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Analyse des causes profondes de la crise du capitalisme.

dimanche 2 mai 2010, par Alger républicain

Les idéologues de la défense acharnée du capitalisme et les adeptes du réformisme sont ébranlés par la crise actuelle. Dans leur panique devant le spectre d’un nouvel éveil de la conscience révolutionnaire ils ne trouvent pas d’autre argument pour masquer les causes de la déconfiture du système que de tenter de faire croire que la crise actuelle est le résultat de simples magouilles de spéculateurs financiers, de l’impéritie de gouvernements qui n’ont pas respecté les règles du jeu de l’économie de marché et, surtout, de défaillances dans le contrôle des mouvements financiers.

L’étude qui suit montre que cette crise est bien l’expression de ses contradictions insurmontables et qu’elle met ? l’ordre du jour la question de l’alternative socialiste.

Alger Républicain

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Crise du capitalisme et perspectives révolutionnaires

Cet article (résumé d’une étude plus longue), aborde la question de la crise dans les pays capitalistes dominants (avec quelques données illustratives pour la France). Ce n’est pas sans intérêt pour saisir l’ampleur des conséquences de cette crise sur une économie dépendante (au sens dominée) comme celle de l’Algérie, et ne pas se contenter, comme le font les dirigeants algériens (ainsi que leur réseau d’analystes officiels), de ne reconnaître que les effets négatifs immédiats : chute des recettes d’exportations des hydrocarbures, pertes liées ? la dévaluation du dollar (change défavorable ? l’exportation) et ? la baisse des taux d’intérêts des banques centrales occidentales (placements dévalorisés et importations renchéries). En somme, pour eux, une affaire de conjoncture de politique économique : « après la pluie, le beau temps » semblent-ils nous inviter ? patienter.

Beaucoup de monde parle de crise. Du coup, les qualifications de la crise sont nombreuses : financière, économique, sociale, conjoncturelle, structurelle, générale, morale, …. Ces qualifications et analyses ne sont pas indépendantes des positions sociales des uns et des autres : chaque classe sociale, chaque force sociale, en fonction du niveau de conscience et d’organisation de l’expression de ses intérêts de classe, essaye d’influer sur le cours des événements. Il faut bien relever que, dans le contexte actuel de reflux du mouvement révolutionnaire, l’initiative (politique et idéologique) revient plutôt au camp du capital, même si, en face, le camp du travail n’est pas resté sans réagir comme en témoigne la recrudescence des luttes syndicales dans nombre de pays.

On a pu observer une mobilisation générale de classe des bourgeoisies des pays capitalistes dominants pour assener leurs explications de la crise, imposer leurs solutions : c’est- ? -dire sortir le système capitaliste de sa (énième) crise … sans sortir du capitalisme !

La gravité de la crise ne peut plus être niée : 200 millions de chômeurs, auxquels s’ajouteront une cinquantaine de millions d’ici fin 2009 (20 millions de chômeurs dans la seule Europe) ; 1,4 milliards de travailleurs pauvres (vivant avec moins de 2 € par jour), soit 45% de la population active de la planète ; 800 millions de personnes touchés par la famine ; 921 millions de personnes vivant dans les bidonvilles ; 115 millions d’enfants scolarisables sont hors de l’école ; 230 millions d’Africains déplacés ? cause des guerres impérialistes, 40 ans seulement d’espérance de vie dans certains pays ? cause de ces mêmes guerres impérialistes ! (Données tirées du site de la FSM)

L’ampleur de la crise est particulièrement grande. Elle est souvent comparée ? celle de 1929 (qui a duré 20 ans et a « coûté » aux peuples une 2ème guerre mondiale), voire ? la première grande crise du capitalisme de 1873-1896, dite la « Grande Dépression » (qui a duré aussi plus de 20 ans). Cette crise a frappé, en même temps, tous les secteurs, tous les pays. La perte de valeur des actions (dévalorisation du capital) est phénoménale. Les industries d’exportation des grands monopoles sont en forte baisse. Les industries sont en forte surcapacité de production. Dans l’automobile, par exemple, les monopoles n’écoulent que la moitié de la production !
Comme les précédentes grandes crises, les inquiétudes sont grandes : même les pronostics bourgeois prédisent une période de dépression de longue durée.
Les monopoles, leurs gouvernements et États, ont alors mobilisé leurs médias pour insister sur des aspects exagérément technique et aggraver la confusion en inversant causes et conséquences.

