Victime d’une cabale politico-judiciaire ?

vendredi 11 janvier 2013

Alors qu’Abdallah n’avait rien à voir avec les attentats de la rue de Rennes à Paris, l’Humanité écrivait, en 1987, « tout a été fait pour y associer son nom dans l’esprit des Français ».

Georges Ibrahim Abdallah a-t-il été victime d’un procès sur lequel il y aurait beaucoup de choses à dire quand il avait été condamné à la prison à vie en février 1987. Membre des Forces armées révolutionnaires libanaises (Farl), né en 1952 Koubayath, dans une famille de chrétiens maronites, il a été arrêté en 1984 pour détention d’un faux passeport algérien au nom d’Abdelkader Saâdi et condamné, en 1986, à quatre ans de prison.

L’affaire aurait pu s’arrêter là si, entre-temps, il n’avait pas été inculpé de complicité d’assassinat sur le colonel Charles Ray, attaché militaire de l’ambassade des États-Unis à Paris, et sur Yakov Barsimantov, deuxième secrétaire de l’ambassade d’Israël à Paris, en janvier et avril 1982. Deux exécutions revendiquées par les Farl dans le contexte d’un Liban alors théâtre d’une guerre civile et d’invasion israélienne.

En 1986, son cas se complique quand un mystérieux Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes (CSPPA) exige sa libération et commet des attentats faisant 13 ?morts, dont celui de la rue de Rennes, devant le magasin Tati, en septembre. Les médias se déchaînent et pointe les Farl. La tête des quatre frères de Georges Ibrahim Abdallah, de Jacqueline Esber et de sa sœur Caroline, des sœurs Fayouz et Ferial Daher et de Selim El Khoury, tous membres des Farl, sont mises à prix. Des militants du Parti communiste libanais (PCL) sont expulsés vers le Liban. En fait, ces attentats ont été commis par un groupe islamiste démantelé en mars et juin 1987, dirigé par le Libanais Anis Naccache, lié aux services iraniens où est impliqué un diplomate de l’ambassade d’Iran à Paris, Wahid Gordji.

Du coup, la donne change. « Les frères Abdallah ne sont pour rien dans l’attentat de la rue de Rennes », rapportait Libération du 16 septembre 1986, citant des sources policières. Ces faits nouveaux auraient dû conduire à une révision de son procès. Il n’en a rien été. Car, comme l’écrivait l’Humanité du 13 mars 1987, « tout a été fait pour associer dans l’esprit des Français le nom d’Abdallah au terrorisme (…) et notamment à la vague d’attentats de septembre 1986 ».

En fait, le sort du militant libanais avait été scellé lors de la rencontre entre les présidents Mitterrand et Reagan à Washington, en juillet 1986. Il fallait un exemple et, surtout, il ne fallait pas le « laisser filer au mépris de la loi », écrivait alors le Nouvel Observateur qui, à l’instar de nombreux médias, s’opposait à la libération d’un « terroriste » que l’Express qualifiait de « successeur de Carlos »

Hassane Zerrouky,

in L’Humanité du 25 octobre 2012