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Lettre à un ami égyptien

jeudi 17 décembre 2009, par Alger républicain

Naguib mon ami
 
Qu’ont-ils fait de nous ?
.
 
Nous aurions pu, moi admirant la classe d’Aboutrika
 
et toi jaloux de mon Ziani,
 
écouter ensemble Warda el Djazairia !
 
Je t’aurai dit " bye bye Mandela "
 
et toi " Rdv en 2014 "
 
.
 
Il en est tout autrement aujourd’hui.
 
Voila que je renverse tes pyramides,
 
que tu me voles mes Chouhadas.
 
tu brûles mon drapeau et
 
j’incendie tes compagnies.
 
Tu me traites de vaurien terroriste,
 
je te dis que moi à ta place, ô traître,
 
Ghaza aurait chanté.
 
.
 
On continue…
 
Nos chauffeurs de bendir, l’œil rivé sur l’audimat et les tirages mirobolants - aubaine pour les charognards - s’affairent et se
dépassent entre deux pubs de coca-cola. Les images retouchées, les
danseuses effarouchées, les cercueils entreposés...
 
Mais je les écoute, tu les entends et nous les croyons.
 
Tu poursuis mes algériens,
 
je guette tes égyptiens.
 
et je crie et tu jures que nul n’en sortira vivant.
 
tes avocats, tes artistes en processions, en associations se mettent de la
 
partie, Ils brulent, crachent et vocifèrent leur haine de moi.
 
N’y aurait-il plus de nobles causes,
 
plus de veufs et d’orphelins à Alexandrie ?
 
plus d’injustice au Caire
 
La muse se serait elle noyée dans les eaux du Nil ?
 
Abdelhalim aurait-il tout emporté ?
 
.
 
Qui a commencé ?
 
Toi bien sûr mais rassure toi, cela aurait pu être moi !
 
Et puis s’il n’y avait ces matches il y aurait eu autre chose :
 
Nous avons tous les deux nos misères à cacher, à engloutir
 
Quitte à les couvrir de nos insultes et bientôt
 
de nos cadavres.
 
.
 
Qu’ont-ils fait de nous ?
 
.
 
Tu avais tes Pharaons,
 
moi mes Amazighs,
 
nous avons eu tous deux nos hôtes arabes
 
qui sont restés veiller sur leur message.
 
Tu as eu tes anglais et moi mes français,
 
j’ai eu mon Boumediène et toi ton Nasser.
 
J’ai mon Bouteflika et toi ton Moubarak
 
et pire, nos futurs semblent scellés :
 
Tu auras ton Aala et moi mon Saïd !
 
Tu refuses mon arabité
 
je rejette l’image de la tienne.
 
Mais mon imbécile de frère,
 
Crois-tu que l’on décrète le matin en se rasant
 
ce que l’on est et ce que l’on n’est pas !à
 
Je suis amazigh, je suis romain, je suis arabe,
 
je suis français, quelque part espagnol
 
et même parfois maltais !!
 
Je suis tout cela ne t’en déplaise,
 
ne m’en déplaise !
 
Cette terre est si belle et tellement convoitée
 
Et j’ y suis né !
 
Je suis cet amalgame, je suis cette richesse
 
Je suis Abdelkader, je suis Ibn Badis,
 
je suis Zacharia, je suis Saint Augustin,
 
je suis Camus, je suis Kateb
 
je suis El Kahina, je suis Maatoub.. .
 
.
 
je suis Algérien !
 
Mon identité plurielle est unique et je la revendique entière !
 
je suis désolé mon imbécile d’ami, tu vois,
 
je ne pourrais, même si je le voulais - en compensation –
 
t’offrir mon arabité !
 
Ne reste pas momifié ! Regarde-toi !
 
De toute manière, avec les miens aussi j’ai l’habitude de ce regard
hébété !
 
Nous refaisons l’histoire au lieu de simplement la faire.
 
De peurs en résignations de faux espoirs en stagnations nous laissons
 
faire nos dévots qui nous imposent leur paradis. Et Sharm echeikh et
 
Bentalha, mieux que ton sphinx et mon Hoggar ont fait le tour du monde.
 
.
 
Si Paris vaut bien une messe que vaut Johannesburg ?
 
Mais s’agit-il de Johannesburg ?
 
Las !
 
Nous laissons faire nos despotes qui se perpétuent.
 
Du même moule, ils seraient même interchangeables.
 
Vois comme on se ressemble.
 
Qu’a-t-on fait de nous ?
 
On s’étripe mais n’est-ce pas nos reflets que l’on cherche à
détruire ?
 
Nous vivons la même ignorance.
 
Nous vivons la même misère.
 
Faute de créer notre monde, nous poursuivons le leur.
 
Mais il est trop loin, alors que faire
sinon des guerres ?
 
Faites pour nous, qui nous occupent l’esprit.
 
Une bonne petite guerre de temps à autre,
qui nous empêcherait de crier notre faim.
 
Qui nous empêcherait de penser à vivre notre dignité usurpée.
 
Qui nous empêcherait de penser à revendiquer
notre part de vie,
 
ici et maintenant
 
Leur matraquage par sbires interposés fait de nous des zombies, des
automates et mille fois nous refaisons la même bêtise de tomber dans
leur même piège
 
Mon Kateb, ton Mahfouz,
 
nullement étonnés doivent chercher à se consoler du spectacle navrant
que nous leur offrons.
 
Ils ont pourtant tout fait pour nous affranchir de ces jougs.
 
Mais je reste et veux demeurer cette main tendue
 
et si mon Massinissa n’a pas rencontré ta Cléopâtre,
 
N’oublie pas que ton Chahine a succombé a ma Djamila.
 
..
 
Que faisons-nous de nous ?!

.

Mohamed Mermitte

13.12.09