Cheminots, grèves décembre 2007. Ni cantine, ni douche, ni ambulance !

Au dépôt d’Alger, ils sont 580 cheminots. Les lieux souffrent des moindres commodités. Les travailleurs ne disposent pas de cantine, les sanitaires sont dans un piteux état. Dans les douches, ils n’ont droit qu’à de l’eau froide : « A la fin des heures de travail, nous n’avons pas la possibilité de prendre une douche, nous avons honte de prendre le transport public avec nos odeurs de cambouis, de gaz oil et de sueur qui risquent d’indisposer les gens, alors nous faisons des kilomètres à pied pour rentrer chez nous. »

Avec tous les risques qui les guettent sur leur lieu de travail, on nous informe qu’il n y a ni médecin du travail, ni infirmier, ni ambulance. Un travailleur raconte : « on a eu un cas ou un travailleur s’est coupé au niveau de son bras avec du verre, on l’a emmené dans la voiture d’un collègue à l’hôpital. Le médecin leur a confié que le blessé a été sauvé de justesse car il avait perdu beaucoup de sang ».
Ils parlent aussi des bleus de travail et des chaussures, ils utilisent la dotation de 2006, car celle de 2007 n’a pas été remise.

Le salaire est insuffisant.

Ali, chef conducteur, avec 28 ans d’expérience, tient à tout prix à montrer sa fiche de paie : « Regardez sur ma fiche de paie, il y a inscrit 29 000DA, les gens vont se dire, mais qu’est ce qu’il veut de plus ?

Laissez- moi vous expliquez où va cette paie : pour mes frais de déplacement, on me donne 30DA de l’heure, cela fait à peu près 6 000 Da par mois. Je suis loin de chez moi lorsque le train sort de gare, j’utilise donc cette somme pour déjeuner, dîner, acheter mes cigarettes, mon journal et mon café. La vie est tellement chère que cette somme ne tient que 10 jours. Calcul rapide, il me faut au moins 18 000DA par mois pour vivre, donc je vais automatiquement puiser dans la fiche de paie de mes enfants. Si j’enlève les 18 000 DA de 29 000 DA, il ne restera que 11 000DA.

J’ai 6 enfants, j’ai des universitaires, des petits qu’il faut prendre en charge, il y a aussi le couffin ? remplir, le loyer, le gaz, l’électricité et diverses autres choses. Croyez vous qu’on puisse vivre décemment avec 11 000 DA ? »

« Casser la grève même au détriment de la sécurité des passagers »

Les travailleurs sont indignés par la décision de l’administration de la SNTF qui « a fait appel à des magasiniers, des contre maîtres… un personnel qui n’est pas habilité à monter dans une machine et encore moins à intégrer l’équipe qui conduit le train pour casser la grève. Ils ont par conséquent fait courir des risques immenses aux usagers ». Un parfum des briseurs de grèves « des raisins de la colère » de John Steinbek !

Les chiens, les chats et les cheminots !

« Après 16H les gens rentraient chez eux, mais les cheminots étaient dehors et ils subissaient les tirs, les bombes. Il n y’ avait, en gare que , les chiens, les chats et les cheminots !

Ils ont dit que le calme est revenu, en guise de récompense, ils auraient du prendre en charges nos revendications. Les cheminots ont résisté vaillamment au terrorisme, ce qui a permis ? l’entreprise de rester debout. Les travailleurs subissent la misère alors que les responsables récoltent les lauriers.

Y a t-il une oreille attentive pour nous écouter ? y a t-ils des responsables et des décideurs pour s’asseoir avec nous et trouver des solutions à nos problèmes et notre malaise. Nous donner nos droits pour ne pas avoir faim. »

La prime de tonnage.

Ce serait une prime empochée par les responsables ? Les cheminots nous expliquent que c’est un train marchandise, avec à son bord le chef du train, le mécanicien, le second et le conducteur de queue. La capacité globale du train est par exemple de 50 tonnes, mais ils sont poussés par les responsables à en doubler la charge afin de bénéficier de la prime de tonnage à la fin de l’année.ce sont les patrons qui la prennent pas les travailleurs. Plus le tonnage est grand, plus la prime augmenterait.

Arthroses et pannes de matériel.

Savez-vous pourquoi les conducteurs de trains souffrent presque tous d’arthroses au cou ? Ne riez pas ! Parce qu’il leur arrive souvent de conduire une locomotive qui n’est pas devant mais derrière le train. Alors, comme leur champ de vision est obstrué par les wagons, ils doivent conduire la tête constamment inclinée vers l’extérieur de la cabine pour éviter des accidents. Imaginez la torsion du cou durant tout le trajet et sur des centaines de kilomètres pour surveiller la voie qui défile à plus de 100 kilomètre à l’heure.

Et comment cela se fait-il que la locomotive n’est pas en tête mais en queue de train ? Parce que la plaque tournante sur laquelle on met la locomotive pour changer son orientation quand elle arrive au terminus est toujours en panne et que le tracteur mixte rail-route qui intervient sur les quais du port et qu’on utilise pour dépanner n’est pas toujours disponible. Pourtant il n’est pas difficile de réparer la plaque tournante.

Un faisant fonction de contrôleur de train.

Depuis des années je suis à ce poste sans être élevé au grade de contrôleur. J’affronte quotidiennement les resquilleurs. Ce n’est facile de les convaincre de payer leur billet surtout quand ils se mettent à vous couvrir d’injures ou à vous menacer avec leurs couteaux.
Nous faisons de la “communication” - eh oui ! nous aussi nous en faisons et pas seulement les “spécialistes” diplômés de l’Université- et du travail psychologique tous les jours pour éviter le pire et faire entrer de l’argent. Pour quel résultat ?

Les tracas en cas d’accident.

Vous savez, en principe l’espace qui se trouve à 20 mètres de chaque côté de la voie n’est pas constructible et toute personne qui s’y aventure est responsable en cas d’accident.
Alors, vous savez, en pleine banlieue d’Alger, nous traversons des bidonvilles qui sont presque collés aux rails, parce que les autorités ne font pas leur travail pour éloigner les constructions. Nous sommes obligés de ralentir et, malgré cela nous sommes terriblement stressés. Si jamais nous heurtons un bambin qui s’amuse à frôler le train, les parents nous insultent ou nous attaquent. Ce n’est pas de leur faute. Il y a manque de civisme et indifférence des responsables.

Comment voulez-vous que le train puisse rouler dans ces conditions à 160 à l’heure comme le prévoient les projets du gouvernement ?

Les agents de sécurité ne sont pas en sécurité !

Employés dans le cadre de contrats à durée déterminée, leur avenir est précaire et leur salaire inférieur au SNMG.

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Alger républicain