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Hommage à Abdelkader Alloula

lundi 10 mars 2014, par Alger républicain

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Il y a 20 ans, le 10 mars 1994, le grand dramaturge Abdelkader Alloula était victime d’un tueur fanatisé par les propagandistes d’une vision réactionnaire de l’Islam.
C’était un soir de ramadan après le f’tour. Alloula se rendait au Théâtre régional d’Oran pour achever l’adaptation au théâtre de Tartuffe de Molière.

Il décèdera le 14 mars à l’hôpital du Val-de-Grace à Paris.

Il a mené une vie d’artiste engagé et produit une œuvre de haut niveau dans laquelle les travailleurs et le peuple de condition modeste occupent la place centrale.

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Depuis qu’il avait commencé la pratique du théâtre, son souci était d’exprimer dans le langage rigoureux de l’art, les aspirations des travailleurs en un monde débarrassé des injustices, de l’arbitraire et de la bêtise. Ses pièces avaient fait progresser de façon magistrale la langue arabe parlée. Alloula a puisé à pleines mains dans le patrimoine national culturel. Il avait ainsi réussi à porter cette langue à un niveau élevé de précision, de clarté et de simplicité. Il en a fait une magnifique langue de combat pour affronter les privilégiés, les défenseurs d’un ordre social révolu et les tenants d’une vision rétrograde. Son art a atteint son point culminant dans les commentaires d’accompagnement du film Ô combien je vous aime de Azeddine Meddour, un chef d’oeuvre dans lequel les deux amis ont combiné image et langage dans une synthèse restée inégalée à nos jours.

Ce film avait mis en rage les colonialistes français et leurs collaborateurs internes qui, après les protestations officielles du gouvernement français, ordonnèrent à la TV algérienne de ne plus jamais le rediffuser. Le film valut aussi au regretté Meddour d’être interdit de visa en France.

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La démarche de Alloula a créé un mouvement de profond renouveau dans le théâtre algérien qui cherchait à faire sa jonction avec les masses populaires pour fustiger les arrivistes, les corrompus, les exploiteurs, les fonctionnaires imbus de leur autorité. Le théâtre de Alloula à inspiré de nombreux artistes dans leur quête pour contribuer à bâtir un monde nouveau. On n’oubliera jamais que si Alloula a pu forger un théâtre de combat, son travail doit beaucoup à l’aide de son grand ami et camarade M’hammed Djellid, terrassé par la maladie en décembre 1990. M’hammed Djellid, auquel il faut rendre hommage aussi, se faisait tantôt docker, tantôt travailleur des services de nettoyage de la Ville d’Oran, mais toujours en plein combat sans concession soit contre le Wali de la région, un féodal qui ne cachait pas son mépris pour les travailleurs, soit contre un petit cheffaillon. Alloula puisait dans l’expérience de son ami, lui-même pétri de culture théâtrale encyclopédique, les matériaux qui allaient former la substance vivante de son œuvre.

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Les pièces remarquables dont le peuple algérien s’est nourri, ont contribué à sa prise de conscience de l’essence des nouvelles réalités sociales post-coloniales, à renforcer ses exigences, à aimer l’art et à respecter le travail des hommes de théâtre. Elles ont contribué à son éducation. Ce n’est pas par hasard que la réaction obscurantiste, exécutant les ordres des manipulateurs effrayés par le refus du peuple de se résigner à un ordre social injuste, s’est attaquée aux hommes de culture qui manifestaient leur refus de monter des pièces de boulevard et de divertissement superficiel selon les canons de l’art bourgeois. Ces hommes de culture véritables s’étaient investis corps et âme dans la création d’un art au service du peuple, des opprimés, de ceux que méprisaient les candidats à l’accès au rang de nouveaux bourgeois prenant le relais des colons vaincus par la lutte du peuple algérien pour sa libération. Azeddine Medjoubi dont l’art s’inscrivait dans celui créé par Alloula fut à son tour assassiné, un an après dans le quartier du théâtre national d’Alger. Les commanditaires de ces meurtres voulaient faire taire à jamais les artistes ou les obliger à s’exiler.

Etrange coïncidence, cette opération de liquidation physique était menée en même temps que, sur le plan économique et social, les acquis économiques et sociaux de l’édification nationale étaient dans la ligne de mire de ceux qui dans le pouvoir ou hors de lui, avaient décidé de tourner la page de l’orientation socialiste et de mettre le cap sur l’enrichissement à ciel ouvert des nouveaux bourgeois.

Alloula créa : Les captifs de Plaute, Numance de Cervantès (1968), Homq Salim (Folie Salutaire) adaptation du Journal d’un fou de Gogol. La trilogie Les Généreux constituée de Lagoual (Les Dires, 1980), El Ajouad (Les Généreux, 1985) et El lithem (Le voile, 1989).

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Ettefah (Les Pommes) verra le jour en 1992. Il adpatera aussi la pièce Arlequin, valet des deux maitres de Carlos Goldoni en 1993 et il était en train d’achever l’adaptation de Tartuffe de Molière lorsqu’il fut assassiné.

Il contribua à renforcer la mission du théâtre populaire en organisant de nombreux débats à l’occasion de ses représentations. Il a su également ouvrir le théâtre aux troupes d’amateurs afin qu’elles puissent y travailler et s’exprimer.

Il participera également à la télévision, par des scénari (Djalti de Mohamed Ifticène), des adaptations de nombreuses pièces de théâtre et des commentaires de films, tel Bouziane de Belkacem Hadjadj, ou de documentaires comme celui déjà cité Ô combien je vous aime.

Diplômé de la Sorbonne, Alloula fut Directeur du Théâtre Régional d’Oran (TRO) de 1972 à 1975, puis Directeur du Théâtre National Algérien en 1975, avant d’être évincé de ses fonctions par un certain Taleb-Ibrahimi, ministre de la Culture, vindicatif à l’égard des hommes de progrès, au nom de sa conception réactionnaire de la pseudo "authenticité" qui lui faisait préférer les pièces importées du Liban dont le petit peuple était totalement absent, sans doute parce que, selon ses critères aristocratiques, il n’était pas assez "authentique" .

Abdelkader Alloula était communiste, membre actif au Parti de l’Avant Garde Socialiste (PAGS). Il a combattu ceux qui ont liquidé le PAGS et il a participé au travail pour relancer un mouvement fidèle au communisme dont il s’est revendiqué jusqu’à son dernier souffle.

L’Algérie du petit peuple peut être fière de Alloula et de l’héritage qu’il a légué à tous ceux, dans les nouvelles générations, qui poursuivent son combat.

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Mohand Izem

10.03.14