Par exemple :

C’est une crise des subprimes (ces prêts pas chers pour les ménages américains pauvres), donc limitée ? l’économie états-unienne,

C’est une crise due ? la prolifération des produits financiers,

C’est une crise morale due ? un égoïsme des dirigeants des banques et de la finance.

C’est une crise soudaine

Aujourd’hui, il est facile d’observer que les crises des économies capitalistes sont devenues chroniques : au moins cinq crises durant les quinze dernières années (1994 au Mexique, 1997 en Asie, 1998 au Brésil, 1999 en Russie, 2001 en Argentine) et … les nombreuses et incessantes guerres contre les peuples des pays dominés qui sont autant de manifestations de crise du capitalisme.
Dans la pratique, au-del ? des discours souvent mensongers (l’intérêt de classe commande aussi le mensonge !), les monopoles ont préconisé et appliqué les mêmes recettes (adaptés aux contextes nationaux et internationaux) :

 détruire la main d’œuvre excédentaire (donc accroissement du chômage et précarisation), et baisser les salaires réels,
 éliminer le capital le plus faible, donc plus grande concentration du capital et formation de monopoles toujours plus puissants),

 recherche et ouverture de marchés extérieurs, y compris par la guerre et le colonialisme.

 Dans le même temps, les États de ces pays (agissant en véritables conseils d’administration du capital) ont mobilisé, en un temps record, d’énormes ressources financières publiques pour renflouer le système bancaire et financier

 Ils ont aussi lancé de grands emprunts publics : un colossal endettement public (pour la France, il représente 75% du PIB, soit près de 1500 milliards d’euros) dont les bénéficiaires seront encore une fois les monopoles financiers et industriels les plus puissantes du moment.

Exemple de la France  : 360 milliards d’euros pour les banques, 32 milliards d’euros d’aides aux « entrepreneurs » pour recruter (pendant que les licenciements massifs continuent), 4 milliards d’euros de défiscalisation des heures supplémentaires (pour accroître l’exploitation des travailleurs), 14 milliards d’euros de paquet fiscal (exonérations) pour les hauts revenus, 8 milliards d’euros de suppression de la taxe professionnelle (payée par les « entrepreneurs », …. Un total de 418 milliards en un temps record ! Et rien pour le … SMIC ! N’est-ce pas la réalité d’une politique de classe et d’une lutte de classe !

Les États capitalistes ont aussi déployé une politique protectionniste de défense de leurs monopoles : on a vu les Etats-Unis soutenir les Big Three (Chrysler-Ford-General Motors) pour leurs installations américaines en priorité ; la France aider les monopoles qui ne délocalisent pas ; et idem pour l’Allemagne, l’Espagne, …. Ce protectionnisme aura du mal ? se déployer ? plus grande échelle ? cause de l’interpénétration des oligopoles qui opèrent dans plusieurs pays ? la fois.

En transférant massivement les dettes sur la masse des contribuables, l’Etat capitaliste, est dans son rôle au service des monopoles les plus puissants : il socialise massivement les pertes et dettes des monopoles, il participe ? la valorisation des capitaux (dominants) en prenant en charge les services publics, via des impôts de classe, donc ? moindre frais pour la classe des capitalistes ! Même quand l’Etat capitaliste prétend remplir un rôle social (en « redistribuant des revenus aux plus démunis »), il ne fait que prévenir, en tant que capitaliste collectif, la remise en cause du capitalisme et mener le combat de classe au mieux des intérêts de la classe capitaliste.

