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Chavez, Dargaz
mercredi 20 mars 2013
ICI MIEUX QUE LA-BAS
Chavez, Dargaz !
<img457|right> Pour comprendre la hargne des néolibéraux à l’endroit d’Hugo Chavez, il suffit de méditer un seul chiffre : la pauvreté qui touchait 70,80% de la population au Venezuela en 1996, deux ans avant l’arrivée d’El Libertador au pouvoir, a été réduite de moitié. Autant de recettes du pétrole vénézuélien qui n’iront pas dans les poches des actionnaires des grandes compagnies privées. Ça, ça leur est insupportable ! Ce taux considérable de réduction de la pauvreté se produit à un moment où la majorité des pays du monde, ceux d’Occident compris, connaissent une descente aux enfers de leurs classes laborieuses, tandis que la richesse s’accroît au profit d’un cercle de plus en plus restreint de possédants. On peut donc concevoir que le dénigrement en boucle d’un Chavez par les médias au service des intérêts néolibéraux atteigne de telles proportions.
Dictateur, caudillo, populiste, despote, ami des tyrans, tyran lui-même... quel qualificatif péjoratif ne lui a-t-on pas infligé ? Cette diabolisation effrénée, accrue par sa disparition, est proportionnelle à une forme d’adulation que lui voue son peuple, et à la sympathie et à la solidarité de tous les derniers résistants dans le monde à la mainmise des vautours de l’empire sur les richesses de la planète et la sueur des travailleurs. Le chagrin ressenti par les Vénézuéliens devant sa dépouille exposée à l’Académie militaire de Caracas exprime la mesure de la douleur d’une population démunie, orpheline d’un grand militant pour les droits des sans-droits.
Hugo Chavez était certainement un homme de contraste, mais quel révolutionnaire lancé dans l’action décisive ne le serait pas ? En contrepoint de tous les attributs négatifs dont l’abreuvaient déjà de son vivant les médias, il arrive que l’un d’entre eux laisse échapper un éloge comme celui du Huffington Post évoquant, comme malgré lui, sa « politique généreuse et ambitieuse de redistribution des richesses ». Chavez, c’était ce militaire par accident qui avait raté un coup d’État pour lequel il avait écopé de deux années de prison, avant de se faire élire démocratiquement à trois reprises. Toute la contradiction de sa volonté de transformer le Venezuela, et plus largement l’Amérique latine, – indépendance nationale et unité – ainsi que les relations internationales dans le sens d’une plus grande égalité, est condensée dans ce paradoxe.
Dans un portrait que lui avait consacré Gabriel Garcia Marquez en 2000, le grand écrivain colombien, ami de Fidel Castro, dépeignait l’équilibre en Chavez entre le libérateur certain et l’incertain dictateur. Sans doute y eut-il des deux en lui, mais pas dans les proportions que ses « ennemis de classe » allouent à sa part autoritariste. Voici comment Garcia Marquez concluait son flamboyant portrait de Chavez :
« Je fus saisi par l’étrange sensation d’avoir voyagé et conversé avec plaisir avec deux hommes fort distincts. L’un, auquel la chance obstinée offrait la possibilité de sauver son pays. Et l’autre, un illusionniste, qui pourrait bien rester dans l’Histoire comme un nouveau despote. »
Chavez, c’était aussi ce révolutionnaire qui associe son ancêtre Bolivar à son aîné Castro, héritant de la même fougue à se battre contre le cocktail explosif fait d’une fracture sociale directement liée aux effets du colonialisme, des injonctions du FMI et des intérêts des grandes compagnies internationales. Face à ce front homogène et belliqueux, Chavez n’hésitait pas à ressusciter le lyrisme révolutionnaire irascible et suspicieux du début du XXe siècle. Son talent et sa conviction résident dans cette prouesse inouïe de rendre populaire un discours puisé aux sources du progressisme remisé à la case ringarde par l’échec du socialisme réel et la chute du communisme. Il a redonné une jeunesse à la rhétorique et à la symbolique révolutionnaires que l’on a trop vite enterrées.
En un mot, le combat de Chavez est simple et limpide : tant qu’il y a de l’injustice, peu importent les mots qu’on utilise, l’essentiel est de rendre les coups plutôt que de se résigner ! La résistance de Chavez et son attachement au peuple laborieux sont aussi perçus par ses ennemis comme un danger majeur du fait de la contagion de son irrédentisme. Après des décennies de domination néolibérale particulièrement féroce, après une période de sombres dictatures, Chavez a réhabilité l’idée du socialisme en Amérique latine, ce qui revenait à une insoumission à la volonté de domination des USA.
Depuis Bolivar, toute volonté populaire de mettre fin à la toute-puissance des USA et d’appliquer le socialisme se répand d’un pays à l’autre. C’est aussi le cas du Venezuela de Chavez qui a inspiré, entre autres, le Nicaragua du nouveau Daniel Ortega élu en 2006 après un premier engagement sandiniste dans les années 1980, la Bolivie d’Evo Morales ou encore l’Equateur de Rafael Correa. L’arrivée au pouvoir de Chavez a, en outre, redonné du tonus à la gauche latino-américaine non gouvernementale, arasée par le statut de laboratoire du néo-libéralisme débridé que les USA ont imposé à la région.
En définitive, la grande force de Chavez est d’avoir réhabilité la cause des opprimés à un moment historique où l’échec du socialisme et le triomphe des intérêts impériaux font, dans un raccourci facile mais qui semble efficace, amalgamer la lutte pour la justice à la dictature. Dans la syntaxe des « nouveaux chiens de garde » du néolibéralisme, quiconque crie à l’injustice est suspect de sympathie pour la manière forte. Compte tenu de l’hostilité nationale et internationale qui le ceignait, au regard d’une voie assez solitaire, s’inspirant des principes révolutionnaires et bolivariens, il n’est pas exclu qu’il ait eu plus que des tentations autoritaires, un culte de l’homme providentiel, mais ses pires ennemis reconnaissent que s’il a usé et parfois abusé du bâton à l’égard de ses ennemis, ses ennemis de classe, c’était pour la bonne cause.
Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
in Le Soir d’Algérie
10 mars 2013
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