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Au cœur du tourbillon

vendredi 9 mars 2012

La cyberguerre est loin d’être une forme à conjuguer au futur. Elle est bien réelle, plusieurs régions dans le monde la subissent.

Dans le monde musulman, il y a eu l’Iran en juin 2010 quand 30 000 ordinateurs ont été infectés par un virus informatique, Stuxnet, programmé pour la destruction des systèmes informatiques industriels de l’ancienne Perse. D’autres exemples peuvent être répertoriés. L’actuel est la Syrie, grande vitrine de cette cyberguerre. La crise que vit ce pays a été une occasion propice pour voir plusieurs formes d’armes virtuelles. La création de plusieurs avatars dans le cadre d’une campagne de désinformation en est l’une des plus répandues.

Deux exemples édifiants dans le cas de la Syrie. Le premier est celui de la vraie-fausse bloggeuse Amina qui, pendant plusieurs mois, a été considérée comme le symbole de la “révolte” syrienne. Les plus grands médias du monde parlaient du cas de cette Syrienne, qui était une des sources sur la situation dans le pays, avant de devenir une “héroïne” suite à son arrestation par les forces de l’ordre syriennes. Au bout, tous ont été manipulés. C’est grâce à un site palestinien, Electronic Intifada, que le pot aux roses a été découvert. Il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un faux profil sur le Net créé par un étudiant américain, installé en Écosse. Cette histoire a fait le buzz pendant quelques jours sans que les médias ne fassent leur mea-culpa. C’est qu’il y avait d’autres “coups” en gestation.

L’Osdh, l’"avatar" de destruction massive

En plus des nombreuses questions que suscite la situation actuelle de la Syrie, celle des sources d’informations en est une des plus cruciales. Elle peut être même considérée comme la “clé”. Voilà un pays fermé aux journalistes étrangers, et les rares correspondants des médias non syriens habilités n’ont pas la liberté nécessaire pour activer sur place. Cependant depuis mi-mars, les médias européens, américains, et arabes rapportent des “informations détaillées” sur ce qui se passe dans plusieurs régions du pays.

D’où proviennent ces informations ? Dans la quasi-majorité des cas, la source est la même : l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (Osdh). C’est devenu une source si “fiable” que presque personne ne remettait en cause les bilans que cette ONG donnait. Elle rapporte les “statistiques” macabres avec force détails et de toutes les régions de la Syrie. La question ici n’est pas de douter de la véracité des violences et des heurts qui se déroulent au pays du Cham, ni de faire remarquer que cet observatoire est à 100% anti-Bachar Al-Assad. Cependant, il est plus que nécessaire de se poser une question sur cette facilité déconcertante avec laquelle ces médias ont “confiance” dans cette source. Les chaînes satellitaires et la presse écrite (même algérienne) prennent tout ce qui vient de cette ONG comme une vérité absolue. Pourtant cet observatoire a tout pour être intriguant, et le mot est faible.

Prenons par exemple le lieu d’où l’Observatoire, qui se clame représentant de la “révolution” en Syrie, travaille. Tout simplement Londres, qui est loin de Damas de presque 7 500 kilomètres. En voulant en savoir plus, la Toile ne donne que des bribes qui viennent gonfler le mystère. Cette ONG a un site d’informations sur la situation en Syrie, http://www.syriahr.com. Il est uniquement en langue arabe. Sa page facebook et son compte sur YouTube sont également en arabe. Dans ces trois fenêtres virtuelles, on ne trouve presque rien d’un quelconque travail spécifique à l’Observatoire. Des extraits d’émissions télé, des articles et des dépêches d’agences d’informations sur les activités de cette ONG remplissent le site, le compte facebook et le compte YouTube.

Sur le “Qui sommes-nous ?” de la page d’accueil, il y a une adresse e-mail, une date : 1er mai 2006 (celle de la création de l’Observatoire) et enfin un nom, celui du directeur. Un seul nom, un certain Rami Abdel Rahman. Rien de plus, et pourtant il s’agit bien de la principale source des médias dans le monde, sur la crise syrienne, depuis cinq mois !

Rami Abdel Rahman n’a visiblement pas de visage. Il est souvent cité par les différentes chaînes satellitaires et surtout la presse écrite mais aucune “trace” de lui. Ce n’est qu’au début de ce mois d’août qu’il a daigné se “manifester”. Il est sorti de l’ombre pour rester… dans l’obscurité du couloir. Il commencera par donner une interview par téléphone au correspondant de l’AFP à Nicosie (Chypre) dans laquelle il s’étalera un peu sur son “profil”. Ainsi, il aurait 40 ans, et serait un opposant au régime syrien depuis qu’il avait 6 ans, l’âge où il aurait vu des agents de sécurité battre sa grande sœur. Les informations qu’il rapporte de son pays émanent toutes de “son” réseau de 200 personnes éparpillées dans plusieurs régions de la Syrie.

Un réseau qui est loin d’être actif. Aucune vidéo émanant de ces 200 personnes n’a été enregistrée au nom de l’Osdh. Mieux encore, sur le compte YouTube, la dernière vidéo remonte à juin dernier et n’est que l’enregistrement d’une émission télé. Faut rappeler qu’il s’agit bien de ce qui est décrit par les médias de l’ONG qui “s’est imposée dans le paysage médiatique international comme l’une des principales sources d’information sur le mouvement de contestation qui vise depuis plus de quatre mois le régime syrien".

Histoire d’officines !

Pour le cas de Rami Abdel Rahman, le flou est total. Pour beaucoup d’observateurs, il est plus que probable que cette personne n’existe pas réellement. Il s’agirait tout simplement d’un avatar créé par des officines “occultes”. Les regards se dirigeront entre autres vers l’un des programmes du Centcom (Commandement central des forces américaines) pour la surveillance des opérations armées américaines au Moyen-Orient et en Asie centrale. Pas uniquement.

Plusieurs autres “services”, européens et autres, mettent le paquet sur la Syrie pour faire chuter le pouvoir actuel. La Libye semble avoir été un terrain d’“entraînement”. Même la “révolution” qui a destitué Hosni Moubarak risque d’accoucher prochainement de scandales.

Les déclarations de la nouvelle ambassadrice des États-Unis au Caire, Anne Patterson, risquent ainsi de noircir le tableau que les jeunes Égyptiens veulent idyllique de leur révolte. La diplomate américaine n’avait pas hésité à affirmer que son pays avait distribué, depuis le début de la révolte, 40 millions de dollars à des ONG locales. Une sortie qui a rapidement déclenché un tollé dans le pays, et une enquête de grande envergure a été lancée par le Conseil militaire égyptien. Il faut s’attendre à ce que le futur, proche et lointain, accouche de vérités que beaucoup ne soupçonnent même pas.

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Articles de Salim Koudil repris de Liberté

14 août 2011