Pour empêcher les contestations sérieuses de se coaguler en alternative au capitalisme, les monopoles ont ouvert largement leurs medias aux analystes keynésiens, néo-keynésiens, alter–mondialistes, aux partisans du « capitalisme vert », aux socio – libéraux (comme le PS en France), sociaux – réformistes de gauche, voire d’extrême – gauche (comme le PCF, le Front de gauche, le NPA, ATTAC en France). Les critiques de ces divers courants n’inquiètent pas les bourgeoisies :
elles proposent des mesures de replâtrage, sous couvert de rationalité économique et de justice sociale : contrôle des paradis fiscaux et des transactions financières, imposition de nouvelles normes financières (« mettre la finance au service des citoyens »), contrôle de crédit, …, elles ne remettent pas en cause la nature de classe de l’État : celui-ci serait au-dessus des classes, arbitre entre les classes, elles véhiculent l’idée qu’il y aurait donc deux capitalismes : un capitalisme parasitaire et égoïste parce qu’il ne fait que spéculer, et un autre capitalisme acceptable parce qu’il investit et reste raisonnable dans ses profits.

Le keynésianisme ne peut être une solution, durable, pour les masses populaires même si le recours ? l’État peut atténuer les effets sociaux de la crise. Il laisse intact le rapport dominant de propriété : celui de la propriété privée des moyens de production et d’échange et, corollairement, l’appropriation privée de la richesse sociale et l’anarchie de la production sociale. Au stade impérialiste du capitalisme, ce sont les mêmes qui possèdent ? la fois les grandes banques et les grandes industries. General Motors n’est pas seulement une entreprise de fabrication d’automobiles : c’est aussi une très grande banque ! Les grands groupes industriels et commerciaux sont organiquement unis aux grandes banques via la détention directe (actions) ou indirecte (produits financiers) de la majorité du capital des entreprises.

Un nombre toujours plus restreint de grands groupes oligopoles contrôlent les marchés dominants ? l’échelle mondiale, notamment celui de la monnaie (taux de change et taux d’intérêt) et de la finance (gros volume de liquidités) ; lequel marché permet (grâce précisément ? la détention de gros volumes de liquidités) de contrôler les activités de production des biens et services et de pomper la plus-value qui y est réalisée.

Sous le mode de production capitaliste, les forces productives ont été développées de façon prodigieuse. Jamais, au plan historique, il n’a été produit autant de richesses. Mais, ce n’est pas un objectif ou une finalité de la classe des capitalistes. Ce développement des forces productives est, d’une part, la conséquence de la concurrence acharnée entre capitalistes, et, d’autre part, un moyen pour eux de lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit. Tout comme faire travailler des salariés (développer l’emploi) est un mal nécessaire pour les capitalistes et l’État capitaliste pour extraire la plus value.

Cependant, la réalisation du profit nécessite la vente des marchandises produites par les travailleurs. Les capitalistes doivent vendre les marchandises produites, sous peine de disparaître. Mais les salariés ne peuvent consommer que s’ils ont réussi ? vendre leur force de travail ; alors que le capital tente, en permanence, d’y recourir de moins en moins, pour réduire les coûts et rendre ses profits maximum - modernisation des outils de travail via investissements financiers, intensification des cadences de travail, réduction effectifs, réduction des salaires, délocalisation sur place (avec l’emploi des travailleurs immigrés) et vers les pays dominés (avec la mise en esclavage de peuples entiers) !
La réalisation du profit est donc contrariée par plusieurs facteurs liés en boucle : volume élevé de production, compression des salaires et appauvrissement par le chômage, ventes et profits tirés vers le bas par affaiblissement des capacités de consommation et non correspondance entre production et besoins consommation des masses, concurrence entre capitalistes.

Ainsi, les facteurs générateurs de la crise sont donc au cœur du fonctionnement du système capitaliste. La valorisation et l’accumulation du capital ne peuvent être relancées qu’au prix de destructions massives de capital constant (machines, équipements ou travail mort) et de capital variable (force de travail ou travail vivant).

