Qui suis-je ?

« Vous n’êtes pas des arabes ! »

Parmi toutes les insultes et insanités proférées aux abords du Nil, les échos de celle-ci continuent ? résonner entre nos murs. C’est celle-ci qui, alimente le plus aujourd’hui le débat de certains cercles et rédactions algéroises (iennes ?). Pure coïncidence avec le débat lancé dans l’hexagone, où aux dernières nouvelles c’est la casquette portée ? l’envers qui vous change du tout au tout !

« Enfin ! » disent certains. « On vous l’avait bien dit » renchérissent d’autres. « Nous sommes amazigh » scandent ? l’unisson des hordes déchainées. « Que l’islam n’a pas arabisé » rectifient les plus pointilleux. Certains remercient les égyptiens d’avoir osé rétablir LA Vérité historique, travestie depuis tant d’années.

Et puis évidement, le raccourci « arabe = musulman » est vite trouvé. « Je ne suis pas musulman ! » boudent certains. « Je suis chrétien ! » s’affirment d’autres.

« vive l’autonomie de la Kabylie » glissent certains sans en avoir l’air. « A mort les égyptiens, vive nos frères marocains et tunisiens » scandent quelque UMAistes amnésiques. « A bas l’unité arabe ! vive l’unité magrébine en y incluant …..Le Soudan ! » Renchérissent d’autres nouveaux géographes.

Sur la toile, encouragés par l’anonymat et l’immédiateté de la parution les internautes s’en donnent ? cœur joie(1)(2). Enfin la parole retrouvée, la revendication portée haut et fort. Ce bouillonnement est salutaire, il est bien dommage qu’il ait été déclenché par une « insulte » fut-elle pharaonique.

« Depuis le « Match »(…) Nous l’étions (arabes) par la langue officielle, l’école, la désignation occidentale et coloniale (les arabes sur la rime de « travail d’arabe » ou sur le mode de l’Arabe de Camus). Nous l’étions parce que nous y croyons avec violence sur soi. Puis, brusquement, nous avons compris que... nous ne l’étions pas ! ». Découvre Kamel Daoud (http://www.lematindz.net/news/2899-linevitable-decolonisation-horizontale.html)

« L’aliénation coloniale a la vie dure.(…) la persistance de ce phénomène d’aliénation, et son résultat : l’auto-mépris. Il faut reconnaître qu’en France ce dévoiement du débat vers l’arabophobie et l’islamophobie a tout de suite trouvé des forces généreuses et puissantes, notamment intellectuelles, pour le dénoncer et le contrer. Mais chez nous, tout se passe comme si s’agissant de tout ce qui est arabe, certains s’autorisaient ? dire n’importe quoi, ? pratiquer le dénigrement systématique, s’insurge Djamel Labidi (la main de l’étranger pour les intimes) (http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5131744)
« Je sais qui je suis. Je le savais le jour ou ma mère m’a mis au monde, quand je commençais ? balbutier : « yemma, vava, dadda, yaya » Tranche frétillant H. Mekdam, MAK-France (http://www.lematindz.net/news/2908-opinion-non-je-ne-suis-pas-arabe-et-je-ne-pourrais-etre-que-kabyle.html)
« il est vrai, des dérives verbales de beaucoup de journalistes, mais il ne faut pas les prendre au premier degré. Ce qui a déchaîné la passion de ces derniers, francophones et arabophones, ce sont les insultes des TV égyptiennes ? l’endroit des martyrs de la guerre de libération. Temporise Lahouari Addi en parfait arbitre, sereinement et fécondement inspiré. (http://www.lequotidien-oran.com/?news=5132019)

Qui a raison ? Qui a tord ? Qui suis-je ?

Une question me taraude l’esprit, cette distanciation tant désirée d’avec le monde arabe est-elle identitaire ? Religieuse ? Politique ?...
Et si le monde arabe n’avait été ce conglomérat représenté aujourd’hui par des potentats croulant sous les pétrodollars divinement acquis et des tyrans vieillissants et se régénérant ? Et si le monde arabe ne s’était figé depuis des lustres dans ses archaïsmes et ses modes de pensées bien confortables ? Et si le monde arabe avait été ouvert ? la modernité, fut-elle la sienne ? Non pas « fut-elle », sa modernité propre.
Et si le monde arabe s’était reconnu, assumé face aux « autres mondes » ?

Et si, plus prés de nous en Algérie, chaque algérien avait été admis et respecté dans son identité propre ? (le beau pléonasme !). Si nos dirigeants étaient seulement fidèles aux serments prêtés lors de leur investiture ? Et si l’islam n’avait été l’otage d’el Azhar, de karadaoui ou d’Ali Belhadj ? S’il était perçu au-del ? de ces prismes déformants imposés depuis 14 siècles ? Aurions-nous eu ce même sentiment de rejet ?

En fait c’est la ligue arabe ou l’arabité que l’on rejette ? Les musulmans ou l’Islam !? Notre sous-développement ou nos archaïsmes originels ?
Bon, oublions le néanderthalien, l’homo sapiens et mamy Lucie. Mes origines sont amazighes. D’accord. Les conquérants arabes étaient colonisateurs ou vertueux porteurs du message divin ? Vous avouerez que c’est un peu loin d’autant plus que ma mémoire est quelque peu défaillante ces temps ci. Comment devrai-je considérer mes cousins turcs ? Hussein dey un modèle ? Les colonisations ont-elles des bienfaits ? voter dans des assemblées démocratiquement élues ?
Beaucoup voudraient voir dans ce « one two three … » le nouveau Qassaman et n’hésitent pas ? comparer ce 18 novembre au 5 juillet libérateur. C’est l’indépendance. Les mêmes couleurs, la même joie retrouvée. Hier c’était facile, nous nous libérions du colonialisme français après des années de luttes dont sept d’une révolution exemplaire. Mais aujourd’hui ? De quoi voudrions-nous nous libérer ? De l’arabité ? C’est- ? -dire ? De la langue arabe ? De la pensée arabe ? De la ligue arabe ? De l’islam sous-jacent ? Pour aller ou ? Pour revenir ? quoi ? S’arrimer ? quoi ?

Certains compatriotes n’hésitent pas ? proposer de gommer purement et simplement cette parenthèse infamante que furent les 14 siècles de présence arabe sur cette terre amazighe, sans même prendre la peine d’appeler Mr Redha Malek pour rédiger quelque « accords de Khartoum » nous permettant la douce transition !
Un peu ? l’image de leurs ainés qui ont essayés de gommer 132 ans de présence française en faisant appel aux Ex-frères arabes, égyptiens notamment, nettoyeurs, éradicateurs, dératisateurs, purificateurs… nos actuels révolutionnaires veulent gommer 14 siècles de présence arabe (que celle l ? ?) mais ne précisent pas ? qui il faudra faire appel cette fois-ci.

Ainsi demain je me réveillerai amazigh. « azzul fellawen ! ». Je cherche le mode d’emploi. Il n’a pas été fourni ! Je traquerai tout turban récalcitrant, mettrait ? bas tous ces minarets et transformerai Ketchaoua en… fast food ? – il en a vu d’autres !
Une célèbre et talentueuse plume oranaise n’en fini pas de tracer des lignes verticales, obliques, horizontales et a trop peur de n’être qu’un amazigh de seconde catégorie. Ce qui conforte les premiers qui le rassurent dans cette immense gratitude des vainqueurs olympiens et promettent de l’accepter quand même ! Moyennant une dime ?
Ainsi donc la « solution » ? nos problèmes ne tiendrait qu’ ? un effort lexical !?

Mohamed Mermitte

20 déc. 2009