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Sabordage criminel du transport maritime national*
samedi 8 juin 2013
La libéralisation de l’économie a attisé les convoitises. Avec la complicité des gens du régime aux niveaux les plus élevés la casse de l’économie a atteint des proportions inimaginables. A croire que des anti-nationaux ont été placés à la tête des secteurs les plus stratégiques du pays pour le mettre à genoux et effacer avec hargne tout ce qui avait été construit depuis l’indépendance.
On lira dans deux articles récents de Salima Tlemçani la description d’un exemple concret du sabotage du pays.
Alger républicain reprend intégralement ces deux articles dans l’espoir que l’oeuvre destructrice de la 5ème colonne soit arrêtée.
Bradage d’un secteur névralgique. La lente agonie du transport maritime.
Article de Salima Tlemçani publié dans El Watan du 4 juin 20013.
Après les difficultés de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN) obligée présentement d’affréter des navires au prix fort pour se maintenir en vie, c’est au tour de l’Entreprise de réparation navale (Erenav) de faire l’objet d’une gestion douteuse.
Le secteur maritime traverse une grave crise, en raison d’une gestion très controversée des différentes entités nationales qui constituaient les fleurons du transport maritime de marchandises, mais également de la réparation de la flotte. Lors d’une assemblée générale du conseil d’administration, tenue le 25 mai dernier, en absence du PDG, faisant état du recours au gré à gré dans l’octroi du marché de développement de l’Erenav, à un chantier italien, pour un montant de 24 milliards de dinars. Pourtant quelques années plus tôt, des discussions très avancées ont eu lieu entre l’entreprise et des chantiers spécialisés, notamment allemands, dont des représentants ont séjourné plus de quatre mois en Algérie, pour passer au peigne fin les points forts et faibles de l’Erenav et de se projeter dans une formule de partenariat qui l’aiderait à reprendre sa place de leader en matière de construction navale.
A la surprise générale, la Société de gestion des portefeuilles de l’Etat (SGP) Gestramar, qui détient le portefeuille de l’Erenav, a décidé tout simplement d’octroyer le marché aux Italiens suscitant de lourdes interrogations et des inquiétudes, d’autant que l’entreprise traverse depuis quelques mois ses moments les plus difficiles, après avoir connu une période de relance d’activité. En effet, selon certains de ses cadres, « l’Erenav était sur le point de reprendre sa place sur le marché national, eu égard aux énormes progrès réalisés par une équipe de jeunes managers pour la faire sortir de la mise en faillite dans laquelle elle était en 2002. Il est important de signaler que le redressement de son développement a été réalisé en autofinancement sur fonds propres, sans aucun crédit bancaire et sans aucune aide de l’Etat (…). Des progrès qui ont été compromis par les décisions surprenantes de mise de fin de fonctions du PDG et de son adjoint, qui ont eu pour conséquence le départ de plusieurs autres cadres dirigeants, privant l’entreprise de sa matière grise.
Depuis le début de l’année en cours, l’entreprise connaît une véritable chute libre ». Selon nos sources, l’ancien PDG a été relevé de ses fonctions « alors que son bilan était positif ». Certains de nos interlocuteurs n’hésitent pas à faire le parallèle avec la démission de l’ancien président de Gestramar, M. Regainia, en raison des lourdes pressions qu’il subissait de la part de sa hiérarchie lors de la gestion du contentieux avec le Saoudien Ghait Pharaon, qui avait obtenu en 2009 la filiale IBC de la CNAN, avec ses neuf navires. Avec quelques avocats et l’ancienne PDG de CNAN Group, le président de Gestramar, aidé par M. Aouabed, un des meilleurs cadres du secteur, avait réussi à gagner le procès intenté par Pharaon auprès du tribunal maritime de Londres pour obliger CNAN-Nord à payer des factures suspectes. Mais contre toute attente, dès la démission de Regainia, sa remplaçante a licencié M. Aouabed, dont elle connaissait les compétences, puis mis fin aux fonctions de la présidente de CNAN-Group.
M. Aouabed sera rapidement repris par le PDG de l’Erenav, eu égard à ses capacités professionnelles. La décision n’a pas été sans réaction. Quelque temps plus tard, le PDG de l’Erenav a été remercié avant que M. Aouabed, dont le seul crime est d’avoir été un élément-clé dans le dossier d’arbitrage contre Pharaon, ne subisse le même sort. Durant cette même période, CNAN Group est déboutée de la manière la plus contestable par la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris, saisie par Pharaon.
