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Vente concomitante et pièges de la révision constitutionnelle : encore plus à droite ! (2)
dimanche 7 février 2016, par
Les critiques et les commentaires de détails que l’on peut faire sur ces amendements occuperaient plus de place que le texte de la révision lui-même. Continuons à nous limiter à certains aspects importants.
Ces amendements portent le cachet des hommes d’affaires. Leur influence est devenue telle que les amendements constituant la clé de voûte du nouveau texte ont été manifestement écrits sous leur dictée. Avec cette révision l’Algérie sera certainement le seul pays au monde à avoir introduit dans sa Constitution le vocabulaire direct des affairistes. Dans la 1ère partie de cette analyse nous avons cité l’article relatif à la promotion du "climat des affaires".
Terminons avec cet examen rapide en évoquant la nouveauté concernant la manière "d’enrichir" le droit au travail et la place de la femme dans ce droit en le vidant, par sa référence au "marché", de toute substance réelle.
Article 31 ter : "L’Etat œuvre à promouvoir la parité entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi."
Comment comprendre un article rédigé de façon aussi bancale ? L’égalité de l’homme et de la femme en matière d’accès aux postes de travail ? Si c’est le cas, le principe d’égalité des sexes est déjà inscrit dans l’article 29 de la Constitution. Ce principe s’applique à tous les domaines de la vie sociale. Pourquoi l’aborder une deuxième fois dans un autre article ? Pourquoi évoquer la parité ? Une concession aux mouvements féministes qui réclament des droits formels à travers l’exigence d’une parité mais éludent systématiquement la question de la transformation radicale des rapports sociaux de classe, l’élimination de l’exploitation, condition fondamentale d’une égalité effective ?
Le nouvel article aboutit en fait à remettre en cause le principe d’égalité. Il ne proclame plus l’égalité mais se contente de promettre que l’Etat "oeuvre à promouvoir" la parité. La réalisation de cet objectif devient un horizon impossible à atteindre. Cela a au moins le mérite, si les rédacteurs en sont vraiment conscients, de reconnaître que sous le capitalisme, ce genre de "promotion" n’est que voeu pieux.
D’autre part, le revers de cette parité est d’aller à l’encontre de l’égalité effective des sexes. Si par exemple, à un concours de recrutement de 100 personnes, 200 candidats se présentent et si sur ce nombre les 70 premiers reçus sont des femmes, comment appliquer la "parité" ? Faut-il en éliminer 20 pour la réaliser !?
En abordant la question de la non-discrimination sous l’angle du "marché du travail", cet amendement rabaisse la condition formelle des citoyens. Les hommes et les femmes sont réduits à l’état de simples marchandises jetés dans une féroce concurrence sur le "marché du travail". La rédaction de cet article est cocasse aussi par le fait que les rédacteurs de l’amendement ne semblent pas s’être rendu compte qu’ils ne réalisent pas la "parité" recherchée mais ils la confinent à "l’offre de travail" sur le marché. En vertu de cet "enrichissement" destiné, selon ses auteurs, à s’adapter aux nouvelles réalités, il devrait se trouver sur le "marché" autant de chômeurs femmes que de chômeurs hommes. Comprenne qui pourra.
Habituellement les rédacteurs des Constitutions bourgeoises prennent soin d’envelopper sous de belles phrases la légitimation de leur ordre économique basé sur l’exploitation de classe. Elles font des proclamations emphatiques dans le but de duper les naïfs sous le vernis séduisant de promesses et d’idéaux abstraits baptisés "Droits de l’Homme". Chez nous l’économie politique bourgeoise la plus vulgaire aura réussi de façon incroyable à marquer de l’empreinte des "beznassia" la nouvelle rédaction de la Constitution.
Si l’on se donne maintenant la peine de comparer le contenu des amendements de décembre 2015 à ceux de mai 2014, on est frappé par le retrait de trois amendements.
- Un des amendements-clés de mai 2015 prévoyait que le chef de l’Etat délègue une partie - non définie - de ses prérogatives à son premier ministre. Le chef de l’Etat venait d’être réélu et visiblement les graves séquelles de sa maladie commandaient qu’il s’eût déchargé sur ce dernier pour certaines de ses tâches. Manifestement ce projet d’amendement a dû exacerber les querelles de clans. Il eut impliqué en effet un accord problématique au sein des cénacles du régime sur la désignation d’un chef de gouvernement de confiance. Confiance de qui, à l’égard de qui et pour qui ? Faut-il conclure de la disparition de cet amendement que le chef de l’Etat a récupéré toutes ses capacités ou que, tout simplement, cette question ne se pose plus après les dernières purges effectuées dans les organes de sécurité ? Pour le temps qu’il lui reste de gouverner, Bouteflika a maintenant toute lattitude de donner de façon informelle, donc révocable, une marge d’action au premier ministre, au moyen notamment de la pratique des textes et décrets non publiables.
- Dans le texte de 2015 l’article 21 stipulant que "Les fonctions et les mandats (les mandats ont été rajoutés dans le cadre de l’amendement, Ndlr) au service des institutions de l’Etat ne peuvent constituer une source d’enrichissement, ni un moyen de servir des intérêts privés." était suivi par un alinéa " Tout bien, de quelque nature qu’il soit, acquis par suite de corruption est confisqué conformément à la loi."
Cet alinéa explosif a disparu purement et simplement dans la nouvelle mouture.
Sans commentaire.
- De même, les rédacteurs de la révision de la Constitution ont retiré l’amendement de l’article 23 "Les atteintes à l’impartialité de l’administration sont réprimées par la loi." La formulation initiale de cet article est maintenue : "L’impartialité de l’administration est garantie par la loi." Comment garantir le respect de l’impartialité de l’administration si les auteurs de ses atteintes ne sont pas punis ?
Evidemment il n’y pas lieu de cultiver les illusions. Dans une société de classe, "l’administration" ne peut être, en tant qu’organe de la machine d’Etat de la bourgeoisie, au-dessus des classes aussi bien pour les grandes décisions qui touchent aux intérêts des classes dominantes que pour des actions de tous les jours qui sont engagées pour assurer l’ordre des dominants. Ce qui ne signifie pas qu’il est impossible d’empêcher les fonctionnaires de violer les règles inscrites dans le droit. Ne pas sanctionner les fonctionnaires qui commettent des abus signifie que la fin du règne de l’arbitraire et de l’impunité n’est pas pour demain.
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Rédaction nationale
07.02.15