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Colloque sur « Alger républicain » et hommage ? Abdelhamid Benzine

samedi 8 août 2009, par Alger républicain

Un public nombreux et assidu, par rapport à ce genre de manifestation, a participé activement aux débats, après chacune des cinq conférences données lors de la première journée, par des spécialistes des sciences de l’information et universitaires.

La seconde journée a été consacrée à des témoignages vivants et émouvants en hommage à Abdelhamid Benzine, suivis d’une cérémonie aussi émouvante du don d’une œuvre de M’Hamed Issiakhem, ayant appartenu à Abdelhamid Benzine au Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger.

La clôture est intervenue après la tenue de l’assemblée générale constitutive pour la création de l’association « les amis de Abdelhamid Benzine ».

Les initiateurs du colloque ont fourni de bonnes conditions d’accueil et d’organisation aux participants, fruits d’un long travail de préparation et grâce aussi à de généreux « sponsors ».

Il est à souhaiter que le même soin sera apporté à la confection et à la diffusion des actes du colloque.

Les communications

En attendant on pourrait essayer de parcourir les cinq conférences données et les échanges riches et parfois passionnés (ce qui fera dire à un universitaire au cours d’une pause : « c’est une nouvelle culture du débat »), a travers les thèmes dominants qui ont parcourus la rencontre et les échanges qui ont suivi.

Les résumés fournis par les cinq intervenants et les interventions du public, permettent de cerner la trame et les thèmes principaux qui se sont imposés le long des deux journées. On ne discutait plus seulement « d’Alger rép » 1990-1994, mais de ses 70 ans d’existence !

M. Belkacem Mostfaoui (maître de conférences, département des sciences de l’information à l’Université d’Alger) sera dans le même temps le « modérateur » « donneur et preneur de parole », très présent, donnera le ton :

« dans son existence, hachurée par des interdits et blocages de diverses formes, Alger républicain a accumulé un patrimoine singulier.
Unique peut-on oser dire dans le champ éditorial de presse quotidienne algérienne : d’un modèle de journalisme alliant un engagement politique déclaré (ou de parti/pris, selon) de combat social et une exigence soutenue de récolter et livrer le plus d’informations et le moins de commentaires, en particulier sur les campagnes algériennes, adossé ( dans des dimensions et ressorts à décrypter) au parti communiste algérien et ses structures successives, ce modèle de journalisme – « pas comme les autres » - a vu se renforcer ses capacités de ressources d’expression ; matérielles, humaines (dont des plumes célèbres et des correspondants humbles et courageux, passeurs de d’informations sur les réalités du pays en temps de domination coloniale) , et de fidélité de son lectorat et le foisonnement des contenus rédactionnels détruisant ipso facto le simplet étiquetage « journal partisan ».

M. Zoubir Chaouch-Ramdane, (maitre de conférences , département des sciences de l’information- université d’Alger) s’attaquera à la séquence « le quotidien Alger républicain d’avant l’indépendance (1938-1962) » :

« organe d’information devant répondre aux aspirations de ses actionnaires, conçu comme coopérative d’information, animé par une équipe de militants pour lesquels l’information est l’expression de l’opinion commune, Alger républicain fut lancé en octobre 1938 à Alger dans le cadre de la « création d’une presse indépendante des puissances d’argent » .
Quotidien « foncièrement républicain » ne disposant ni de capitaux, ni de facilités de crédit, Alger républicain comme l’organe de la « démocratie, de la justice et de la paix » et le porte-parole notamment entre 1943-1946, des Républicains dans le cadre de « l’Union au sein de la démocratie française ».
A partir de 1946, le quotidien Alger républicain glisse nettement à gauche avec main mise des communistes. Il deviendra leur organe « officieux », jusqu’à son interdiction en septembre 1955, au même titre que l’hebdomadaire Liberté, organe officiel du PCA.
« Deux semaines après l’indépendance de l’Algérie, c’est-à-dire le 18 juillet 1962, le quotidien Alger républicain reprend sa parution avec un tirage de 65 000 exemplaires et ce, jusqu’au mois de juin 1965 date de sa disparition
 ».