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Des navires vendus à des prix dérisoires
La facilité avec laquelle ce dernier a gagné son procès laisse croire que quelque part, en Algérie, il y avait une volonté de l’aider. Parallèlement, CNAN-Nord, la seule filiale avec un portefeuille étatique, connaît elle aussi un désastre. Juste après le passage de l’Inspection générale des finances (IGF) en 2012, dont le rapport a fait état de graves anomalies de gestion, le tout nouveau PDG avait lancé une opération de remise en route de la filiale dotée de quatre navires. Il exige un audit plus approfondi et met en place des mécanismes de contrôle, notamment des recettes à l’étranger, dont une grande partie a été recouverte. Ses actions vont être renforcées avec la recapitalisation de la filiale, d’un montant d’un milliard de dinars. Bizarrement, il connaîtra le même sort que celui des dirigeants de l’Erenav et de CNAN Group. Sans aucun grief professionnel et sans aucun bilan, le PDG est remercié. Depuis son départ, la situation va de mal en pis.
Le Conseil de participation de l’Etat (CPE) a décidé de mettre en cession ses quatre navires alors qu’ils pouvaient être rénovés par l’Erenav, et continuer à naviguer. Mieux, la filiale a déjà puisé 50% de l’enveloppe de capitalisation pour affréter des navires à des prix assez élevés. L’Enita, qui est un navire connu pour sa consommation assez importante de combustible, a été affrété pour une durée de 3 mois, à raison de 6300 euros par jour. Le hic dans cette opération, c’est qu’il n’a pas été remis au port de débarquement comme le stipule la charte partie, mais plutôt à celui d’embarquement, à Anvers, avec tous les frais que cela suppose. L’ardoise laissée par ce navire est colossale.
Mais la filiale a entrepris une autre opération d’affrètement pour une période de trois mois, du navire Skalva pour un montant de 4950 euros par jour, auprès du même courtier, auprès duquel l’Enita a été affrété. Français d’origine, ce dernier (courtier) rafle la majorité des opérations d’affrètement de CNAN-Nord et du CNAN Group. Il faut signaler que le Skalva a le même âge que les navires de CNAN-Nord ayant fait l’objet d’une résolution de cession adoptée par le CPE sur la base d’un rapport élaboré par Gestramar. Tout le monde sait également que parmi les nombreux navires de la CNAN, ayant été vendus à des prix dérisoires en raison, dit-on, de leur âge, continuent à sillonner les mers et les océans sans aucun problème.
Comment peut-on expliquer cette logique qui veut que l’on enterre le pavillon national et la mise chômage des compétences formées au prix fort pour confier un secteur aussi névralgique que le transport maritime de marchandises à des étrangers ? Il est désolant de constater qu’après avoir pris part aux 46 éditions de la Foire internationale d’Alger, la CNAN a marqué son absence cette année des stands de la Safex. Elle a été remplacée par la filiale CNAN-Med, détenue majoritairement par un Italien. Une piètre image pour ce fleuron du transport maritime.-
*Le titre est de la rédaction d’Alger républicain.
Impliqué dans une fraude financière internationale
Le Saoudien Ghait Pharaon accapare des navires de la CNAN et réclame 17 millions de dollars
Salima Tlemçani, El Watan 19 mai 2013.
Le Saoudien Ghait Rashad Pharaon accapare 9 navires qu’il exploite dans le cadre d’une joint-venture entre son groupe et IBC, filiale de la CNAN. Il vient de gagner son procès contre la compagnie, l’obligeant à payer des factures suspectes d’un montant de 17 millions de dollars. Ses soutiens au plus haut niveau de l’Etat lui ont permis d’écarter tous les cadres ayant gêné ses intérêts.
Après avoir réussi à faire limoger les cadres les plus gênants dans son action d’accaparer la flotte du groupe CNAN, Ghait Rashad Pharaon, acquéreur de 49% des actions d’IBC, filiale de CNAN Group, vient d’avoir gain de cause dans sa plainte déposée contre la compagnie maritime, pour le paiement de nombreuses factures « suspectes » d’un montant global de 3,4 millions de dollars. Après plusieurs reports, la Chambre du commerce international (CCI) de Paris a prononcé sa décision il y a deux semaines. Une décision qui fait tache d’huile dans le milieu de l’arbitrage.
En effet, Brahim Fardallah, l’arbitre choisi par Ghait Pharaon, a violé l’« obligation de déclarer tout lien avec l’une ou l’autre partie en conflit », comme le stipule la charte de l’institution commerciale. Il a tout simplement évité de révéler le fait qu’il habite dans le même immeuble et au même palier que Ghait Rashad, dans le 8e arrondissement, à Paris (France). Une faute qui aurait donné une autre tournure au procès. Fort de la décision, Pharaon pourra désormais accaparer non seulement les trois navires, le Nedroma et le Nememcha, après qu’il ait vendu le MV Blida. En fait, ce conflit oppose CNAN Group et Pharaon depuis 2010, lorsque l’ancienne directrice générale de CNAN Group, Mme Younès, avait bloqué le virement des montants de factures suspectes relatives à la réparation des trois navires qu’il avait en charge dans le cadre d’un partenariat signé en 2007.
