Accueil > Hommages > Hommage aux amis et aux camarades disparus > 10 mai 2000, Jacques Salort Un militant disparaît
10 mai 2000, Jacques Salort Un militant disparaît
dimanche 27 mai 2018, par
TEMOIGNAGE
10 mai 2000, Jacques Salort Un militant disparaît
« Il me faudrait des pages et des pages pour dire ce que fut Jacques, administrateur d’Alger républicain dans les premières années de 1950 et à la fin de la guerre de libération de 1962 à 1965. Les auteurs (Boualem Khalfa, Henri Alleg et Abdelhamid Benzine) en parlent dans La Grande Aventure d’Alger républicain.
Pour aujourd’hui, je voudrais seulement dire que Jacques Salort fut un élément actif et valeureux de l’organisation armée du PCA. Les CDL (Combattants de la Libération) dont j’ai eu l’honneur d’être un de leurs cadres dans l’Algérois (avec des ex-condamnés à mort parmi mes compagnons comme les défunts Yahia Briki, feu Ahmadou Gherrab, Fernand Iveton, guillotiné en février 1957, Georges Acampora, officier en retraite de la Protection civile, les chouhada Noureddine Rebah, Taleb Bouali, Tahar Ghomri et tant parmi mes compagnons de lutte et de route, nationalistes et communistes qui depuis 1940, ont versé leur sang – un sang qui avait la même couleur rouge – pour la liberté et la justice sociale.
En 1940, Jacques fut condamné par le pouvoir français de Vichy à vingt ans de travaux forcés et il se retrouva à Lambèse à l’époque avec de valeureux patriotes cadres du PPA et du PCA. Il fut également condamné à vingt ans de travaux forcés après son arrestation par les autorités coloniales dans les années 1950 pour son appartenance aux CDL. Il fut aussi, hélas, arrêté après le coup d’Etat de juin 1965 et connut encore la prison avec nos camarades et amis, ceux des Torturés d’El Harrach (Editions de Minuit). Il avait beaucoup d’humour. « Chaque fois, me racontait-il, qu’il était jeté en prison (Serkadji, El Harrach, ou Lambèse) dans les années 40, 50, et 60, il retrouvait le même prévôt, un droit commun condamné à perpétuité qui, avec son tatouage, se faisait appeler « marche ou crève ». Si ce dernier est encore vivant, je suis sûr qu’il pleurera Jacques, comme je le pleure et le pleureront tant et tant de camarades et d’amis sachant que s’effondre un authentique révolutionnaire.
Je ne sais pas pourquoi en certaines périodes les malheurs se suivent.Avant Jacques, il y a peu de jours, ce fut Baya Hocine, une immense Fatma N’Soumer, extraordinaire moudjahida, disparue pratiquement dans l’anonymat.
Pour ne pas parler des ruptures, celles que nous vivons douloureusement et celles que nous devons prendre en charge, je dis à son épouse Rolande et à leur fils – générosité et intelligence – que je partage leur douleur et qu’ils peuvent toujours compter sur ma solidarité communiste.
Au revoir Jacques ! »
Abdelhamid Benzine
in le quotidien Le Matin
dimanche 14 mai 2000)