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Arrestation puis libération sous contrôle judiciaire de Ahmed Badaoui syndicaliste licencié des Douanes algériennes Non aux intimidations !
mardi 18 janvier 2011, par
L’arrestation samedi 15 janvier de Ahmed Badaoui, puis la décision du tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger, d’assortir sa libération de son placement sous contrôle judiciaire illustrent à quel point le régime s’enfonce dans l’arbitraire pour briser toute contestation pacifique des citoyens.
Les motifs retenus par le tribunal sont une violation flagrante des droits à la liberté d’expression et d’organisation reconnue par la Constitution : "appel à la désobéissance civile, outrage à corps constitué et appartenance à une organisation non agréée" . La police a reproché à Ahmed Badaoui d’avoir envoyé des sms dans lesquels il se réjouissait de la chute du despote tunisien Ben Ali, chassé par le peuple après 23 ans de dictature et formulait le souhait que cet évènement inciterait les citoyens algériens à lutter pour un système démocratique. Les motifs allégués sont fabriqués de toutes pièces. Ils relèvent d’une opération d’intimidation contre toute tentative de se réunir, de se concerter, d’exprimer son point de vue et de se rassembler pour briser le verrouillage de la vie politique. Le pouvoir refuse au mépris de la loi d’agréer les associations ou les partis formés par les citoyens pour défendre leurs intérêts matériels ou exprimer leurs opinions. Il réprime ensuite sous la grossière accusation d’association non autorisée ceux qui refusent de se soumettre à son diktat anti constitutionnel !
Ahmed Badaoui est un syndicaliste victime de l’arbitraire des responsables du pouvoir. "Commissaire divisionnaire des douanes, le plus haut grade de l’institution, Ahmed Badaoui est élu en 1997 secrétaire général du Syndicat national des douanes affilié à l’UGTA." (Le Soir d’Algérie du 18 janvier 2011). Il avait été porté à la Commission exécutive nationale de l’UGTA. Par suite de son opposition à la centrale syndicale, il a été suspendu de ses responsabilités syndicales et licencié en 2006 par décision du DG des Douanes avec la bénédiction du ministre des Finances.
Son arrestation a suscité un large mouvement de réprobation et de solidarité. Plusieurs avocats se sont spontanément mobilisés pour assurer sa défense. De nombreux citoyens ou militants de diverses tendances ont tenu à lui exprimer leur appui au siège du commissariat central de police ou du tribunal.
Badaoui avait été arrêté au moment où il rentrait chez lui après avoir assisté à une discussion organisée à l’initiative de l’association de défense des libertés syndicales qu’il avait créée en compagnie de syndicalistes licenciés. De nombreuses personnes, de différentes sensibilités politiques, ont pris part à cette rencontre pour analyser les causes des récentes émeutes et s’entendre sur d’éventuelles actions communes à mener.
La question de l’élaboration d’une plate-forme démocratique de rassemblement y a été défendue. Certains voulaient conclure sur un appel à soutenir la marche décidée par le RCD. D’autres ont exprimé leur refus de s’y associer sans concertation préalable sur un contenu minimum commun.
Plusieurs intervenants se sont démarqués au cours du débat, des appels à se regrouper sans avoir défini le contenu de classe des alternatives démocratiques proposées. Ils ont défendu avec force que les revendications démocratiques doivent avoir un contenu qui sert les intérêts des travailleurs et des masses populaires. Ils ont appelé à une plus grande mobilisation pour combattre dans la clarté la politique sociale injuste du pouvoir, la bourgeoisie compradore et parasitaire qui inspire cette politique. Ils ont dénoncé le diktat des barons de la spéculation soutenus par leurs amis dans le régime et condamné le déni des libertés démocratiques. Ils ont en même temps rejeté toute tentative d’exploitation du mécontentement des travailleurs et de la jeunesse par les partis et personnalités qui défendent les politiques ultra libérales et manœuvrent pour les renforcer sous l’appel à la "poursuite des réformes". Ils ont mis en garde contre les tentatives de manipulation de la jeunesse et des travailleurs par les forces du libéralisme et du capitalisme.
L’arrestation sous des motifs arbitraires de Ahmed Badaoui suscite des interrogations sur les objectifs véritables des cercles qui l’ont ordonnée. De larges courants d’opinion dans les milieux populaires ne veulent pas être les jouets des intrigues et des luttes au sein d’un régime déchiré par les affaires de grosse corruption. Ces luttes sont attisées par les répercussions de la crise du capitalisme et les pressions des puissances impérialistes qui tentent de les exploiter pour renforcer leur influence sur le pays. Des partis ou des groupes d’opposition libéraux recherchent le soutien des USA ou d’autres puissances pour tenter de créer un rapport des forces favorable soi-disant à "l’instauration de la démocratie" en Algérie. Les propos de l’ambassadeur des USA, tels que révélés par Wikileaks et qui n’ont pas été démentis à ce jour, donnent une indication sur les dangereuses orientations politiques de ces partis ou personnalités qui encouragent l’ingérence des grandes puissances impérialistes dans la vie politique du pays.
C’est par leurs propres forces et leurs propres luttes que les travailleurs et les couches populaires parviendront à arracher les libertés démocratiques et les changements politiques nécessaires à la satisfaction de leurs aspirations économiques et sociales.
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Alger républicain
18.01.11