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Amar Laskri le cinéaste qui a le mieux rendu compte du caractère populaire de la guerre de libération
mardi 5 mai 2015, par
Amar Laskri, un cinéaste d’engagement et de talent est décédé le 1er mai 2015.
Il est le cinéaste qui a le mieux rendu compte du caractère populaire de la guerre de libération
Né en 1942 à Ain Berda, il avait 14 ans en 1956 et effectuait sa scolarité au Lycée Saint Augustin lorsque l’appel à la grève générale lui fit quitter ses études en le projetant à l’extérieur dans la guerre où il rallia le maquis de la lutte de libération nationale.
Il faut avoir vécu parmi les maquisards pour avoir réalisé avec autant de force et de sensibilité le superbe « Patrouille à l’Est » où l’âme, les motivations et l’engagement de ces combattants sont racontés.
Au lendemain de l’indépendance il reprend ses études interrompues. Il poursuit des études supérieures de cinéma à Belgrade. Il y étudiera le cinéma, le théâtre, la radio et obtint son diplôme en 1966 avant de revenir au pays. Après son retour, il entamera de nouvelles études et s’inscrira à l’université d’Alger pour un diplôme en Sciences Économiques et Politiques tant sa soif d’apprendre était grande.
Ahmed Laskri a toujours été militant et combattant. Depuis la dissolution du CAAIC, il ne cessa de revendiquer le retour au secteur public pour la mise en œuvre d’un cinéma de qualité et un cinéma populaire d’éducation et de culture.
Il activa aussi dans l’association « Lumières » mais depuis de longs mois il était malade et c’est le premier mai 2015 qu’il décéda laissant derrière lui son beau projet inachevé : un film sur Frantz Fanon qu’il n’a jamais pu réaliser.
Durant sa carrière, il a réalisé plusieurs films et courts métrages dont :
Patrouille à l’Est (1971), El moufid (1978), Les Portes du silence (1987), Fleur de lotus (1998) qui fut coproduit avec le Viet nam...
« Patrouille à l’Est » restera le film le plus accompli qui ait été réalisé sur la lutte de libération nationale de l’Algérie.
Ce film nous plonge directement dans les maquis avec des moudjahidine fiers et loyaux qui ne réussissaient à se nourrir de leur engagement pour l’indépendance, à combattre et à se déplacer que grâce au soutien du peuple au sein duquel ils étaient immergés comme un poisson dans l’eau. Le film le montre d’une façon simple, concrète et juste.
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Leur seule devise était le sacrifice de leur personne pour que vive l’Algérie.
Ainsi, dans Patrouille à l’Est, de jeunes combattants entament un long et périlleux déplacement vers la frontière tunisienne avec pour mission de convoyer un militaire français fait prisonnier.
Amar Laskri rend dans ce film une très belle description de l’engagement des jeunes combattants, leur esprit de sacrifice total à la lutte pour la libération de l’Algérie.
Tous près d’arriver à la frontière, les jeunes soldats en mission subissent une attaque de l’armée coloniale française. La patrouille est décimée. Un paysan décide alors de prendre la relève pour mener jusqu’au bout la mission des djounoud tombés dans le combat. Il finira par rejoindre le lieu désigné à la patrouille pour remettre le prisonnier.
On assiste tout au long du film à des scènes émouvantes où seul le dévouement pour la réalisation de l’objectif, guide les combattants dans les montagnes rudes et difficiles. Et Amar Laskri sait de quoi il parle. Il connait ces montagnes dans lesquelles le colonialisme français féroce et impitoyable l’avait plongé alors qu’il était encore quasiment un enfant.
Pour Amar Laskri son engagement ne s’est pas achevé avec l’indépendance de l’Algérie. La lutte de libération de l’Algérie et la solidarité avec le combat des peuples pour leur émancipation nationale ne faisaient qu’un. Son œuvre filmique et ses activités professionnels en tant que reporter cinématographique en attestent. Il se rendra au Sud Liban en 1975 et il y montra combien son engagement pour la Palestine était fort. Il ramena avec Fattani un beau reportage[ [Ici l’article écrit par Ahmed Fattani sur leur voyage au Sud Liban en 1975.-]].
Ahmed Laskri était l’un de nos cinéastes méritants, un doyen du cinéma populaire, un fils du peuple et sa vie a été abrégée parce que malheureusement les services hospitaliers publics sont délaissés par l’État dont le principal souci est aujourd’hui de promouvoir les clinique privées, souvent investies d’ailleurs par des "pontes" du régime qui y ont trouvé un moyen de se remplir les poches de concert avec des médecins formés par l’Algérie indépendante mais dont la devise est la course au profit et non le dévouement aux malades.
Les exportations pétrolières et les exportations de devises pour toutes les « activités économiques » possibles se font pourtant à profusion. Nous acquérons des véhicules, des biens divers, des matériaux et des produits de tous ordres. Et depuis l’indépendance, combien d’hôpitaux de haut niveau aurions nous pu monter pour que l’Algérien et en particulier le travailleur qui produit les richesses du pays ait droit, sérieusement et correctement à des soins de qualité, lui qui déjà finance la sécurité sociale avec ses revenus qui souvent ont été détournés à d’autres usages.
Amar Laskri et bien d’autres Algériens qui méritaient qu’un effort puisse être fait pour eux, sont morts faute de soins.
La lutte pour la libération sociale se poursuit.
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Mohand Izem
Alger républicain
04.05.15