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Les « sauveurs » de l’Irak
samedi 16 août 2014
Les premiers bombardiers qui, en Irak, ont attaqué, le 8 août, des objectifs dans la zone contrôlée par l’ISIS, ont décollé du porte-avions baptisé « George H. W. Bush », en l’honneur du président républicain, instigateur, en 1991, de la première guerre contre l’Irak.
Continuée par son fils, George W. Bush, qui en 2003 attaqua et occupa le pays, en accusant Saddam Hussein (sur la base de « preuves » qui se sont ensuite révélés fausses) de posséder des armes de destruction de masse et de soutenir Al Qaida. Après voir employé dans la guerre intérieure en Irak plus d’un million de soldats, plus des centaines de milliers d’alliés et de contractors, les Etats-Unis en sont sortis substantiellement vaincus, sans arriver à réaliser l’objectif de plein contrôle de ce pays, de première importance par sa position géostratégique au Moyen-Orient et ses réserves pétrolifères.
C’est là qu’entre en scène le président démocrate (et Prix Nobel de la paix) Barack Obama, qui en août 2010 annonce le début du retrait des troupes étasuniennes et alliées et la naissance en Irak d’une « aube nouvelle ». Aube rouge sang en réalité, qui signe le passage de la guerre ouverte à celle secrète, que les Usa étendent à la Syrie, frontalière avec l’Irak. Dans ce cadre se forme l’Isis (État Islamique de l’Irak et de la Syrie, ou EIIL) qui, tout en se déclarant ennemi juré des États-Unis est en fait fonctionnel à leur stratégie. Ce n’est pas un hasard si l’Isis a construit le gros de ses forces justement en Syrie, où nombre de ses chefs et militants sont arrivés après avoir fait partie des formations islamistes libyennes qui, d’abord classées terroristes, ont été armées, entraînées et financées par les services secrets étasuniens pour renverser Kadhafi. S’étant unis à des militants en majorité non-syriens – provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie et autres pays – ils ont été approvisionnés en armes avec un réseau organisé par la Cia, et infiltrés en Syrie surtout à travers la Turquie pour renverser le président Assad.
De là l’Isis a commencé son avancée en Irak, en attaquant notamment les populations chrétiennes. Il a ainsi fourni à Washington, resté jusque là officiellement spectateur en exprimant tout au plus de « fortes préoccupations », la possibilité de commencer la troisième guerre d’Irak (même si Obama, évidemment, ne la définit pas comme telle). Comme il l’a déclaré en mai dernier, les États-Unis utilisent la force militaire dans deux scénarios : quand leurs citoyens ou intérêts sont menacés ; quand se produit une « crise humanitaire » de proportions telles qu’il est impossible de rester à regarder sans rien faire.
Après avoir provoqué en plus de vingt ans, par la guerre et l’embargo, la mort de millions de civils irakiens, les États-Unis se présentent maintenant aux yeux du monde comme les sauveurs du peuple irakien. Il s’agit – a précisé Obama – d’« un projet à long terme ». Pour la nouvelle offensive aérienne en Irak, le Commandement central étasunien (dont l’« aire de responsabilité » comprend le Moyen-Orient) dispose déjà de 100 avions et 8 navires de guerre, mais il peut utiliser beaucoup d’autres forces, notamment les 10 000 soldats basés au Koweit et 2 000 marines embarqués.
Les États-Unis relancent ainsi leur stratégie pour le contrôle de l’Irak, y compris pour empêcher la Chine, qui a établi de forts liens avec Bagdad par l’intermédiaire du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, d’accroître sa présence économique dans le pays. Dans ce cadre Washington a tout intérêt à la partition de fait du pays en trois régions – kurde, sunnite et chiite – plus facilement contrôlables. Dans ce sillage, la ministre italienne des Affaires étrangères Mogherini promet un « soutien y compris militaire au gouvernement kurde », mais pas au gouvernement central de Bagdad.
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Manlio Dinucci
Edition de mardi 12 août 2014 de il manifesto
http://ilmanifesto.info/i-salvatori-delliraq/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio