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Interview de Hanna Gharib, secrétaire général du Parti communiste libanais sur l’agression israélienne
jeudi 24 octobre 2024
Repris de l’Humanité du 22 octobre 2024
Entretien réalisé par Pierre Barbancey et Lina Sankari
Le secrétaire général du Parti communiste libanais, Hanna Gharib, revient sur le rôle qu’entend jouer sa formation dans la résistance à Israël et sur la nécessaire unité du peuple libanais.
À quels objectifs répond la guerre menée au Liban par Israël ?
La grande bataille qui se déroule dans la région a commencé à Gaza. Ce projet d’expansion de l’entité sioniste a été exposé par Donald Trump lors de sa rencontre avec Benyamin Netanyahou (en juillet dernier – NDLR*). L’agression actuelle s’inscrit également dans la stratégie états-unienne. La lutte que nous menons est d’abord anti-impérialiste.
La seconde partie de notre lutte se déroule sur notre territoire contre un gouvernement confessionnel et capitaliste, contre les systèmes locaux. C’est un problème dont le pays doit se saisir afin de résister au programme régressif arabe. En clair, c’est une lutte de libération nationale.
L’agression israélienne contre Gaza, la Cisjordanie puis le Liban, voire l’Iran, vise à étendre toujours plus la guerre. Israël veut la rupture des deux fronts, libanais et palestiniens, afin d’écraser la solidarité avec la Palestine. Le but premier est d’éliminer la résistance jusqu’au fleuve Litani.
Parfois, Benyamin Netanyahou cite le fleuve Awali, beaucoup plus au nord. Si personne ne le force à cesser ses agressions, il ira jusqu’à Beyrouth. Ce niveau d’agression est inédit. C’est la politique de la terre brûlée, de bombardement total afin que les populations ne puissent revenir dans leurs villages. C’est oublier la grande histoire du peuple libanais.
Comment la droite libanaise soutient-elle ces objectifs ?
Les États-Unis, Israël et les forces impérialistes qui soutiennent ces partis souhaitent que le Liban normalise ses relations avec Israël. Les forces de droite libanaises utilisent le concept de neutralité pour répondre à ces objectifs. La crise des déplacés a des implications sur la politique libanaise.
Les Israéliens sont en train de créer une crise démographique dans un contexte de faillite généralisée du système monétaire et économique. Les infrastructures ne fonctionnent plus, les services non plus. Le projet sioniste vise à créer des divergences entre Libanais pour pouvoir dérouler son agenda.
La mort de Hassan Nasrallah change-t-elle la donne sur le plan de la politique intérieure ?
L’assassinat de Hassan Nasrallah ne visait pas seulement à affaiblir le Hezbollah, mais à éliminer une figure emblématique de l’Axe de résistance et pousser l’Iran à engager une guerre régionale.
Cet acte a néanmoins nécessité une validation états-unienne. Sur le terrain libanais, les Israéliens ciblent la Finul et toutes les régions qui accueillent des déplacés pour créer un sentiment d’insécurité. C’est précisément cette unité nationale qui est ciblée dans les régions non chiites.
De quelle manière organiser la résistance ?
Israël cible le Liban, son existence et son avenir en tant que pays et que peuple. Nous insistons sur notre droit à la résistance. C’est un devoir qui doit mobiliser largement pour contrer le projet expansionniste. Tout l’État libanais doit agir et assumer cette résistance y compris en mobilisant son armée.
En cas de négociations, le Liban ne peut perdre un centimètre de territoire à ses frontières. Le retour des déplacés dans leurs villages doit se dérouler sans conditions. Il faut reconstruire et les fauteurs de guerre doivent dédommager les déplacés.
Nous avons besoin d’une déclaration forte de mobilisation complète au niveau politique, économique, social et militaire. La résistance à l’agression doit se doter de tous les moyens nécessaires et ne peut se contenter d’être le fait d’un certain groupe. Elle doit englober tout le pays.
Le PCL a-t-il entamé des discussions avec les autres forces libanaises à cette fin ?
Nous discutons de ce sujet avec plusieurs forces sauf celles venues de l’extrême droite. Cette unité est seule à même de briser le projet confessionnel et d’en finir avec les divisions. Pour faire face à la crise et aider à la résilience populaire, il faut insister sur les politiques sociales et économiques. Notre parti met tous les moyens en ce sens.
Nous avons lancé un appel aux camarades afin qu’ils se réorganisent dans le Front de résistance national. Depuis les accords de Taëf (traité interlibanais signé le 22 octobre 1989, destiné à mettre fin à la guerre civile libanaise – NDLR), notre parti a déposé les armes. Mais, en cas d’occupation totale, nous prendrons nos responsabilités. Nous sommes les héritiers d’une longue histoire de résistance que le Parti communiste a initiée en 1948. Ce ne sera pas facile, nous faisons face à une décision historique.
Ce projet a aussi pour but de ne rien concéder si des négociations advenaient. Il y a des lignes rouges. Nous ne pouvons pas renoncer aux droits du Liban. Il faut un président de la République dans un État laïc, démocratique et civil pour la justice sociale avec une armée qu’il faut équiper.
La résolution 1701 de l’ONU (qui prévoit le respect de l’intégrité territoriale du Liban et la seule présence de l’armée et de la Finul au sud du pays – NDLR) doit être reformulée pour sécuriser le Liban, son espace maritime et aérien. La Finul doit également se déployer en Israël, et pas seulement sur notre territoire. Sa seule présence au Liban donne le sentiment que nous sommes l’agresseur. La population du nord d’Israël est armée. Il faut que le désarmement soit équilibré des deux côtés de la frontière.
* NDLR : note de la rédaction de l’Humanité