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Elections législatives du 4 mai : un désaveu massif du régime
dimanche 11 juin 2017, par
L’écrasante majorité des citoyens a méprisé les bureaux de vote. Près de 3 sur 4 citoyens - 72,3% des inscrits - se sont abstenus de voter ou ont glissé un bulletin nul pour exprimer leur rejet de la mascarade électorale.
Le plus remarquable dans ces législatives n’est pas le taux de désaffection populaire ou le taux de la participation électorale. Les vrais chiffres ne seront jamais connus. C’est le fait que le régime n’a pas pu les travestir avec autant de grossièreté qu’avant. L’envie ne lui en a certainement pas manqué. La résultante de décennies de luttes multiformes en a décidé autrement.
C’est un aspect paradoxal des résultats du verrouillage de la vie politique. Le pouvoir s’est verrouillé lui-même, pourrait-on dire pour résumer en un mot son isolement au sein de la population.
Les deux principaux partis de la coalition présidentielle, le FLN et le RND, ont donc "remporté" ensemble la majorité. Mais que représentent-ils réellement ? 2,6 sur les 23,2 millions de citoyens inscrits, à peine 11,2% des inscrits.
La machine à fabriquer les votes leur a attribué la majorité des sièges, respectivement 161 et 100 sièges sur les 462 en jeu. Avec le ralliement à l’alliance présidentielle des islamistes du TAJ ou des laïques du MPA de l’ultra-libéral Benyounès et de l’ANR, la force de frappe du régime sera représentée à l’APN par 300 députés. A chaque coup de sifflet, au moins 300 mains se lèveront pour adopter toutes les lois qui au nom de "la nécessité de faire face à la crise" vont s’attaquer aux conquêtes sociales des travailleurs et livrer le pays aux appétits illimités des trafiquants, des classes parasitaires, des exploiteurs, des multinationales. Des jours sombres s’annoncent pour les couches modestes.
Loi sur les retraites, flexibilité à mort du travail pour "améliorer le climat des affaires" - expression gravée sur le marbre d’une Constitution ratifiée sans consultation populaire par une Assemblée aux ordres - privatisation des richesses nationales, bradage des terres de l’Etat, encore et encore des avantages fiscaux aux nouveaux bourgeois, il faut s’attendre à une offensive en règle.
Cependant ceux qui contestent le régime du point de vue des intérêts des classes laborieuses doivent examiner avec beaucoup de finesse les divers aspects de ces législatives. Leurs résultats reflètent le mécontentement populaire. Ils consacrent le fait que le régime n’exprime pas les intérêts des classes laborieuses bien qu’il ait été contraint par leurs luttes sociales à leur faire des concessions depuis le début des années 2000.
Mais ils expriment aussi des tendances opposées à l’aspiration à l’avènement d’un régime porteur des espérances des classes populaires.
Grâce au subtil "filtrage" opéré à travers la démocratie de façade, les députés appartiennent presque tous au courant du libéralisme économique. Ils représentent les classes bourgeoises ou embourgeoisées dont l’aspiration immédiate et de tirer au maximum profit des appareils étatiques pour consolider leur domination économique et politique sur les classes populaires. Le Parti dit des travailleurs de Hanoune occupe une place particulière sur cet échiquier. Il en représente le versant réformiste. Ce n’est un secret pour personne que le PT est un pur produit des laboratoires "occultes" du régime. Les cris d’alarme répétés de celle-ci ne sont rien d’autre que des mises en garde au régime sur les dérives qui pourraient l’emporter. Objectivement, en s’échinant à le sauver des conséquences d’une explosion sociale, elle tend à "préserver les acquis économiques et politiques" non des travailleurs mais de ceux des classes bourgeoises.
Seul le monopole de la vie politique accordé par le pouvoir selon son bon plaisir aux partis qui ne le dérangent pas trop est la seule circonstance qui lui donne la possibilité de discourir de façon intarissable sur les intérêts des travailleurs.
Ce monopole explique le silence de tous les partis agréés par le pouvoir sur le caractère fondamentalement scélérat, antidémocratique de la loi sur les partis telle qu’elle fut amendée en 1997.
Côté boycotteurs, on retrouve des courants qui sont au fond pour la même politique que celle mise en œuvre par Bouteflika en faveur de la bourgeoisie et des classes parasitaires. Benflis a appelé au boycott. Partisan du libéralisme, résolu à accélérer les réformes réclamées par le Capital - flexibilisation du travail, abandon de la règle des 51/49%, liberté de circulation des capitaux pour "attirer" les investissements directs étrangers- il espère succéder à Bouteflika avec l’appui de la France et des USA.
Les mouvements obscurantistes liés au FIS dissous ont eux aussi boycotté ces législatives. De même que des mouvements séparatistes en Kabylie.
Du climat créé par les résultats de ces législatives peut sortir le pire comme le meilleur. Le pire ne pourra être écarté que par un haut niveau de conscience politique et d’organisation des classes laborieuses qui forment l’immense majorité du pays.
Kader Badreddine
Article publié dans la version papier du journal de Mai-Juin 2017