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Les mesures prises par le gouvernement Loin des exigences de la situation et de l’indignation populaire
mardi 11 janvier 2011
Après les graves émeutes qui ont secoué pendant plusieurs jours le pays le pouvoir a réagi enfin. Un conseil interministériel (du 8 janvier 2011), agissant au nom du gouvernement a, avec l’accord du chef de l’ l’État, arrêté les mesures suivantes (du 1er janvier au 31 août) :
- suspension des droits de douane (de 5%) à l’importation et de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée de 17%) sur le sucre roux et les matières de base entrant dans la fabrication des huiles alimentaires ;
- exonération de l’IBS (impôt sur les bénéfices des sociétés de 19% pour les activités de production et 25% pour les activités de distribution).
Soit un total des charges de 41% en déduction des prix de revient qui doit être répercuté, en urgence, sur les prix de vente aux consommateurs.
- le gouvernement définira, avec les opérateurs concernés un système de stabilisation permanente des prix du sucre et des huiles alimentaires, pour faire face à l’avenir et de façon durable à toute fluctuation des cours sur le marché international ;
- exonération temporaire exceptionnelle des droits de douane et de TVA exigibles à l’importation du sucre blanc, en vue de mettre un terme à la situation de quasi monopole sur le marché local du sucre blanc.
En outre les grossistes sont informés qu’ils n’ont nullement à présenter au producteur de sucre ou d’huile alimentaire ni une documentation nouvelle ni à procéder au règlement de leurs commandes par chèque, cette dernière mesure ne devenant obligatoire qu’à la fin du mois de mars prochain.
Enfin le gouvernement pour contenir la spéculation apparue sur la farine informe que le quota de blé tendre fourni à chaque minoterie est porté de 50% à 60% de leur capacité de trituration.
Il n y a pas que l’huile et le sucre qui créent les émeutes
1 - Les mesures prises par le gouvernement dans l’urgence et la précipitation démontrent que le pouvoir a été pris de court par les émeutes et leur ampleur. Le pouvoir tente de faire croire que la protestation des jeunes a seulement pour origine la flambée des prix de l’huile et le sucre. Alors qu’en réalité ce sont presque tous les prix des produits alimentaires qui s’envolent depuis des mois et des mois sans réaction notable des pouvoirs publics. Il y a une baisse sans précèdent du pouvoir d’achat des couches les plus démunies. L’envolée des prix du sucre et du l’huile n’a été que la goutte qui a fait déborder le vase qui a fait déborder à son tour le « ras-le- bol » !
2 - La crise n’est seulement celle des produits alimentaires, mais celle des produits et services de première nécessité comme les médicaments et les services de santé, l’eau, l’électricité et le gaz, les loyers, les articles scolaires, les vêtements, les transports …
3 - La crise est économique et sociale : le chômage s’aggrave de jour en jour, surtout pour les jeunes, alors que le pouvoir veut faire croire qu’il est en recul, le logement est de plus en plus inaccessible pour une grande partie de la population et les jeunes sans emploi n’ont aucune chance d’en décrocher un pour pouvoir se marier un jour !
4 - La crise profonde débouche sur le désespoir, la drogue, le suicide, la harga ou suicide dans l’eau, alors que d’autres jeunes s’immolent par le feu : résultats de la hogra, des passe droit, de l’injustice, de l’arbitraire et de la corruption, des inégalités sociales insoutenables, des enrichissements sans travail et le luxe insultant affiché par les nantis, les grands scandales révèles quotidiennement …
5 - Comment s’étonner alors qu’un jour cette colère gagne la rue, qu’il y ait de la casse et des destructions. Aucun Algérien sensé n’est pour la casse. Mais pourquoi les jeunes cassent lors des émeutes, car ce ne sont pas de simples manifestations auxquelles on assiste ? Les jeunes qui sont sortis dans la rue ces derniers jours sont le pur produit des résultats des trois mandats présidentiels, de l’échec scolaire, des diplômés au chômage, des hitistes , des désespérés. De plus comment voulez-vous qu’ils apprennent à manifester pacifiquement de manière organisée avec slogans étudiés, des pancartes, un service d’ordre qui empêche les débordements et l’entrée des casseurs et des pillards ? Les manifestations sont interdites depuis près de 20 ans dans le pays (pour les jeunes comme pour leurs aînés), alors que les associations sociales, culturelles et politiques sont tenues en laisse. Il est loin le temps ou les jeunes avaient leurs organisations de jeunes ; de lycéens, d’étudiants et se battaient pour leurs droits tout en lançant le magnifique mouvement de volontariat !
6 - Ce que nous voyons aujourd’hui est la destruction de la cohésion sociale, avec la politique néolibérale sauvage, la destruction du secteur économique d’État, le désinvestissement et la casse de l’industrie nationale …
Quand on analyse les dernières mesures annoncées le 8 janvier par le gouvernement on remarque certaines choses très édifiantes, avec des relents de contenu de classe qu’on ne peut cacher : ainsi les matières premières pour fabriquer des produits alimentaires de première nécessité sont grevées de 41% de droits et taxes supportes par le citoyen, comme s’il s’agissait de produits de luxe !
Le gouvernement a supprimé l’IBS, impôts sur les bénéfices des sociétés alors que les patrons n’ont rien demandé à ce sujet ! Quel cadeau ! Peut-il faire la même chose pour l’IRG des salariés et des retraités ? Bien sûr, il ne faudrait pas rêver !
Le recul devant les barons
Le gouvernement a reculé devant les détenteurs du monopole et de l’informel qui ont provoqué la crise sur l’huile et le sucre et qui continuent de dominer l’importation, la production et la distribution de gros. De simples mesures administratives pour la facturation des transactions et le paiement par chèque à partir de 500 000 dinars ont bouleversé le marché. Les barons de l’informel, les rois de la « chkara », ceux qui engrangent l’argent par sacs poubelles entiers viennent de mordre la main qui les nourrit. Ils émergent en tant que force politique …
Le porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) est clair ? ce propos : « surseoir aux nouvelles conditions imposées en début d’année aux marchands de gros, dans le cadre des transactions commerciales, c’est continuer ? encourager le maintien du flou sur les revenus de certains opérateurs et l’absence de contrôle du mouvement des devises avec tous les risques que cela comporte pour l’économie nationale » (El watan du 9 janvier).
Puis il ira droit au but « pour les prix, le meilleur moyen de les maîtriser c’est de limiter la marge bénéficiaire au début de la chaîne, c’est-à-dire au niveau de la production et à l’importation, puis au niveau des grossistes,comme nous l’avons toujours revendiqué »
Combien gagne Cevital par litre d’huile et kg de sucre ? Question simple qui demande une réponse simple.
L’amère vérité est que le citoyen est le dindon de la farce : 41% de taxes et combien de marges bénéficiaires cumulées dans la chaîne qui fait du sucre et l’huile de super produits de luxe ?
Rédouane Mimouni
10.01.11