La crise de surproduction signifie difficulté de croissance du capital et de génération de profits. C’est donc une crise de valorisation du capital. Cette crise est inévitable. Elle ne relève donc pas d’une volonté subjective des capitalistes. Ils ne peuvent l’éviter, il ne peuvent la résorber définitivement comme le laisse penser des partis réformistes, y compris d’extrême gauche, mais ils s’emploient ? la faire payer par les couches populaires.

La crise elle-même est un moment de lutte entre capitaux concurrents pour poursuivre, au mieux des intérêts des plus forts, l’exploitation du travail. La crise opère comme une sélection « darwinienne » : les capitaux les plus puissants éliminent les plus faibles (par des fusions, alliances et rachats) ; ce qui entraîne une concentration et une centralisation encore plus élevée du capital, relançant le cycle d’accumulation par un élargissement de la masse des profits. Toute l’histoire du capitalisme est une histoire de crises successives, alternées par des croissances sur des périodes de plus en plus courtes.

La crise du capitalisme est donc loin d’être une simple affaire de politique économique, de gestion de l’économie, ou encore d’équipe gouvernementale. Avec les politiques néo-libérales, la base de valorisation des capitaux s’est mondialisée, tout en ne supprimant pas le caractère national de chaque capital. La mondialisation capitaliste sert les intérêts des capitalistes en élargissant les marchés ? l’échelle mondiale et en rehaussant le niveau de la masse des profits. Une baisse du taux de profit peut être compensée (pour une période) par une hausse de la masse des profits.

Exemple : un taux de profit de 10% sur une production de 1000 € rapporte 100 € ; un taux de profit moindre, de 5% mais sur une production plus importante, de 10.000 €, rapporte 500 € !

Il y a alerte pour les capitalistes si la baisse du taux de profit n’est plus compensée par la masse des profits. Dans ce cas, la baisse du taux de profit n’est plus seulement tendancielle, mais quasi-directement observable, et ses effets ne peuvent être contrecarrés (avec succès) indéfiniment.

Mais, la mondialisation a aussi démultiplié les facteurs contrariants de la valorisation du capital : en élargissant l’aire géographique de domination du capitalisme, elle a exacerbé la concurrence entre les capitalismes nationaux, aussi bien dans les zones dominantes que les zones dominées.

De plus, de nouveaux concurrents émergent (Chine, Inde) et le commerce extérieur ne peut indéfiniment compenser les pertes de marchés.

Au stade impérialiste, le capitalisme met en danger l’avenir de l’humanité :
en phase de croissance, il détruit la nature et l’équilibre écologique (la catastrophe écologique est déj ? une réalité au Sud et ? l’Est), il affame, il pollue et multiplie les maladies,
en phase de crise, il détruit les vies humaines avec le chômage, la paupérisation des peuples masses et les guerres.

Les guerres menées contre les peuples des pays dominés sont une nécessité pour imposer la violence économique capitaliste. La plupart des États des pays dominés n’ont plus qu’une fonction coloniale : offre de sang ouvrier local et de matières premières ? vils prix aux capitalistes locaux et internationaux. On en arrive ? parler de pays pétroliers, de pays cotonniers, de pays caféiers, sucriers.
La crise révèle donc l’incapacité historique du capitalisme ? répondre aux besoins des masses.
La vie des peuples ne peut vraiment changer sous le mode de production capitaliste : opulence pour une minorité et misère pour la majorité de la population.

A l’instar des modes de production antérieurs, esclavagiste et féodal, de nouveaux rapports sociaux de production sont devenus nécessaires pour répondre aux besoins de l’humanité.
Les crises elles-mêmes ne signifient pas l’écroulement du capitalisme : « il n’existe pas d’infarctus des modes de production » ! Le mode de production capitaliste a mis des siècles avant d’émerger du mode de production féodal et le mettre ? mort.

C’est par une conscience plus grande des créateurs de richesses de combattre ce système devenu inhumain que se construira la véritable alternative au capitalisme : le socialisme !

Kamel Badaoui

31 Décembre 2009