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En Tunisie, quatre ouvrières menacées de prison pour avoir monté un syndicat dans une entreprise française : solidarité !

lundi 31 mars 2014

Ce 24 mars, quatre ouvrières travaillant dans une filiale tunisienne d’un groupe aéronautique française vont connaître leur sort devant la justice tunisienne. Elles ont déjà perdu leur emploi, elles sont maintenant menacée de prison, leur délit ? : avoir monté un syndicat.

Cela fait quatre ans que ces ouvrières tunisiennes de SEA Latelec-Fouchana, une filiale du groupe français aéronautique Latécoère, se battent.

Elles se sont battues d’abord pour monter un syndicat pour gagner un salaire décent et mettre fin au despotisme ? l’usine, ensuite pour sauver leur emploi face aux manœuvres de délocalisation, enfin pour préserver leur liberté face aux poursuites judiciaires entamées par leur ancien employeur.

Monter un syndicat pour organiser la résistance

Tout a commencé en 2005. Latécoère, fournisseur notamment en câblages, fuselages (numéro un mondial dans le domaine) pour Dassault, Airbus et autres géants de l’aéronautique française, décide alors de délocaliser une partie de sa production en Tunisie, à Fouchana.

Latécoère embauche une main d’œuvre majoritairement féminine, escomptant sur la docilité des travailleuses, leur acceptation de conditions de travail et de salaires indécents.

C’est le début de l’enfer pour les ouvrières tunisiennes du site embauchées toutes en CDD renouvelable : heures de travail non-payées, harcèlement moral et sexuel, intimidations, pour un salaire ne dépassant pas les 100 € par mois.

En 2011, en pleine « révolution tunisienne » les ouvrières décident de dire Stop et ouvrent une section syndicale de l’UGTT, qui devient vite le foyer de résistance au despotisme patronal à l’usine, regroupe la grande majorité des travailleuses.

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Quand Latécoère délocalise en … France pour casser la grève en Tunisie

Une lutte âpre s’engage, où la direction emploie toutes les méthodes

– tentative de corruption de syndicalistes, menaces – avant de concéder un accord en mai 2012 répondant à la plupart des revendications : reconnaissance de congés payés, des hausses de salaire, le paiement des heures sup.

L’entreprise française révèle vite ses vraies intentions. Dès septembre, elle crée un syndicat maison pour supplanter l’UGTT, un échec. Le 20 septembre, l’entreprise lance un lock-out patronal, refusant de rouvrir l’usine à moins que les déléguées UGTT ne soient laissées à la porte.

Le conflit s’intensifie. A Fouchana, les ouvrières lancent une grève illimitée, qui va durer quatre semaines, et va constituer un front uni face aux intimidations, sous toutes leurs formes

Sous pression de son principal donneur d’ordres, Airbus, Latécoère décide alors de « rapatrier » une partie de la production à Tarbes, en France, embauchant des intérimaires en France pour briser le mouvement en Tunisie.

Les machines, stocks sont rapatriés en France, les ouvrières tunisiennes impuissantes face à la manœuvre. Le groupe fait retomber la faute de la « réduction de la production » sur les travailleuses, contre lesquelles est entamée un plan de licenciement en mars 2013.

L’effectif est réduit de moitié sur le site tunisien, le syndicat maison prend enfin le pouvoir, les meneuses du mouvement dont Sonia Jebali et Monia Dridi sont mises à la porte. Le temps de finir la manœuvre, le site français est fermé et tout le matériel rapatrié en Tunisie.

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24 mars : la menace de la prison

La direction française du site ne s’arrête pas là. Après avoir fait perdre leur emploi à Monia, Sonia et plusieurs autres camarades, elle pousse une salariée (affiliée au « syndicat maison ») de porter plainte contre quatre salariées syndiquées à l’UGTT pour « violences physiques et verbales »,

En décembre 2013, sans leur présence, le premier jugement a opté pour une peine de prison ferme de deux mois. Le 24 février dernier, la police leur a signifié leur condamnation pour « atteinte à la morale et diffamation ».

Les quatre femmes en lutte ont fait appel, le procès doit être rejugé ce 24 mars, avec une issue incertaine. Elles ont besoin de tout notre soutien.

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Pointons les responsabilités des 1300 entreprises françaises

Il est temps de faire monter la pression, temps aussi de pointer la responsabilité de nos entreprises, de l’État français dans les conditions de travail inhumaines, les salaires de misère dont sont victimes la masse de la population tunisienne, avant et après la dite « révolution » tunisienne.

