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Convocation prochaine du corps électoral : le sens de la « suggestion » de Gaïd Salah
mardi 10 septembre 2019, par
Le vice-ministre de la Défense a tranché. Le corps électoral devrait être convoqué à partir du 15 septembre et l’élection présidentielle bouclée avant la fin de l’année. La situation du pays ne permet pas selon lui de reporter indéfiniment cette échéance. Le pays est en effet sans chef d’Etat régulièrement élu depuis le 2 avril.
De nombreux commentateurs ont fait remarquer que Gaïd Salah est sorti de ses prérogatives de responsable militaire. En vertu des fonctions fixées dans la Constitution l’annonce est du ressort exclusif du chef de l’Etat intérimaire, sans parler de l’illégalité dans laquelle ce dernier se trouve depuis le 9 juillet date butoir de l’organisation d’une élection présidentielle après la démission de Bouteflika.
Sur le fond, cette observation est juste. Elle donne une indication sur l’acuité de la crise créée par le refus obstiné des porte-parole du régime de tenir compte des revendications du mouvement populaire en faveur d’un changement politique radical avec comme préalable le départ sans condition des personnalités impliquées dans les fraudes, l’arbitraire, et symbolisant la corruption du régime. Sur le plan de la forme, Gaïd Salah n’a pas lancé de sommation. Il a « simplement » adressé une « recommandation ». C’est par ce terme que l’on peut traduire correctement en français le mot arabe contenu dans le document originel et non par l’expression « il est opportun ». Une petite astuce de style des rédacteurs de son discours qui n’a cependant pas été interprétée autrement que comme un ordre. Comment se fait-il que le chef de l’Armée n’a pas emprunté les canaux internes du pouvoir pour communiquer cette proposition directement à Bensalah détenteur de l’autorité formelle, au lieu de la faire passer par un message télévisé ? Bien qu’il paraisse difficile de supposer l’existence d’une quelconque divergence entre les deux hommes, il n’est pas tout à fait impossible que Bensalah joue l’inertie pour protester à sa manière contre le fait que les engagements d’ « apaisement » qu’il avait pris lorsqu’il avait accueilli l’Instance du dialogue de Karim Younès aient été rejetés par Gaïd Salah.
En fait le rapport de forces créé par le mouvement populaire, qui a contraint Bouteflika à démissionner et fait échouer l’élection du 4 juillet, faute de candidats, a poussé l’armée à manifester sa présence politique de façon ouverte. Pour ses chefs, une annonce de Gaïd Salah a plus de poids que si elle émanait de Bensalah. Dans leur manière de penser fortement marquée par l’autoritarisme caporalisateur elle devrait faire réfléchir les détracteurs de l’autorité militaire et encourager ses sympathisants sincères ou de circonstance à faire bloc autour d’elle. Le moment venu, le chef d’Etat par intérim devra bien donner le feu vert au processus électoral en sa qualité de dévolutaire de la légalité constitutionnelle, légalité constitutionnellement contestable mais imposée de fait.
Zoheir Bessa