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Les pièges du crédit à la consommation
mercredi 2 mars 2016, par
Le gouvernement, le patronat et la centrale UGTA, leur syndicat-maison ont orchestré un grand tapage sur la relance du crédit à la consommation. Ils font croire qu’il encouragera la production nationale et protégera le pouvoir d’achat des citoyens de revenu modeste.
L’ancien dispositif du crédit à la consommation avait creusé les comptes des ménages et dévasté les familles. Il avait donc dû être retiré. Le gouvernement s’était inquiété aussi du fait qu’il avait surtout stimulé l’importation de biens de consommation. A l’époque, après la crise des "supprimes" et la chute des recettes pétrolières de 2009, le gouvernement était pris de panique à l’idée d’un effondrement des réserves en devises. Evidemment et contrairement à ses déclarations, sa loi de Finances complémentaires de 2009 ne pouvait nullement mettre un frein à la hausse continue des importations. Il ne s’était pas attaqué à ses causes, à la racine du mal : l’accaparement de la plus grande partie des recettes d’exportation des hydrocarbures par une minorité de riches trafiquants et bourgeois. Des devises dépensées dans l’importation de biens superflus aux dépens de la relance du développement économique productif et, principalement, de l’industrialisation.
Mais, penser que ce type de crédit était enterré et définitivement banni de notre pays, c’était aller vite en besogne …La loi de finances 2015, dont le véritable objectif est de serrer la vis aux travailleurs, pour soi-disant faire face à la chute des revenus pétroliers, l’a remis en selle alors qu’on s’attendait à des mesures destinées à réduire les importations.
Exhumé, après l’abrogation de l’article 75 de la loi de finances 2009 qui l’avait institué, le crédit à la consommation devra être réhabilité juridiquement.
En dépit des désastres qu’il avait occasionnés, le crédit à la consommation est présenté par le gouvernement Sellal comme la solution magique pour stimuler la croissance.
L’association des banques a donc été chargée de présenter un nouveau dispositif, mieux réglementé dit-on, afin d’éviter les déconvenues de la première expérience.
Selon l’étude présentée, le nouveau crédit ne sera souscrit que pour les produits fabriqués par les entreprises durablement installées en Algérie et intégrées au circuit de production nationale à un taux minimum de 40 %. En sont donc exclues, les entreprises ne pratiquant que la revente des produits importés.
Les entreprises éligibles au système de crédit, doivent présenter une situation fiscale et sociale claire et régulière.
Le véhicule de montage Renault "symbol" semble le produit de prédilection de ce crédit à la consommation. En fait, à voir tous les projets d’assemblage que montent des affairistes locaux avec des entreprises étrangères, tout indique que la relance de ce crédit n’est conçue que pour accroitre les profits de ces dernières et de leurs associés haut placés bien camouflés derrière des prête-noms.
Sur le plan financier, le crédit à la consommation fixe un plafond de 70% du prix du bien. Les ménages ne disposant pas d’épargne pour les 30% complémentaires devront à l’évidence s’endetter encore auprès de leurs familles.
Les taux d’intérêt auprès des banques seront librement négociés. Une fourchette de 10% est annoncée et les échéances mensuelles de remboursement sont fixées selon un taux maximum de 30% des revenus des ménages emprunteurs.
Pour déjouer la "riba", interdite en Islam, car assimilée à l’usure, la banque Al-Baraka présente à ses clients un intérêt de 8%, qu’elle qualifie d’opération commerciale. Et ainsi le tour est joué : plus de "riba" !
Or, chacun sait que par définition les banques pratiquent le crédit avec des taux d’intérêts usuraires.
La manne est importante et alléchante. C’est la ruée des banques européennes vers l’Algérie, notamment de l’établissement financier CETELEM, connu pour les dégâts qu’il a occasionnés à des pans entiers de la société en France où des familles se retrouvent régulièrement devant les tribunaux pour faillite personnelle.
Le crédit à la consommation, aux méfaits tentaculaires, aura donc des conséquences dévastatrices sur les ménages sur les plans social et économique.
Le travailleur sera ponctionné mensuellement jusqu’à 30% de son salaire pour rembourser son crédit.
Il devra vivre et travailler durant de très longues années avec une épée de Damoclès sur la tête, taillable et corvéable à merci.
Il devra se résigner aux ajustements des salaires, au sur-travail non rémunéré, aux conditions de travail les plus dures, et plus grave, se détourner de toute possibilité de se syndiquer …
Il vivra dans l’angoisse de perdre son emploi.
Cette précarisation a justement pour objectif de répandre la peur pour obtenir la soumission totale du travailleur qui aura du mal à acquérir la conscience de classes. Car, la bourgeoisie cherche par ce biais à briser l’unité et la combativité des travailleurs terrorisés par la hantise de ne pouvoir faire face aux échéances mensuelles impliquées par l’énorme crédit contracté.
Outre que le crédit amenuise les possibilités de garantir le minimum aux familles, il va les dévaster. Elles se retrouvent fragilisées, atomisées, apeurées par des lendemains de plus en durs. Elles auront tendance à se replier sur elles-mêmes, à s’isoler de plus en plus.
Les familles ouvrières seront affaiblies. Leurs capacités combatives en seront atteintes.
Et en guise d’épilogue, se présentera au domicile, l’huissier de justice, ce personnage sombre et moyenâgeux dont la seule évocation suffit à plonger les familles endettées dans une terreur sans nom. Ce personnage sinistre réhabilité sous le règne de Chadli Bendjedid, est de retour pour procéder à la saisie de tout ce qu’il aura sous la main, de la fourchette à la banquette sur laquelle dorment les enfants en passant bien évidemment pas le bien acquis par un crédit déjà plusieurs fois payé grâce aux intérêts mais dont le principal est toujours là, invariable.
Faire croire que le crédit à la consommation va faire démarrer la croissance est bien fallacieux. Et c’est une façon de plus pour tromper les plus faibles.
Pour la croissance promise, le plus humble des Algériens sait que la seule valable est la production et par conséquent la remise en marche de l’industrie existante et le développement des secteurs de l’industrie agricole.
La loi de finances 2015 est très dangereuse pour les travailleurs. A eux de se battre. Ils n’ont pas d’autres choix pour protéger leur pouvoir d’achat, la sécurité de leur emploi, leur dignité, l’avenir de leurs enfants touchés en grand nombre par un chômage. Une situation de précarité permanente qui aurait pu être résorbée depuis longtemps si l’argent du pétrole avait servi à créer une base productive solide et si les rapports sociaux fondés sur la recherche du profit aux dépens des travailleurs avaient été abolis et remplacés par des rapports d’entraide et de fraternité que seul un régime socialiste rend possible.
Ce n’est pas un régime qui va de génuflexions en génuflexions devant la finance impérialiste internationale qui peut sauver le pays.
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Kh. S
02.03.16