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L’ALGÉRIE QUI RÉSISTE . OPA avortée sur l’Unité grues de Béjaïa
mardi 27 octobre 2009, par
Lorsqu’il m’arrive de prendre la route des Aurès et que je passe devant l’Unité grues de Béjaïa, j’ai un petit pincement au cœur. Ce fleuron de l’industrie algérienne a failli être bradé pour une poignée de dinars si l’on considère sa valeur réelle. La vente s’est faite en catimini, les travailleurs et les syndicalistes n’ont été avisés de cette triste et mauvaise nouvelle qu’après la liquidation à vil prix de leur outil de travail.
Après la stupéfaction et la consternation, la mobilisation s’est organisée.
Il fallait sortir la grosse artillerie pour faire capoter cette OPA (offre publique d’achat). Affichage de banderoles, fanions et étendards sur le portail et les murs de l’entrée de l’usine, sur ces panneaux on pouvait lire les revendications et la somme dérisoire à laquelle a été bazardée leur unité. Toutes les instances locales, radios, wilaya, Inspection du travail et autres ont été mises au courant des tractations suspectes faites derrière le dos des principaux concernés. Après plusieurs journées de grève, de lutte acharnée et plusieurs autres opérations coups-de-poings de la section syndicale, la vente fut annulée. Paradoxalement, c’est au moment où notre pays se lance dans la construction de un million de logements, que les demandes de grues affluent de toutes les wilayas, que les carnets de commandes sont saturés et que les attentes, pour avoir son engin de levage, deviennent de plus en plus longues que l’on décide de céder la seule usine qui fabrique des grues en Algérie et peut-être même de toute l’Afrique. Qui profitera de cette opportunité ? La réponse est aussi claire que flagrante.
Ce seront, comme toujours, ces messieurs, les barons de l’import- import ainsi que leurs comparses, les promoteurs immobiliers. Ayant travaillé plusieurs années au sein de cette unité, je peux me permettre, sans prétention, retracer son historique et affirmer qu’elle aurait pu rivaliser avec ses consœurs des pays les plus industrialisés si la dynamique de sa création avait été maintenue. Cette usine a été inaugurée par le présidant Boumediene dans les années 1970. Ses infrastructures et ses équipements étaient à la pointe de la technologie de l’époque. Et presque l’ensemble de ses travailleurs étaient hautement qualifiés, ils revenaient tous des pays européens dans le cadre du déménagement et retour au pays des émigrés qui était en vogue, en ces temps-là, le dinar valait plus que le franc. Sans oublier l’acquisition de licences d’exploitation et la formation en France de l’ensemble des cadres et des agents de maîtrise de l’UGB chez le leader mondial des engins de levage qui n’est autre que Potain.
Avec tous ces atouts réunis, UGB sortait de ses ateliers de grues aussi fiables et performantes que celles que nous importions de l’étranger. Et à travers toutes les wilayas et sur tous les chantiers, on ne voyait que des grues made in Algeria de l’Unité grues de Béjaïa. Même dans les années 80 quand notre pays était au creux de la vague et presque insolvable, avec le bâtiment à l’arrêt et que le FMI venait nous dicter ses commandements, mon ancienne usine a su garder la tête hors de l’eau en diversifiant sa gamme et en fabriquant d’autres produits tels que le rétrochargeur, les passerelles pour nos ports et aérodromes, des épandeuses à liant pour les petites réfections de la chaussée, des treuils, des potences de chantier, des silos à ciment, et en dynamisant et mettant son service sous-traitance à la portée des ateliers de métallurgie de toutes les wilayas du pays.
Les travailleurs pensaient qu’après s’en être sortis de toutes les turpitudes, de toutes les crises économiques et de tous les dégraissages démoralisant d’effectifs (de 450 à 150 travailleurs), leur usine était enfin à l’abri des requins de l’immobilier qui ne rêvent que de raser leur usine afin de récupérer les terrains de son implantation pour y construire leurs cubes en béton et ramasser des milliards au passage. Heureusement que la nouvelle loi de finances complémentaire 2009 (LFC) vient de leur couper l’herbe sous le pied. De nouvelles règles sont instaurées pour permettre l’émergence d’une autosuffisance nationale et mettre fin aux importations toutes azimuts. En instituant cette nouvelle loi, l’Algérie comme tous les autres pays industrialisés veut protéger son industrie et par la même occasion réduire son taux de chômage qui est plus qu’alarmant. Je suis persuadé que les jeunes qui ont pris la relève après notre départ à la retraite sont capables de relever le défi d’auto-suffire le marché national en grues fiables et aussi compétitives que celles que l’on ramène de l’étranger. Et, enfin, pour conclure, je salue l’ensemble du personnel de l’UGB sans aucune exception.
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Bélaïd Mokhtar
Source : Le Soir d’Algérie du 27 octobre 2009