Syrie après la bataille de Qousseyr : En finir avec l’hypocrisie !

mercredi 12 juin 2013

Depuis près de deux semaines, soit depuis que le secrétaire général du Hezbollah, sayyid Hassan Nasrullah, a déclaré que la résistance islamique participera à la guerre en Syrie, et plus précisément dans la région syrienne frontalière de la Bekaa, le Hezbollah ne serait plus qu’une « officine iranienne », qui exécute l’agenda iranien dans la région, tout comme il ne serait plus un parti de résistance, mais juste une milice, shi’ite de surcroît, utilisée pour combattre les sunnites syriens, et même le sunnisme en général. La lutte contre l’ennemi sioniste n’aurait été qu’un épisode accidentel dans le parcours de ce parti. Ces mêmes voix s’indignent de ce qu’ils considèrent comme une « intervention étrangère » dans le conflit syrien, qui risque semble-t-il, d’élargir le champ du conflit vers le Liban et la région.

C’est grosso modo ce qu’on peut lire dans certains articles, certaines lettres et déclarations de musulmans, arabes et non arabes, ou même de non musulmans, arabes ou non arabes. Une large propagande est lancée, surtout après le discours du sayyid le 25 mai dernier, pour discréditer le Hezbollah, devenu, surtout après la résistance contre la guerre criminelle sioniste, un des principaux mouvements de résistance au sionisme et son allié, l’impérialisme.

Lors de son discours, sayyid Nasrullah a bien expliqué le pourquoi de son intervention et la limite de celle-ci, disant qu’il s’avère de plus en plus, avec le développement du conflit syrien, que c’est la résistance islamique qui est visée, le but étant d’anéantir tout ce qui peut représenter une résistance au sionisme et à l’impérialisme dans la région. Ce qui oblige la résistance à protéger son existence. D’autre part, les bandes armées rebelles ne cessent, depuis plus d’un an, de bombarder des villages frontaliers et les quelques villages syriens frontaliers habités depuis des décennies par des Libanais, sont la cible de ces bandes armées. Ni l’État libanais, ni l’armée libanaise, ne protègent ces villages et villageois. Ce qui a nécessité l’intervention du Hezbollah.

Ce discours n’a été ni entendu, ni compris par ceux qui ne veulent ni entendre, ni comprendre car il est vrai qu’à un certain stade, on ferme les yeux et on se bouche les oreilles, pour ne pas avoir à réfléchir, à hésiter, à peser les choses, étant donné la complexité et les enjeux de la situation.

Dès le début de la crise syrienne, dès les premières manifestations, avant même que le Hezbollah ne prenne position ou se prononce, des manifestants ont levé des pancartes hostiles au parti et lancé des slogans contre l’Iran et le Hezbollah. Ce qui ne s’était passé ni en Egypte, ni en Tunisie, à ma connaissance. Ce fut un signe avant-coureur, pas plus. Mais quelques mois après, des dizaines, puis des centaines, puis des milliers de musulmans venus d’Europe (France, Grande-Bretagne, Belgique et Allemagne entre autres) et de pays arabes (Tunisie, Libye, Yémen, Arabie saoudite, Qatar, Egypte, et Liban, entre autres) et musulmans (Tchétchénie, Caucase, Turquie entre autres) ont débarqué pour lutter, non seulement contre le régime syrien, mais contre le peuple syrien et la Syrie en tant que pays arabe, pour instaurer un émirat islamique.

Les déclarations d’un ministre britannique craignant le retour au pays de ces « combattants » expérimentés, la crainte des pouvoirs tunisiens et les négociations entre la Tunisie révolutionnaire et le régime syrien pour le rapatriement de ces « égarés », qui ont abandonné familles, femmes et enfants parfois, répondant à l’appel de quelques « illuminés », ont été ignorés. Et les Tchétchènes, pardi ! Ils sont également en Syrie, pour combattre « au nom de Dieu » tout le tissu social syrien, que chrétiens et musulmans, kurdes et arabes, ont forgé depuis des millénaires sur la terre syrienne. Les Tchétchènes kidnappent deux dignitaires religieux chrétiens à Alep, mais qui s’en émeut ? Une dizaine de Libanais sont otages depuis plus d’un an d’un groupe armé, et sont devenus un enjeu politique inter-libanais et inter-régional, la Turquie et le Qatar, Saad Hariri et ses amis fixent les enchères de leur remise en liberté, pendant qu’Al-Jazeera (la chaîne qatarie) s’amuse à jouer les intermédiaires. De quelle « révolution » parlons-nous ? Depuis quand le peuple syrien porte-t-il ces « valeurs » barbares ?

Tout ce « beau monde » ne peut être pris pour une « intervention étrangère », seul le Hezbollah l’est. L’intervention politique et médiatique, l’envoi de matériel militaire et d’équipements sophistiqués, l’envoi des services de renseignements, souvent par journalistes interposés, par les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite ne sont pas des «  interventions étrangères », seule la présence de combattants du Hezbollah l’est. Et sans parler du financement de ces rebelles !!!