Les entreprises françaises sont massivement présentes en Tunisie, elles sont 1 300, employant officiellement 130 000 salariés. En 2012, la France reste le premier investisseur en Tunisie, concurrencé par les Émirats, la Grande-Bretagne l’Allemagne ou l’Italie.

La France est également le premier partenaire commercial de la Tunisie : 30 % des exportations tunisiennes sont dirigées vers la Tunisie, 18 % des importations tunisiennes sont originaires de France.

Historiquement, les entreprises françaises sont présentes dans les services : tourisme (Accor, Club med), le secteur bancaire (BNP), la grande distribution (Casino, Carrefour), les assurances (Groupama) ou les services pétroliers (Total).

Toutefois, les entreprises opérant en Tunisies sont désormais très largement concentrées (80 %) dans l’industrie manufacturière dont la moitié dans le textile, le reste partagé équitablement entre l’électronique, la métallurgie et la chimie.

Une analyse plus fine révèle que les entreprises françaises textile en Tunisie ont délocalisé leurs branches « confection » et « bonneterie » (75 % des entreprises), tandis que l’électrique/électronique/aéronautique, le deuxième secteur d’activité, 60 % des entreprises sont dans les « cablâges » (comme Latécoère).

Le point commun entre ces deux activités sont d’être faiblement capitalistique, consommatrice en une main d’œuvre féminine peu qualifiée et très faiblement rémunérée.

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Le gouvernement français négocie des contrats en Tunisie … pour Airbus : dénonçons-le haut et fort

La Tunisie est donc une source de profits faciles pour les investisseurs français surtout avec le « Code des investissements » déjà préfiguré par Bourguiba en 1972, mis sur pied par Ben Ali, dont la réforme est aujourd’hui discutée mais sans remettre en cause les avantages pour le patronat.

Ce « code » prévoit en effet tout un ensemble de facilités pour le capital étranger : exonérations fiscales sur le rapatriement des bénéfices, baisse de droits de douane pour les industries délocalisées, cession de terrain à prix modique, enfin création de zones franches à imposition minimale ou nulle.

Et ce n’est pas près de se terminer. Le gouvernement tunisien dominé par les islamistes après 2011, avec la figure de l’islamiste libéral pro-américain Jebali, s’est déclaré favorable aux investisseurs, notamment français.

Le « gouvernement d’union nationale », technocratique, sous la coupe de l’UTICA (MEDEF local) pousse encore dans ce sens, dans les négociations avec le FMI, dans la finalisation du nouveau « Code d’investissements » consacrant la « liberté d’investissement ».

François Hollande s’est déjà rendu en Tunisie deux fois depuis neuf mois : d’abord en juillet 2013, récemment en février 2014.

La première fois, accompagné d’une cinquantaine d’hommes d’affaires, de PDG français pour signer des contrats notamment dans l’électronique. François Hollande a également négocié le redéploiement d’une partie de la dette en contrats d’investissements pour les monopoles français.

La seconde fois, il a proposé la vente de six EC275 Caracal aux forces spéciales tunisiennes, officiellement pour la lutte contre le terrorisme. Des appareils hi-tech, idoines pour le repérage en milieu hostile, les missions commandos, adaptés aussi aux forces anti-émeute.

Ce contrat de 300 millions d’euros serait bien sûr au bénéfice d’ … Airbus, le même groupe fourni par Latécoère, qui licencie nos camarades Monia, Sonia et les autres.

L’État français reste le premier actionnaire d’EADS (qui détient Airbus). Il n’est pas acceptable que la casse de l’industrie française serve à alimenter les profits privés, débouche sur des conditions de travail, salariales, d’oppression syndicale inacceptables.

Stop à l’hypocrisie aussi à gauche. Non, Louis Gallois qui a été à la tête d’EADS de 2006 à 2012 n’est pas un « patron de gauche ». Non, les contrats signés pour Dassault, Airbus ne sont pas une « bonne chose pour la France », comme certains à gauche le prétendent.

Il n’y a pas d’avenir dans les relations privilégiées avec le « corrupteur de la République » Dassault, ni dans l’insertion dans la « compétition » internationale pour la vente d’armes.

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Nous sommes solidaires avec nos camarades Mounia, Sonia et toutes les autres. Solidaires avec la campagne menée notamment par la CGT Airbus, Latécoère pour faire connaître leur sort, et le lier au sort vécu par les ouvrier(e)s français(e)s.

Solidarité avec nos camarades tunisiennes, la lutte se mène aussi en France !


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