L’universitaire « historien » qui a fourni par ailleurs une multitudes d’informations puisées à la source et contrôlées, aurait pu s’arrêter là et ne pas affirmer (signer et persister) qu’Alger républicain a fusionné avec le journal le quotidien officiel « Le peuple » pour donner naissance à « El moudjahid » quotidien, sans fournir l’ombre d’une preuve si ce n’est les déclarations officielles du pouvoir issu du coup d’Etat du 19 juin 1965. Avec « la main mise communiste » et cette « fusion » M. Chaouche- Ramdane va permettre d’approfondir le débat…

M. Belkacem Ahcène-Djaballah (professeur associé à l’Université d’Alger) traitera du thème « Alger républicain et le paysage médiatique national après l’indépendance » :

« en face des vestiges de l’époque coloniale, un seul organe de tendance nationaliste paraissait : l’hebdomadaire du FLN, El Moudjahid, vendu librement à Constantine, puis sur tout le territoire national à partir de juin 1962. Il était encore réalisé à Tunis.
Juste après, le quotidien Alger républicain fait sa réapparition le mercredi 18 juillet 1962 (No 1, nouvelle série, en feuille recto verso, tiré à Alger, presque clandestinement (par mesure de précaution, 4 jeux de « flans » avaient été confectionnés par les ouvriers du journal La Marseillaise et trois jeux avaient été expédiés à Alger par les voies normales. Ils disparaîtront tous …Heureusement, un 4e jeu avait été confié à un militant, Aimé Pitous, employé de l’EGA, revenu au pays) à 80 000 exemplaires daté du mardi-mercredi… »

« Ainsi donc en septembre 1963, une année après l’indépendance, la presse algérienne (les publications d’importance nationale) se trouvait presque entièrement contrôlée, directement par le FLN. L’orientation restait le privilège en principe, du Parti.
Seul, le quotidien Alger républicain conservait une liberté d’action relative. Mais cela n’allait pas semble-t’il durer…
 »

Quatrième intervenant, Kamel Sadou ( enseignant-chercheur, département de l’information - Université d’Alger) après une longue introduction sur l’enjeu planétaire des canaux de la communication, traitera du thème : « Alger républicain, la fidélité et le changement » et dira en guise d’avant-propos :

« l’objet de la présente intervention est de proposer des pistes de réflexion sur la question de la pérennité du journal, de son avenir et de la compréhension des causes de ses difficultés actuelles qui de premier abord contrastent avec sa capacité passée à résister aux pires conditions.

« Il est remarquable que parmi toutes les publications initiées et dirigées par le PCA, puis le PAGS et qui ont disparu au fil des périodes historiques, seul « Alger rép » a été l’objet de constantes tentatives de relances, et a acquis au fil du temps un statut de « titre-symbole ».

« Ce statut particulier constitue une première difficulté à faire de ce journal un objet d’études et à le disséquer de manière distanciée. Cette difficulté vaut autant pour moi qui doit mettre de coté mon « affect » et mon vécu de militant et de journaliste durant l’une des périodes les plus problématiques qu’a vécu ce titre, difficulté pour beaucoup d’entre vous qui avez vécu « Alger rép » comme une raison de vivre et d’espérer ».
Kamel Sadou interviendra à nouveau dans le débat, quand certaines interventions tourneront à des tentatives de personnalisation des difficultés du journal aujourd’hui, pour replacer le débat au niveau des rapports de force politique à l’échelle nationale et du niveau des forces politiques de progrès aujourd’hui aussi !

Il avait conclu son avant-propos ainsi « Mon espoir est que cette contribution puisse offrir des pistes de réflexion sur un débat serein, constructif,apaisé, concernant un des symboles des luttes sociales et politiques de l’Algérie et une des voix qui ont porté l’idée d’un monde plus juste et plus fraternel ».

« Alger républicain aujourd’hui » est la dernière intervention de la première journée donnée par M. Zoheir Bessa directeur d’Alger rép :

La relance d’Alger républicain en mai 2003 s’est inscrite dans le renouement avec la mise en œuvre traditionnelle fondamentale de défense des intérêts des travailleurs, de la paysannerie laborieuse, des couches sociales les plus pauvres, en liaison avec les intérêts nationaux fondamentaux et l’engagement dans cette optique des femmes et hommes humanistes animés par des idéaux démocratiques progressistes…

« Fidèle aux luttes animées par les anciens depuis des décennies, Alger républicain prend résolument parti pour l’affranchissement des classes dominées et l’instauration d’une société débarrassée de l’exploitation. Il inscrit son combat actuel dans le grand combat des exploités et des opprimés à l’échelle nationale et à l’échelle mondiale…