Les hôpitaux de terrain ouverts dans la ville de Tripoli au nord, pour accueillir les combattants blessés, syriens et autres, le retour des cercueils de « combattants » libanais, enrôlés pour cette guerre, il y a plusieurs mois, les multiples accrochages à la frontière entre l’armée syrienne et les bandes armées venant du Liban, comprenant d’ailleurs toutes sortes de nationalités, tout cela ne peut être considéré comme une participation du Liban à la guerre en Syrie, l’aéroport et les ports d’où débarquent des centaines d’étrangers, avant de se rendre en Syrie, n’est pas une intervention du Liban dans la guerre en Syrie. Il a juste suffi que le Hezbollah annonce qu’il mènera une bataille précise, en expliquant pourquoi, pour que les médias, les politiques, la Ligue arabe, les Etats-Unis et l’ONU se déclarent effarés et crient « au loup » puisque le Hezbollah serait en train, d’après eux, d’entraîner le Liban dans le conflit syrien, comme s’il n’y était pas, en plein, depuis le commencement. Que les Libanais le disent, cela fait partie du jeu politique, où toute déclaration peut être comprise à dix niveaux différents. Mais que la Ligue arabe, l’ONU, et toute la clique nauséabonde de l’impérialisme se mette à pérorer sur la participation du Hezbollah. L’hypocrisie est à son comble !

Dès le début du conflit syrien, les groupes armés venus de plusieurs régions du monde participent à une guerre contre la Syrie et son peuple. L’opposition politique, qu’elle soit interne ou externe, ne contrôle rien et n’a aucune prise sur la situation. Certes, il y a une opposition financée par le Qatar et soutenue par la France, qui aboie et menace, qui encourage les rebelles armés mais s’en désolidarise lorsqu’il faut présenter ses lettres de créances à l’Union européenne, afin de recevoir des armes et des sous. C’est cette opposition qui applique les directives du sheikh sénile, basé à Qatar, qui a fait appel aux États-Unis pour bombarder et finalement détruire la Libye puis à présent, la Syrie, et qui ose lancer l’anathème contre des confessions musulmanes, différentes de la sienne. Pour toute cette mouvance, le Hezbollah serait une officine iranienne, puisqu’il est pour « Wali al-Faqih », alors qu’il n’ont rien compris, ni au « wali al-Faqih » ni au Hezbollah. Il faudrait lire ou entendre ces sheikhs ou écrivains pour réaliser l’ignorance crasse dans laquelle ils veulent nous plonger et dans laquelle ils se complaisent. Et les « spécialistes » en politique, religion, Iran, Syrie, mouvements islamiques, et tout ce qui s’ensuit, des chaînes françaises n’ont rien à leur envier. La compétition est lancée pour savoir qui peut niveler au plus bas la conscience des musulmans et des arabes. D’après cette mouvance, qui a fermé les yeux et qui s’est bouché les oreilles, l’Iran serait l’ennemi. C’est de nouveau le persan, le shi’ite, le « majous », l’ennemi, mais des musulmans. Pas seulement, il serait l’ennemi des Arabes, puisque le nouveau discours joue sur la corde de l’arabité, qu’ils viennent de découvrir, à Qatar et ailleurs. Qatar, ou l’Arabie saoudite, comme chantres de l’arabité. Il faut vraiment être acculturé pour y croire.

Et al-Qussayr, alors ? Al-Qussayr, ville syrienne très modeste, est devenue du jour au lendemain le « Stalingrad » des groupes armés rebelles. Il est vrai qu’ils y avaient installé des milliers de combattants et leurs familles, que c’était une place-forte de liaison et d’accueil pour les groupes armés venant du Liban. Elle fut fortifiée pour être le lieu d’où partent les attaques sur la région de Damas, vers le sud, et vers le nord. Au-delà de l’importance accordée par les rebelles à cette ville, parce qu’ils y ont accumulé les armes et creusé les tunnels, sa prise par l’armée syrienne signifie aussi qu’elle peut désormais couper la voie aux armes et aux groupes armés en provenance du Liban, ce qui explique d’ailleurs toute cette propagande mensongère et hypocrite des cercles de l’impérialisme. Dès les premiers jours de cette bataille, l’armée syrienne avait ouvert un « corridor » pour la sortie des civils, à peine quelques centaines. Ensuite, il n’y eut que des combattants et leurs pertes furent très lourdes, en humains et en matériels. Ils ont aussi perdu la ville, et toutes les possibilités qui y étaient offertes.

De nouveau, les mensonges et la propagande. Certains ont voulu nous faire croire à des massacres.

Qui fut massacré ? Des civils ? non. Il n’y en avait presque plus.

Des combattants armés, dont certains peuvent être anthropophages et prêts à mâcher le cœur et le foie de leurs ennemis, en direct sur les écrans des télévisions ? Oui. Les combattants furent défaits et plusieurs centaines, semble-t-il, ont trouvé la mort.

D’autres, blessés, furent convoyés vers les hôpitaux au Liban, après que le politicien Joumblatt ait demandé un geste au Hezbollah pour qu’il autorise leur transfert. Cela fut fait, et plusieurs de ces combattants sont des Libanais. Parler de massacres signifie nécessairement qu’il s’agit de civils, mais est-ce que ces combattants, qu’ils soient syriens, tchétchènes, qataris ou autres, n’ont-ils pas choisi la voie armée pour lutter contre la Syrie, son régime et son peuple ? Ne faut-il pas plutôt dénoncer ceux qui les ont envoyés par des fatwas enflammés (les sheikhs qui lancent l’anathème), les financeurs, les livreurs d’armes, les supports politiques et médiatiques, avant de dénoncer le Hezbollah, rendu à présent responsable de ces morts ? Le Hezbollah n’a fait que se défendre, défendre sa présence et le maintien de sa force, nécessaire pour affronter l’ennemi sioniste. Cette bataille ne fut pas la sienne, dans le sens où il y a été entraîné. Mais il l’a menée avec honneur, comme toutes les batailles qu’il mène. La propagande ennemie, qu’elle soit diffusée par des Arabes, musulmans ou autres, n’y changera rien. Le projet américano-sioniste pour la région ne passera pas, n’en déplaise à tous les propagandistes de l’axe américano-sioniste.

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Rim al-Khatib
10 juin 2013