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Grâce au sang-froid et au courage d’un cheminot.
mardi 11 mai 2010, par
Abdelkader -appelons-le ainsi- fait partie de ces héros anonymes grâce ? qui les trains ne s’arrêtèrent pas de rouler durant la décennie noire, malgré les sabotages et les assassinats perpétrés par les terroristes. Comme beaucoup de ses camarades, il mérite d’être cité pour son courage et son sang-froid exemplaires, cette terrible nuit de juillet 1994.
Il conduisait vers une gare de l’est du pays un train composé de 18 wagons-citernes pleins d’essence. L’insécurité régnant ? la tombée de la nuit, il fit une halte ? la gare de Thénia avant de repartir au lever du jour. Il se repose dans un local donnant sur la voie en compagnie d’un autre agent des chemins de fer.
Il est brutalement réveillé au milieu de la nuit par de violents tirs. Un groupe de terroristes venait de lancer une attaque contre la gare avec l’intention de l’incendier. Il réussit ? mettre le feu aux deux derniers wagon-citernes malgré la riposte des policiers qui tiennent un poste fortifié aux abords de la gare. De la fenêtre du local, Abdelkader réalise sur le champ que la situation est grave. C’est tout un quartier de la ville qui sera dévasté par l’explosion et les flammes si le feu se communique ? tout le train.
Il ne se donne pas le temps de réfléchir. Ce qui le préoccupe instinctivement c’est la catastrophe qui emportera la gare et les immeubles voisins s’il ne fait rien. Torse nu, il s’extrait ? toute vitesse de son lit de fortune. Il court vers les wagons qui commençaient ? prendre feu afin de les désatteler pour sauver le reste du convoi et réduire les risques d’explosion. Il en oublie le risque de perdre la vie. Heureusement que son compagnon a eu le réflexe d’appeler les policiers pour leur demander de ne pas le confondre avec les assaillants et de le couvrir de leurs tirs pour les neutraliser. Malgré les tirs des terroristes, Abdelkader réussit la manœuvre. Puis il repart en courant ? en perdre le souffle vers la locomotive pour dégager le train. Il ne sait plus comment il avait fait pour remettre en un temps record le moteur en marche. Il se rappelle seulement qu’il a foncé dans l’obscurité de la nuit, laissant derrière lui des terroristes dépités. Il venait de sauver le train et la ville.
Abdelkader emmène le train vers sa destination. Le chargement d’essence arrive ? bon port. Mais la peur et la terreur qui se sont répandues en cette année 1994 ont aiguisé le sixième sens et la vigilance chez les citoyens. Il est persuadé que dans leur rage d’avoir raté leur coup, les terroristes vont chercher ? identifier celui qui les a empêchés d’accomplir leur sale coup. Ils ont des complices qui les renseigneront. Au retour, il est sûr qu’ils lui tendront un guet-apens mortel. Il s’efforce de deviner leur plan. Il se dit que la voie sera sûrement sabotée ? un endroit où le train devra ralentir. C’est ce qui se produit effectivement. Le bruit de l’explosion qui retentit derrière la locomotive et fait vibrer tout le train ne le surprend pas. Par chance ce sont les wagons vides qui sont touchés et le train n’a pas déraillé. Du haut de la colline que la voie ferrée traverse, il aperçoit plus bas la silhouette des tueurs qui s’étaient préparés à le capturer vivant pour le soumettre à d’affreuses tortures et mutilations avant de l’exécuter pour l’exemple. Il a encore assez de présence d’esprit pour détacher les wagons et repartir. Allégée, la locomotive bondit.
Abdelkader a échappé aux tueurs et sauvé en même temps la locomotive qui « coûte très cher » comme il le dira plus tard. Il n’oubliera jamais cette nuit qui a failli tourner au cauchemar. Chaque détail est gravé dans sa mémoire.
Il n’y a pas un seul conducteur ou convoyeur de train qui n’a pas vécu à sa manière des moments intenses et héroïques à la fois. Ils ont contribué à mettre en échec le fascisme. Les autorités ne leur ont pas été reconnaissantes.
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Nadir
in Alger républicain de décembre 2007