En fait, Pharaon est entré dans le capital d’IBC (filiale de la CNAN) pour exploiter sa flotte de 8 navires, en mettant 9 millions de dollars. Il a également prêté une somme de 5 millions de dollars à IBC, dont le remboursement, selon le contrat de cession, devait se faire sur une période de cinq ans (un million de dollars par an), avec le produit de l’affrètement de la flotte. Dès la signature de cette joint-venture, l’exploitation des huit navires a été cédée par Pharaon à Leadarrow, une société créée aux îles Caïmans, avec un capital de 1000 dollars, par deux cadres dirigeants de CTI Group, dont il est propriétaire. Quelque temps plus tard, de nombreuses factures émanant des chantiers de réparation roumain et grec ont commencé à pleuvoir au niveau de la CNAN. Evaluées initialement à 3 millions de dollars, celles-ci vont grimper crescendo jusqu’à atteindre 17 millions de dollars. De quoi acheter une nouvelle flotte. Parallèlement, le reste des navires rapporte à Ghait des dizaines de millions de dollars.
En 2009, Mme Younès a exigé à CTI Group les factures des réparations effectuées avant tout virement au profit de Leadarrow. Aucune réponse ne lui est parvenue. Mieux, Pharaon menace de recourir aux instances d’arbitrage international d’autant qu’après avoir payé 4 millions de dollars, la CNAN prend la décision de bloquer les paiements jusqu’à ce que les factures détaillées des réparations lui soient fournies. Face à cette mesure, Leadarrow saisit le tribunal maritime de Londres. Après 16 mois de batailles juridiques, CNAN Group obtient gain de cause. Le tribunal décide que Leadarrow n’a pas à payer les réparations des navires, qu’IBC Cnan n’a pas à rembourser les frais de Leadarrow, et que cette dernière ne peut prétendre à une compensation entre ce qu’elle doit payer comme réparation et comme revenu à IBC.
En clair, le tribunal spécialisé de Londres a débouté Pharaon à travers une décision définitive, non sujette à recours. Un verdict qui devait renforcer la position de CNAN Group devant la CCI de Paris, saisie parallèlement par l’homme d’affaires saoudien et qui est prévue dans le contrat de cession entre CNAN Group et CTI. Depuis, Mme Younès a subi d’énormes pressions pour abandonner la procédure de Londres, puis de Paris, avant qu’il ne soit mis fin à ses fonctions. Son départ n’avait d’autre objectif que de saborder la décision du tribunal de Londres et de mettre fin définitivement à toute action qui aurait pu exiger de Pharaon le paiement du fret des navires, de leur maintenance, des salaires des marins et de leurs indemnités. Mme Younès s’est attaquée à un homme au bras long et aux protecteurs multiples.
L’exemple le plus troublant vient d’un des dirigeants d’IBC qui, dans un courrier (dont nous détenons une copie), écrit : « Hier, ce n’était pas la police, ni la gendarmerie qui m’a convoqué mais ce sont les services de sécurité intérieure et extérieure. Ils voulaient tout savoir sur Leadarrow, les charges parties signées avant le contrat de cession, sur la vente des trois Djbel. Ils m’ont gardée jusqu’à 11h du soir. J’ai répondu comme il se doit et j’ai promis de leur donner tous les documents comme preuve dimanche prochain à 10h. Mes boîtes e-mail sont hackées et le téléphone sur écoute. C’est confirmé pour la banque, j’ai rendez-vous à 13h avec M. A., je t’appellerai de chez lui. » Par ailleurs, comment expliquer toutes ces mesures de limogeage ayant ciblé de nombreux cadres qui ont osé défendre les intérêts de la CNAN ?
C’est le cas du président de Gestramar, M. Regainia, qui avait appuyé Mme Younès dans son œuvre de défense des biens de la compagnie, auquel il a été mis fin à ses fonctions, au même titre que son adjoint, surnommé le « Bulldozer » en raison de son abnégation et son amour pour le travail. En raison de ses capacités professionnelles dans le domaine maritime, ce cadre a été repêché par le directeur général de l’Entreprise nationale de réparation navale (Erenav), au moment où l’entreprise commençait à renaître de ses cendres. Quelques mois plus tard, il a fait l’objet d’un licenciement et son PDG s’est vu notifier une mise de fin de fonction.
Ces sanctions n’ont d’autre objectif que de stopper toute action pouvant gêner les intérêts de Ghait Pharaon, un homme bien protégé, cité en 2008 dans une affaire de fraude financière internationale impliquant la Banque de crédit et de commerce internationale (BCCI), pour laquelle il était recherché par Interpol et le FBI. Comment un tel homme peut-il encore bénéficier de privilèges, alors qu’il a désarmé et abandonné l’ensemble de la flotte qui lui a été confiée à Djbel Onk, Djbel Refaa et Djbel Ksel ont été désarmés et amarrés en Pirée (en Grèce), le Blida, déclaré en totale déperdition sans aviser la CNAN, pour empocher plus de 4 millions de dollars auprès des assurances et enfin Nememcha, Aïn Témouchent, Nedroma, et El Hadjar totalement abandonnés en Asie. -