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CUBA : Raymond Muller Le sixième héros

mardi 7 mai 2013

Un peu avant sa mort, le 23 mars 2011, Leonard Weinglass luttait toujours pour la liberté des Cinq Cubains injustement emprisonnés aux États-Unis. La dernière photo prise de lui dans la salle des soins intensifs de l´hôpital Montefiore le montre en train de réviser les documents des appellations extraordinaires - Habeas Corpus – le dernier recours légal pour nos compatriotes. Quelques instants plus tard Gerardo, Ramón, Antonio, Fernando et René perdaient leur plus lucide, tenace et dévoué défenseur.

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Deux années se sont déjà écoulées et le tribunal de Miami n´a pas encore statué. L’accusation, pour sa part, en plus de manœuvrer afin de rendre ce processus interminable - quelque chose qui a caractérisé son comportement car les Cinq ont été arrêtés à l´aube du 12 septembre 1998 – tente maintenant, avec une insolite motion, que soit éliminée une partie substantielle de l´appel interjeté par Gerardo Hernández Nordelo.

On sait, depuis l´antiquité, qu’une « justice différée est une justice refusée » et un grand nombre de professionnels en Droit des États-Unis - juges, procureurs, avocats – ont fait des carrières lucratives en manipulant des papiers, en retournant les lois et procédures, en laissant le temps passer pour se remplir les poches tandis qu’augmente la souffrance des victimes d´un système qui non seulement est profondément injuste mais aussi malhonnête et cynique.

Lenny était complètement différent. Il fut l´un des avocats les plus brillants de l’histoire nord-américaine. À sa solide expérience juridique et à sa vaste culture se sommait un esprit d´investigation diligent et sagace, il dédiait tout son temps à l´étude des cas qu’il a défendu lors d’une longue carrière commencée très jeunes en représentant des lutteurs afro-américaine victimes du racisme dans son New Jersey natale. Il a atteint rapidement de la notoriété en intégrant l´équipe de défense des Sept de Chicago en 1970 et ensuite il a été au centre des plus importantes batailles juridiques – depuis les papiers du Pentagone jusqu’à Mumia -. Il a également défendu des activistes Portoricains et Palestiniens et d’autres persécutés dans la société étasunienne. Sa renommée a dépassé les frontières de l’Amérique du Nord. Devant le risque de sa déportation aux États-Unis, Julian Assange, le créateur de Wikileaks, lui a demandé de le représenter dans un éventuel litige devant les tribunaux et lui, bien sûr, a accepté.

N’importe quel avocat étasunien se serait enrichi avec juste une partie de ce qu’a fait Leonard Weinglass. Mais Lenny vivait modestement et il est mort dans un hôpital pour les Noirs, les Portoricains et les immigrants. C´est exactement l’opposé du stéréotype antisémite du juif avaricieux.

Quand je lui ai demandé d´assumer la défense des Cinq, au début de l’année 2002, sa réponse fut simplement : « Merci, c´est un honneur pour moi ». Nous n’avons pas parlé de compensation monétaire. Il m´a dit qu´il se concentrerait sur ce cas et qu’il ne s’occuperait d’aucun autres sauf celui de Kathy Boudin - la fille de son maître admiré - dont il a finalement obtenu la liberté.

Nous devions assumer les dépenses qu´il encourait en défendant les Cinq devant les tribunaux et lors des manifestations publiques dans et hors les États-Unis. Il rendait compte soigneusement de ces dépenses. Il faisait attention de chaque centime avec un entêtement jaloux. Nos seules discussions sur le sujet surgissaient de son irrémédiable obsession pour chercher le chemin le moins cher et le plus simple hébergement.

Nous nous sommes vus pour la dernière fois à La Havane, en février 2011, à l’occasion d’une réunion de l´équipe de défense. Il était déjà malade mais il fut le premier à arriver et il a été l’axe principal d´une intense réunion qui a duré toute la journée. Dans la soirée il se sentait mal et nous l’avons emmené à l’hôpital où est apparue la gravité de son état, nous voulions le garder afin de réaliser certains examens nécessaires. Lenny a refusé car le lendemain il devait rencontrer Adriana, l’épouse de Gerardo. Il a accepté de revenir pour continuer ensuite les examens médicaux.
Len les a fait mais sous une condition sans appel : il devait retourner à New York le lendemain car il avait programmé une conversation téléphonique avec Gerardo.

Malheureusement, le diagnostic confirmerait le pire. Nous avons fait nos adieux à Leonard Weinglass, lui faisant promettre qu´il irait à l’hôpital immédiatement après avoir parlé avec Gerardo.
Il a attendu encore plusieurs jours pour y aller, jusqu´à ce qu´il finisse les documents de son Habeas Corpus. Certains amis auraient préféré qu’il entre dans un établissement hospitalier de meilleure renommée. Il a dit qu’il se sentait heureux où il était car il avait rencontré certains de ses clients parmi le personnel du service.

Lors du procès de Chicago il était fréquent que les médias se réfèrent au jeune Lenny comme «  l’autre avocat ».

De très nombreuses fois, dans les actes et les déclarations publiques, à Cuba et hors de l´île, les Cubains et les nombreuses personnes qui étaient solidaires avec cette cause ont inventé une expression répétée sans cesse : les « Cinq héros ». En vérité, ils étaient six. Lenny est le Sixième Héros.

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