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Hamid Kechad : l’homme qui n’avait pas d’étoile
dimanche 8 janvier 2012
Le troisième jour de la nouvelle année célébrera le 3e anniversaire de la disparition de Hamid Kechad, qui aura conquis, longuement, les cœurs des auditeurs de la chaîne III de la radio nationale par les émissions : « Contact- Gal ou Gal- N’Dir kima ydir fel elb’har el aouam ». Mériem, ta fille que tu as bercée avec « Doud’ha ya Doud’ha », est une belle jeune fille actuellement, elle est à l’université comme tu l’aurais souhaité. Lamine, ton fils aîné, graine de son père fait ses premiers pas dans la radiophonie. Tu ne lui as légué que ce fil d’Ariane pour s’orienter dans ce sanctuaire mystique que tu as épousé, comme on le fait pour un Ordre.
Connu par les « persécutions » administratives que tu as toujours subies en silence, tu as choisi ce même mode d’expression pour partir définitivement, laissant aux autres l’avantage de t’avoir côtoyé. Atypique, tu ne répondais à aucune définition jusque là usitée pour faire connaître les personnages. Iconoclaste, tu bousculais le traditionnel, pour paradoxalement, t’en nourrir. Éclectique, tu ne faisais valoir aucun savoir auprès des humbles. Au lendemain de ta disparition, le meilleur des hommages qu’on ait pu te faire et tu t’en moques je le suppose, ce sont les profuses déclarations des confrères et des amis. Aziz Smati, Mohamed Ali Allilou, Sid Ahmed Sémiane (SAS), Aziz Farès, Abdelkrim Djillali, Ahmed Anser, t’ont, tous, fait un clin d’œil complice. La caricature de « HIC », te montrant ailé et montant vers le ciel avec cette bulle : « Enfin ! Je vole de mes propres ailes » est probablement, l’hommage que tu aurais le mieux apprécié. Véridiques et sincères, ces témoignages n’ont fait que rétablir dans ses droits, l’homme qui aura passé, sa vie durant, à dénoncer l’injustice et combattre le déni. Notre première rencontre avait eu lieu en 1970 dans cette contrée présaharienne écrasée, par la fournaise du mois d’août. Tu n’avais encore que 14 ans à peine ; tu quittais Douaouda, ton village natal, pour la première fois pour aller si loin. Tu y subissais ton « baptême de feu ». L’atmosphère de la cérémonie de mariage, ce jour là, empestait la poudre des fusils qu’on faisait tonner dans un nuage de poussière. Tu découvrais, subitement et sans mentor, une autre facette de ta culture ancestrale occultée, pendant longtemps, par le fait colonial. Tu disais plus tard et à l’âge de raison, que tu as subi en ces moments là, une véritable immersion dans le cérémonial culturel du terroir. Et la lumière fut ! Subjugué par la transparence du ciel, l’ocre des couleurs, la singularité des sonorités et des senteurs, tu tombais sous le charme des lieux. Et c’est probablement en cette occasion que naissait en toi, le troubadour des élégies bédouines.
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D’abord insolite par ta tenue toute simple de Diogène moderne : vareuse décolorée, keffieh autour du cou, pull sombre, pantalon bleu de toile sans pli, godillots lustrés et l’imparable couffin en raphia en guise de fourre tout, tu étais singulier. Attachant par ton regard pétillant d’intelligence et le timbre de ta voix chaude et feutrée, tu mettais du piment dans cette sauce fade de la vie. Boute-en-train, tes réparties pouvaient être cinglantes. En mettant tous tes sens à contribution pour apprécier le beau, compatir du malheur des autres et sublimer le vrai, tu ne faisais pas moins, preuve d’acte de dévotion envers celui qui t’en a doté. Non conformiste, tu violais les tabous en bousculant les convenances par le verbe pour te faire mettre sur le ban de l’Institution.
Tes premières amours avec la plume auront lieu au journal « l’Unité » de l’UNJA ; tu t’attacheras d’amitié avec Djillali Krimo et les T34. Tu pianotais sur un vieil harmonium abandonné dans la maison coloniale que ton père, Si Mohamed, artisan-ferronnier d’art, occupa à l’indépendance et plus tard sur la guitare que tu abandonnas vite. Il est vrai, qu’à cette époque tu frayais encore avec Dylan et Ferrat. Tu revenais à tes racines pour te consacrer à la recherche dans le domaine musical. La chaîne III te doit la célèbre émission de « Gal ou Gal » où tu violentais les us linguistiques en permettant aux invités de s’exprimer en dialectal. C’est ainsi que l’émission mythique, intronisa des noms jusque là méconnus du jeune public : Meskoud, Doumaz, Kobbi, Bourdib, Djaafri furent ses plus prestigieux invités. Tu réussiras la prouesse de faire parler dans une interview de 1987, Amar Zahi, un des bouddhas du Chaabi. Après le registre de la chanson citadine, tu t’essaies au genre bédouin. Djillali Ain Tadlès et autres chantres des « Haouch » (domaines agricoles) n’échapperont pas aux écoutilles de ton « Nagra » que tu portais en bandoulière. Les maîtres de la strophe poétique, tels El Khaldi, Lakhdar (Lakhal) Benklouf, El Alaoui ou encore Nador n’avaient aucun secret pour toi. T’attirant beaucoup de sympathie, tu te faisais affectueusement appeler : « Abdelhamid » par un autre monstre sacré de la composition, Mohamed El Badji. Tu te faisais virer, deux ou trois fois, de la chaîne III pour incompatibilité d’humeur ou pour crime « de lèse majesté ». Ta traversée du désert trouvera des moments de répit dans les oasis d’ « Alger Rep » et du « le Matin » où tu y commettras : « La paix des cimetières ».
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Hamid n’aura pas eu de statut ni de reporter, ni de journaliste radiophonique mais, aura conquis des territoires immenses dans les cœurs de petites gens des Zibans, du Hodna ou du Gourara-Tidikelt où il aimait y aller, pour dénicher des trésors de vocali se ou de rime bédouine. Il est, probablement, le premier prospecteur du genre complaintif « Ahellil » après Mouloud Mammeri, dans le Sud-Ouest du pays. L’imzad, cet instrument monocorde archaïque et la voix syncopée de Badi Lala cantatrice de l’Haggar, désormais dépoussiérés, investirons les espaces culturels universels. Les fidèles auditeurs de son émission hebdomadaire du mardi soir « Ki ma idir fel b’har el aouaam »( Comme fait le nageur dans les vagues), ne l’écouterons plus en direct, le fil de la vie s’est coupé. Les turbulences que connaîtra le pays, ne le laisseront pas indifférent, il veillera de longues nuits avec les Patriotes de Haouch Grau dans la Mitidja. Les survivants d’entre eux, ont tenu à accompagner sa dépouille mortelle jusqu’à son ultime demeure. Il repose à présent dans un coin d’ombre dans le cimetière de Koléa juste à l’entrée de la ville.
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Farouk Zahi
29 décembre 2011