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Au Portugal, la lutte contre la casse de la fonction publique et l’intensification de l’exploitation ne connaît pas de trève estivale, à l’impulsion de la CGTP
mardi 14 août 2012
A l’instar de ce qui se produit en Grèce ou en Espagne, l’offensive coordonnée du gouvernement portugais et de l’UE contre les travailleurs ne connaît pas de trêve.
Après l’attaque directe contre les revenus des travailleurs, avec notamment la diminution des salaires des fonctionnaires en moyenne de 5%, une hausse de la TVA de 21 à 23% – couplée à un alignement de l’électricité et de certains biens essentiels sur ce taux plein – il s’agit désormais pour le gouvernement de droite portugais et de l’UE de poursuivre la casse du secteur public et d’intensifier l’exploitation des travailleurs portugais.
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Parmi les « réformes structurelles » du gouvernement portugais, des modifications du « Code du travail » visant à contourner et vider de leur sens les conventions collectives.
Code d’exploitation, privatisations et casse de la fonction publique
« Un code d’exploitation », tel qu’il est dénoncé par la CGTP et les communistes, qui prévoit notamment le non-paiement des heures supplémentaires, la mise en place d’un système de « banque d’heures » négocié directement avec le travailleur ou encore l’autorisation des licenciements sans motif valable.
Si l’offensive de cet été concerne tous les travailleurs, du public comme du privé, elle touche plus lourdement un secteur public qu’il s’agit désormais de brader, pour les entreprises publiques, ou de démolir, pour la fonction publique.
Après la privatisation des très rentables entreprises publiques EDP (Électricité du Portugal) et REN (Réseau électrique national), et la vente des actifs publics à un prix cassé – près de 3 milliards d’euros pour respectivement 25 et 40% des deux entreprises à des investisseurs chinois – ce sont désormais la compagnie aérienne TAP et les Chantiers navals de Viana do Castelo qui sont menacés par cette politique de bradage du patrimoine public.
Dans la fonction publique, la réduction des budgets de secteurs-clés comme l’Éducation et la Santé ont des conséquences dramatiques sur la qualité du service et sur les conditions de travail ainsi que statutaires des fonctionnaires et des contractuels concernés.
Dans la santé, la baisse du budget de 800 millions d’euros conduit à une détérioration dramatique dans la prestation du service. Le Système national de santé (SNS), acquis de la révolution, qui a fait du Portugal un des pays en pointe en Europe dans le domaine de la santé, est démantelé faute de moyens.
Un démantèlement du SNS par ailleurs accompagné par le développement des partenariats public-privé (PPP), et la concession au privé des fonds du système de sécurité sociale des fonctionnaires (ADSE).
Conséquences immédiates de cette politique, les listes d’attente s’allongent, les lits manquent tout comme les médicaments. Dans le même temps, les patients paient plus cher pour un service public dégradé. Les déremboursements de médicaments se multiplient et les tickets modérateurs explosent. De 10 à 20 euros (+100%) pour un passage aux urgences entre 2011 et 2012.
Payer plus pour être soigné moins bien, la conséquence d’une politique de destruction de la santé publique qui va s’accentuer encore avec les coupes prévues par le gouvernement, et qui laisse aux cliniques privées un espace pour développer leurs activités lucratives.
Dans l’éducation, la réduction du budget de 600 millions d’euros en 2012 aura des conséquences similaires. 300 écoles devaient fermer en cette année 2012, avec des regroupements en de grands établissements scolaires, avec également une réforme générale du cursus scolaire qui prévoit la suppression de certaines discipline ou la diminution des heures de classe effectives.
La conséquence concrète est l’augmentation du nombre d’élèves par classe, ainsi que la menace de licenciement pesant sur 20 000 enseignants à la rentrée.
La lutte ne connaît pas de trêve pour les médecins, les professeurs et les infirmières
Face à cette offensive estivale, les fonctionnaires ont pris le terrain de la lutte.
Plusieurs milliers de professeurs ont ainsi encerclé l’Assemblée de la République le 12 juillet dernier, à l’appel de la FENPROF (liée à la CGTP) dénonçant le fait qu’entre 15 et 20 000 enseignants se trouveraient sans classe à la rentrée, en raison des réformes gouvernementales, et donc menacés de se retrouver sans travail.
