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Un film sur l’assassinat sous la torture de Maurice Audin

vendredi 23 juillet 2010, par Alger républicain

Le 28 juin 2010, ? l’Espace image du Forum des Halles ? Paris, a été projeté le film « Maurice Audin La Disparition » du réalisateur François Demerliac. Ce film documentaire retrace l’arrestation et la disparition d’un militant du Parti communiste Algérien. Une centaine de personnes ont assisté ? la projection. Il faut signaler la présence de nombreuses personnalités.

Tout d’abord, et pour en situer le contexte : pourquoi parmi les milliers d’Algériens torturés jusqu’ ? la mort et disparus sans laisser de trace, (plus de 3000 disparus rien qu’ ? Alger) l’affaire Audin a-t-elle pris des proportions médiatiques aussi importantes ?

À Alger, en juin 1957, pendant « la bataille d’Alger », terme privilégié par des médias chloroformés ou ? la solde, il faut simplement remarquer qu’il n’y avait pas deux armées qui se faisaient face. Non. C’était une armada disproportionnée de plusieurs milliers de soldats munis d’un armement ultra moderne contre un peuple sans défense. Semblables ? des hordes de charognards s’abattant sur la capitale, semant la terreur sur une population meurtrie, le sang coulant ? flot. Seule une petite poignée de militants leur faisait face. Dans Alger le bilan est lourd, ce sont des milliers d’arrestations arbitraires, tous torturés dans des conditions atroces et des milliers de disparus. Un acte de barbarie digne des armées nazies.

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Les témoignages sont accablants. Ce camp de Béni-Messous, caché au fin fond d’une immense caserne et dont personne ne parle, était une poche secrète où l’on parquait comme des animaux les milliers d’Algériens qui ont été soumis ? la question. Des récits dépassant toute imagination. Comment des êtres humains ont-ils pu faire cela sur leurs semblables ? On reste sans voix ? la vue de cette monstruosité. Pendant toute cette période, ceux qui avaient eu la chance de rester en vie, ces milliers d’Algériens, femmes, enfants, vieillards, sans distinction, pris au hasard, ont subi des tortures abominables : mutilés ? vie au rabot, au chalumeau, ? la tenaille, les ongles arrachés, l’eau, l’électricité, la bouteille enfoncée dans l’anus et bien d’autres procédés plus atroces. Pour les obliger ? parler, on transportait en hélicoptère des Algériens encore vivants lestés d’un bloc de béton que l’on balançait dans la mer.

On a mis en exergue cette soi-disant « bataille d’Alger », mais surtout c’était le début d’une vaste opération militaire dans tout le pays. On tue, on viole, on arrête, on brûle au napalm les mechtas, on exécute sommairement des populations entières. Des centaines d’ « Ouradour sur Glane » [1]. L’objectif : il fallait briser toute résistance du peuple, semer la mort partout sans distinction. C’était un véritable génocide.

Il faut accuser cette armée de crime contre l’humanité et que les responsables soient jugés et condamnés. Un aspect que l’on oublie volontairement : accuser l’armée c’est un raccourci qui arrange les véritables ordonnateurs de ces massacres. Ce n’était pas une armée bananière, elle était bien sous les ordres de civils, en l’occurrence le gouvernement français dirigé par la sociale-démocratie. Le parti socialiste qui se présente comme un parti de gauche n’en était pas ? son premier coup fourré, les républicains espagnols en savent quelque chose. Guy Mollet, Lacoste et leurs affidés, larbins de la grande bourgeoisie française, sont les véritables responsables de ces massacres. Ces gens l ? connaissent très certainement le sort de Maurice Audin qui est devenu le symbole de toutes les disparitions en Algérie.

L’affaire Maurice Audin éclate au grand jour avec la sortie du livre « La question" d’Henri Alleg, qui dénonce la torture. Henri a été torturé par les mêmes tortionnaires qui ont assassiné Maurice Audin. Ce livre est sorti des entrailles de la prison Barberousse (Serkadji) tristement célèbre où l’on exécutait les patriotes algériens. C’est dans cette sinistre prison que le militant communiste Fernand Yveton, la grâce lui ayant été refusée, a été guillotiné.

Il ne faut surtout pas oublier le combat admirable et sans compromis, mené par Josette Audin, sa femme. Militante du parti communiste algérien, elle affronte avec un courage exemplaire cette soldatesque putride, massacreurs de peuples entiers. Aidée par un collectif d’avocats français dont la plupart sont issus du parti communiste français, elle va remuer ciel et terre pour retrouver son mari et faire ressortir la vérité de ces bas-fonds nauséabonds. Ce collectif d’avocats, dont le courage exemplaire doit être salué, malgré les menaces de mort venant des milieux ultras, a réussi ? sauver des centaines d’Algériens de la mort. De son côté, le comité Audin qui se constitua sous l’impulsion de Vidal Naquet et de Laurent Schwartzmann, joua un grand rôle pour faire connaître la vérité sur la torture et la répression en Algérie, ce que montre bien le film.

Mais revenons au film documentaire.

Qui était Maurice Audin ? Un jeune mathématicien algérien, assistant de mathématiques ? la faculté des Sciences d’Alger. A 25 ans il a pratiquement achevé la préparation d’une thèse de mathématiques. Un Européen brillant, très jeune, doué d’une intelligence peu commune, et militant communiste algérien. C’est naturellement qu’il s’engagea dans la lutte du peuple algérien pour se libérer de l’occupation coloniale. Dans une situation politique exacerbée et xénophobe, et de surcroît être d’origine européenne et s’engager aux côtés des « Arabes », c’était inacceptable. Un crime impardonnable. La haine devenait féroce contre tous ces Européens qui se sont engagés dans la lutte pour l’indépendance du pays. Il fallait un certain courage pour briser cette épaisse carapace. Le mythe de l’Algérie, trois départements français, rabâché pendant des décennies, certains y ont cru.

Il faut saluer le courage du réalisateur François Demerliac et tous ceux qui se sont battus pour que la vérité éclate au grand jour. Une vérité que l’on veut cacher. Un film qu’il faut voir et revoir. Il démonte point par point, avec des documents irréfutables, le scénario de mensonges flagrants dans une affaire parmi tant d’autres.

Maurice Audin n’a pas parlé, malgré la torture. Et ne pas parler c’était la mort certaine pour tous les suppliciés qui n’ont pas dénoncé leurs camarades. Il est devenu le symbole de ces milliers d’Algériens disparus sans laisser de trace. Si l’on veut retrouver son cadavre, il faut draguer la mer tout le long des côtes algériennes. Lestés d’un bloc de béton, encore en vie, balancés d’un hélicoptère par des monstres en liberté, c’était le sort réservé ? d’innombrables combattants algériens. Un charnier innommable.

Maurice Audin, membre du parti communiste algérien est mort en combattant pour libérer son pays, l’Algérie. Comme tout Algérien, il n’a fait que son devoir. A ce titre, il peut être considéré comme un grand chahid du peuple algérien.

Georges Perles,

Président des Amis d’Alger Républicain en France


[1Pendant la seconde guerre, la France sous occupation hitlérienne, subit les pires atrocités et Ouradour sur Glane, en est le symbole. Ses habitants furent tous massacrés par les hordes fascistes. Chaque année, on commémore cet événement. En Algérie, depuis le début de l’occupation française, des centaines de villages subirent le même sort.