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Comment Ashton saurait-elle ce qui est bon pour l’Irak ?

dimanche 1er juillet 2012

Les dernières nouvelles ont souvent besoin d’un avertissement. Dans un souci de transparence, les mots « il s’agit d’un communiqué de presse réchauffé  » devrait apparaître au début de nombreux articles dans les journaux et les sites Web appartenant aux grands médias. Les bulletins télévisés devraient s’ouvrir avec une annonce disant : « une grande partie de ce que vous allez entendre reflète les intérêts des plus puissants ».

En début de ce mois l’Union européenne a signé un accord de "partenariat et de coopération" avec l’Irak. D’après mes recherches, il semble que presque tous les rapports de presse sur l’accord ont été basés principalement, sinon exclusivement, sur une déclaration publiée par Catherine Ashton, Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères. Cette déclaration nous informe que l’accord serait "bon pour l’Irak".

Tous les journalistes qui ont écrit sur cet accord l’ont fait sans en connaitre les détails. Quand j’ai demandé au porte-parole de Mme Ashton une copie du texte, il m’a dit qu’il n’est pas encore "accessible au public". Ashton et son équipe ont avancé leur version de l’histoire avant que quiconque ait une chance de les contredire.

Pourquoi devrait-on faire confiance à Catherine Ashton ? Ashton était un ministre du gouvernement britannique en 2003. Son patron à l’époque, Tony Blair, a décidé (avec George Bush) d’envahir l’Irak en violation de la Charte des Nations Unies, qui interdit expressément les guerres d’agression.

« Se prononçant  » sur son emploi actuel en 2010, Ashton a déclaré aux députés qu’elle croyait que les bombardements en Irak étaient "la bonne chose à faire en fonction de ce que je savais à l’époque". Elle n’a à aucun moment présenté des excuses pour avoir soutenu cette guerre ni cherché à prendre ses distances d’aucune manière avec Blair. En effet, elle entretient des contacts réguliers avec ce criminel de guerre dans son rôle actuel d’« envoyé pour la paix « internationale » (le titre que lui ont conféré les médias britanniques) pour le Moyen-Orient.

Comment Ashton pourrait-elle savoir ce qui est « bon pour l’Irak" quand elle a soutenu une occupation illégale qui a dévasté ce pays àTommy Franks, l’un des militaires « cerveaux » à l’origine de cette guerre, fit cette célèbre déclaration « nous ne comptons pas les corps  ». Mais le nombre de morts était certainement énorme. Une étude réalisée en 2006 par The Lancet, une revue médicale faisant autorité, a estimé que la guerre avait causé 600.000 morts parmi les civils. L’organisation Just Foreign Policy avance aujourd’hui le chiffre de plus de 1,4 millions. Wikileaks a révélé comme malhonnête l’affirmation de Franks en relâchant les câbles diplomatiques qui prouvent que les Etats-Unis ont gardé un œil sur les victimes. Le Iraq War Logs, publié par Julian Assange et ses accolytes en 2010, recense 109.000 morts violentes dans la période 2003 à 2009. Plus de 66.000 des victimes ont été classées comme étant des civils.

Que savait exactement Ashton en 2003 ? Comme elle était ministre dans le département de l’éducation et des compétences, je suppose alors qu’elle n’était pas au courant de toute l’ "intelligence" à la disposition de M. Blair. Cependant, elle aurait été extrêmement naïve si elle croyait que la guerre était vraiment motivée par ces armes de destruction massive que Saddam était supposé cacher.

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L’an dernier, The Independent a révélé que des réunions ont eu lieu entre les représentants du gouvernement britannique, Shell et BP dans les derniers mois de 2002. Les enregistrements de ces discussions révèlent que BP était « désespéré  » de mettre ses griffes sur les réserves pétrolières de l’Irak. Le bureau des affaires étrangères a pris l’engagement de faire pression sur Washington pour s’assurer que les entreprises britanniques ne perdraient pas quand les contrats seront partagés après l’invasion.

Ashton a juste signé un accord qui est présenté comme «  bon pour l’Irak  ». Voulait-elle dire en réalité qu’il était bon pour BP et Shell ?

Une note explicative sur le site du « Service d’Action Extérieure  » de l’Union européenne, que Ashton commande, déclare que l’Union vise à assurer un niveau minimum de « prévisibilité » et de « sécurité légale » pour les entreprises travaillant en Irak. Le nouvel accord fait suite au "Protocole d’accord » de 2010 entre l’UE et l’Irak sur les questions énergétiques, et qui a promis un « cadre d’investissement transparent  ».

Ces termes pourraient sembler anodins. Mais s’ils sont placés dans le contexte plus large de la politique commerciale de l’UE, ils prennent un sens plus sinistre. L’ « Europe Globale » modèle défendu par cet autre acolyte de Blair, Peter Mandelson, quand il était commissaire au commerce de l’UE, a soutenu que tout obstacle rencontré par les entreprises faisant affaires à l’étranger doit être surmonté. A défaut de preuve du contraire, il faut donc en conclure que Mme Ashton veut exploiter les réserves de pétrole et de gaz de l’Irak d’une manière qui apporterait beaucoup plus de bénéfices aux sociétés occidentales qu’à la population irakienne.

En Juin 2011, le Wall Street Journal a rapporté qu’une loi sur l’investissement introduite en Irak exemptait de nombreux investisseurs d’impôt sur les sociétés pour une période allant jusqu’à 15 ans et leur permettait de rapatrier les bénéfices. Une interdiction constitutionnelle de la privatisation des principaux biens publics a été annulée par l’Autorité Provisoire de la Coalition, l’organisme américain qui a supervisé le pillage systématique de l’économie irakienne en 2003 et 2004.

Un total de 47 entreprises se prépare à une vente aux enchères des licences d’exploration pétrolière en Irak le 30 mai, selon Bloomberg. L’Irak est en bonne voie pour être le deuxième plus grand producteur de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole d’ici la fin de l’année, déclare l’agence.

La presse économique n’est pas à l’abri des charmes des « spindoctors ». Mais elle publie des faits utiles. Lisez-les attentivement et vous obtenez une vue plus précise de la façon dont le monde fonctionne plutôt que de copier-coller la propagande de Catherine Ashton.

Comment quelqu’un qui a soutenu une guerre illégale ose-t-il revendiquer savoir ce qui est bon pour l’Irak.

David Cronin

29 juin 2012

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Source originale : neweurope : http://www.neurope.eu/blog/how-would-catherine-ashton-know-what-s-good-iraq

Traduit de l’anglais par A. Krinah pour Investig’Action


Voir en ligne : Source : Investig’action