« Le journal doit déployer tous ses efforts pour se ré ancrer tant dans le lectorat populaire et ouvrier que parmi les intellectuels et cadres qui n’ont pas renoncé à l’idéal révolutionnaire de progrès. Cette exigence est d’autant plus grande que la crise mondiale actuelle du système capitaliste va s’aggraver et entraîner des répercussions dangereuses. Elle remet à l’ordre du jour des transformations radicales revendiquées par le journal depuis sa création »

Au cours des débats il donnera de nombreuses informations sur le journal et l’ostracisme voulu en matière d’absence totale de publicité, les difficultés d’impression, Alger rép étant démuni de moyens propres, comme le sabotage en matière de diffusion, les dépenses réduites à leur plus simple expression, le bénévolat de l’équipe rédactionnelle…

De riches débats

Les débats se sont engagés, sur les chapeaux de roue, après chaque communication et souvent en cours de communication.
La première légende à être démentie est bien sur celle de la fusion Alger républicain-Le Peuple pour donner naissance au quotidien El moudjahid.

Un ancien journaliste témoignera :

« quand il y eut le coup d’Etat de juin 65, Benzine fut convoqué dans la nuit du 18 au 19, par Kaid Ahmed qui lui demanda de faire paraître Alger rép normalement. Le 19 dans la journée les journalistes communistes, réunis, en plusieurs groupes, clandestinement décidèrent de ne pas refaire paraître le quotidien. La « fusion » annoncée par le pouvoir en juillet n’était en réalité que la transformation du « Peuple » en El Moudjahid. Il donnera ensuite lecture des dernières lignes du livre « La grande aventure d’Alger républicain » : « il n’y aura pas de fusion, contrairement à ce que certains officiels diront plus tard, déguisant la vérité…

« Dans la nuit du 18 au 19 juin 1965, le dernier numéro est saisi à l’imprimerie. Les locaux occupés par les soldats, « Alger républicain cesse de paraître. Pour la troisième fois dans son héroïque histoire. »

Un autre volet important est abordé dans les débats, celui des liens entre Alger rép et les communistes, le PCA et le PAGS. Là aussi les ambiguïtés furent levées. Ces liens présentés comme une tare voulaient mettre dans la défensive les héritiers du vieux journal ! Mais oui messieurs, il y avait des liens très étroits qui ont permis au canard d’être indépendant du pouvoir politique, des puissances d’argent et de déjouer les OPA (offres publiques d’achat) lancés par certains milieux quand le parti des communistes était en train de s’effondrer : OPA de certains journalistes qui fonderont Le Matin, tentative de certains dirigeants qui ont renié l’ancrage du PAGS historique, travesti en « Tahadi » de prendre en main le journal, « héritage des communistes », puis la tentative de s’approprier le titre par les aventuriers du FAM (Front de l’Algérie moderne) qui ont même approché le notaire pour accaparer les parts sociales de la SARL …
Ces tentatives seront mises en échec en particulier par l’action des communistes.

En résumé Alger rép n’a jamais été l’organe central du PCA ou du PAGS, n’a pas été au main du pouvoir politique pour dire « tahya » à tous les chefs, à la botte des puissances d’argent, de l’ambassade des USA ou autre … parce que justement son indépendance, son ouverture aux courants patriotiques, démocratiques et progressistes, aux jeunes, aux femmes et hommes de culture, aux paysans, cadres et ouvriers, au secteur privé productif est garantie par les communistes, bon gré, mal gré !

Concernant « l’offre » faite au cours du colloque, disant que des milliards peuvent être mobilisés pour aider le journal à retrouver une périodicité plus soutenue, la question a été posée sur « l’odeur » de cet argent ! Elle n’a malheureusement pas reçu de réponse.
Donc la tache demeure de doter Alger rép héritage de nous tous pour le doter de moyens matériels, humains, financiers, de diffusion, de correspondants, d’un large lectorat et d’une ligne éditoriale toujours en adéquation avec les besoins de notre époque et de notre société et pourquoi pas du soutien d’un grand parti révolutionnaire et d’un front patriotique et de progrès. Beaucoup de taches certes, mais Alger rép est un élément d’un tout, d’un monde qu’il faut bâtir pas à pas.

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Mohamed Nedjar