer par des gestes, des mots, ou autre attitude théâtrale. Messaoud Benyoucef, qui a fait la traduction en français, est resté le plus fidèle possible au texte original, mais il y a des tournures propres au conte arabe qu’on ne pourra jamais traduire.

Dans El Litham « Le voile » Alloula a fait la synthèse des deux autres pièces de la trilogie.

Contrairement aux deux textes de départ, celui-ci n’est constitué que d’une histoire. Il s’agit de Si-Khelifa l’Indochine, dit aussi Si Ho (Hochimin). C’est un personnage qui existe vraiment ? Oran, un communiste depuis son plus jeune âge. Il a « fait » l’Indochine … Et il habite au-dessus de Berhoum le héros, le timide. Si Khelifa est au courant de tout ce qui se passe dans le milieu ouvrier, et il est devenu l’ami et le conseiller de Berhoum.

Dans cette pièce, on voit de pauvres gens, des exclus, qui en ont eu assez de cette société, et qui ont constitué un petit groupe pour discuter de philosophie. Cela suscite un rapport de police qui donne d’eux une image diabolique !« En considérant les extraits des pièces de la trilogie d’Alloula, (présentés par L. Moktari lors de l’hommage rendu au metteur en scène au Centre Culturel Algérien, le 10 Mars 1997), l’on a pu se rendre compte combien chacun des acteurs entrait dans le monologue du conteur. Et cela pour finir par se rencontrer dans un croisement de textes où les mots se heurtent et se chevauchent afin d’aboutir ? une récitation commune du »dit", qui se renforce et éclate au son des voix mêlées dans la même incantation.

L. Moktari : "Le goual sur la place publique est seul, parfois accompagné d’un flûtiste. Il est seul et il conte. Parfois il chante. Mais l’élément essentiel qui l’accompagne, c’est la canne.

D’ailleurs dans les deux dernières pièces d’Alloula, on a utilisé la canne. Elle est non seulement un accessoire qui peut se transformer en mille et une choses, mais elle est aussi un ou plusieurs personnages.

Le conteur peut dire par exemple : « Et la fille du roi lui répondit... », et il s’adresse ? sa canne qui devient la fille ; puis : « Et il ne restait plus que la rivière entre eux... », et il couche sa canne par terre pour qu’elle devienne la rivière.

Dans les pièces d’Alloula, il y a un relais entre plusieurs personnages au lieu que ce soit un seul conteur qui tienne la scène, afin de capter l’attention du public. Il y a donc des parties contées, et puis insensiblement, on glisse vers le jeu. Le comédien est ? la fois comédien, conteur, musicien, danseur, objet.

Les conteurs sur scène sont comme une nébuleuse qui s’enclenchent l’un l’autre en se passant le relais par un petit mot, de telle manière que, ? eux tous, ils finissent par ne plus faire qu’un seul conteur."

Pour Alloula, le théâtre devait être un art complet, et la maîtrise des mots en tant que signes évocateurs devait rejoindre l’appréhension des gestes et du corporel, dans l’approche la plus authentique de la réalité. C’est pourquoi rien dans son travail ne laissait place ? l’artifice, ? chacune de ses pièces, il retournait ? la base de ce qui nourrissait sa créativité, la vitalité débordante qui se dégage de tout instant vécu.

L. Moktari : « J’ai travaillé avec Alloula pendant une dizaine d’années, et, entre temps, j’ai joué pour d’autres metteurs en scène. Je me suis rendu compte que, lorsque je jouais avec eux, je ne jouais pas du tout comme avec lui. Les comédiens avaient une technique théâtrale »classique", alors qu’Alloula avait créé un univers propre.

Dans El Litham, par exemple, il ne faisait pas que répéter avec les comédiens. Chaque samedi, on ne répétait pas mais on parlait du conteur populaire de la place publique. Il venait avec des cassettes qu’il avait enregistrées dans un village, et il montrait comment ce conteur racontait une histoire banale en essayant de placer ses mots pour capter l’attention. C’était un travail théorique qui s’accompagnait de nombreux parallèles avec tout ce qui se rapprochait du conte, le rôle du Coryphée chez les Grecs, entre autres.

Au cours des répétitions, Alloula ne laissait rien au hasard. Dans la pièce Arlequin de Goldoni, je jouais Sylvio et j’avais un duel ? l’épée. Il avait engagé un maître d’armes et, pendant quatre mois, j’ai dû faire de l’escrime. Cette précision des gestes était réglée afin que l’on puisse vraiment apprécier le travail dans sa totalité, il fallait que cela soit « vrai ».

Il a fait essentiellement des recherches sur la langue qui n’est pas le langage parlé couramment ? Oran. Il a utilisé une langue qui se situe entre le dialecte algérien et l’arabe classique. On a appelé cela la « troisième langue ». C’est une langue plus pure que la langue algérienne d’Oran qui utilise beaucoup de mots français et espagnols. Alloula a évité les emprunts, sauf quand cela était voulu pour accentuer le caractère d’un personnage. C’est pourquoi il y aurait un travail très intéressant d’adaptation ? faire pour monter sa dernière pièce, El Litham, en français, tout en respectant la cadence et la structure de la phrase arabe, telle qu’il la voulait. Il me semble que cela serait un apport au langage théâtral."

Dans la continuité d’une pensée créatrice, rien ne meurt quoiqu’en pensent ceux qui tentent de murer les voies de ce qui veut se dire et se jouer. Preuve en sont les témoignages par l’écriture et l’acte théâtral, de Malek Alloula et Lakhdar Moktari qui œuvrent avant tout pour que le théâtre d’Alloula demeure vivant. Sans quoi il n’aurait pas de raison d’être.

Vivant dans ce qu’il désirait qu’il fût : témoignage d’une époque de la société algérienne peut-être, mais surtout tentative d’une création toujours plus proche de ce qu’il y a en nous d’inconnu, la grandeur d’une vie humaine consciente de son sens.

D. Le Boucher

J. Dumont

*Le titre est de la rédaction d’Alger républicain