C’est en réalité l’idée même d’une éducation publique, gratuite et de qualité qui est remise en cause pour Mario Nogueira, secrétaire-général de la FENPROF :
« Aujourd’hui ce n’est pas seulement la fragilisation de l’école publique, c’est la perversion dans un premier temps et la destruction par la suite. Il y a un premier facteur d’ordre financier, c’est vrai, c’est pour cela qu’ils veulent licencier les professeurs ; mais il y a un facteur d’ordre idéologique qui passe par la réduction de l’accès à l’école publique aux pauvres, ceux qui n’ont pas la liberté d’en choisir une autre, celle des exclus. Une école de seconde catégorie ? »
Lutte dans l’éducation, lutte dans la santé également. Notamment celle des infirmiers et infirmières, menée par le Syndicat des infirmiers portugais (SEP) lié à la CGTP, contre le recours à des agences d’intérim pour le recrutement du personnel hospitalier. Une attaque contre le statut et contre les conditions de travail et salariales du personnel, avec un salaire horaire pouvant descendre jusqu’à 3,96 €.
Les infirmiers et infirmières de Lisbonne ont notamment monté un « hôpital de la protestation » le 20 juillet dernier pour manifester leur colère face à cette dégradation extrême de leurs conditions et cette mise en concurrence des travailleurs entre eux.
Mais c’est paradoxalement du côté des médecins portugais que la lutte a atteint un niveau jamais atteint depuis trente ans. Une grève de deux jours, les 11 et 12 juillet dernier à l’appel des deux syndicats des médecins, la FNAM et le SIM, appuyée par le puissant Ordre des médecins, et suivie à près de 95%.
Une grève portant sur une revendication immédiate, le recours à des entreprises privées de travail temporaire pour l’embauche de nouveaux médecins et l’équivalent de 1 700 emplois par an, mais qui s’inscrit dans une défense du SNS contre sa privatisation rampante.
Une attaque contre la santé publique ne laissant par ailleurs qu’aux infirmiers et surtout aux médecins portugais de plus en plus que des perspectives de carrière délaissant le public, entre cliniques privées et exil.
« Intensifier la lutte », la position décisive de la CGTP, syndicat de classe
Certes, le point de départ de ces luttes part de revendications spécifiques, de mobilisations parfois spontanées, touchant dans le cas des médecins des secteurs fortement marqués par le corporatisme, néanmoins l’existence d’un syndicat de classe majoritaire au Portugal, la CGTP, fortement influencée par le Parti communiste, joue également un rôle dans la construction d’un mouvement d’ampleur.
Contrairement aux positions attentistes et de « dialogue social » des ex-syndicats de classe de la CGIL en Italie ou des CC.OO en Espagne, la CGTP-IN au Portugal continue de prôner une ligne de lutte de classe.
A la fin du mois de juin, le Conseil national de la CGTP-IN a ainsi annoncé sa décision d’appeler à « l’intensification de la lutte pendant l’été » et à la convocation d’une assemblée plénière des syndicats début juillet qui a permis de fixer les lignes d’action et notamment de décider de l’organisation d’une « Quinzaine de lutte » qui a permis de lier les revendications des travailleurs du public avec celles de ceux du privé.
La persistance d’un syndicat de classe au Portugal, lié à un Parti communiste fort et combatif, perturbe sérieusement, comme en Grèce, les plans de la classe dirigeante portugaise et surtout européenne.
Forts de leur lutte, les travailleurs portugais ont déjà fait reculer le gouvernement sur plusieurs questions, notamment sur l’augmentation de la journée de travail d’une demi-heure dans le privé.
En s’appuyant sur une constitution progressiste, héritée de la révolution d’avril, les travailleurs du public ont obtenu gain de cause devant la Cour constitutionnelle sur la suppression des 13ème et 14ème mois.
L’issue du combat est encore incertaine pour les travailleurs portugais, face à l’offensive concertée de leur gouvernement, de l’opposition de façade socialiste et de l’UE. Mais, forts de l’appui de leurs organisations de classe : a luta continua
Voir en ligne : Article AC/AJ pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/