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Madjid KHATRI, moudjahid et baroudeur de la première heure, est décédé à El Kseur à 74 ans

vendredi 14 novembre 2014, par Alger républicain

Témoignage de Djoudi ATTOUMI [1]

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Madjid Khatri (à gauche) avec Djoudi Attoumi

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La Wilaya III historique vient de perdre un de ses hommes de valeur, victime d’une crise cardiaque, Madjid Khatri, né en 1940 à El Kseur, une ville de colonisation dans la vallée de la Soummam. Malgré son jeune âge, il intégra la cellule du FLN (Front de Libération Nationale) de la ville tout au début de la Révolution.

Après son démantèlement au milieu de l’année 1956, il rejoint les maquis en même temps qu’un certain nombre de militants recherchés ; c’est ce qu’on appela « le groupe d’El Kseur » au sein duquel, il y avait ses aînés, comme Salhi Hocine, Tahar Amirouchen, Arezki Oukmamou et son frère Hocine, Mokrane Harani, Kamel Chikhi et tant d’autres. Ils deviendront tous des officiers de valeur au sein de l’ALN (Armée de Libération Nationale).

A ses débuts au sein des moudjahidine, il sera affecté dans des unités combattantes où il se révéla un baroudeur, un combattant discipliné, un homme de valeur apte à prendre des responsabilités au sein de l’ALN et du FLN dont les maquis avaient tellement besoin.

Sa dernière unité fut le commando de choc de la Région 3 où il se distingua lors de nombreuses actions militaires sur la Route nationale n°26 au niveau d’Ighzer Amokrane, Laâzib, Akbou, Tazmalt. Cette unité d’élite avait alors fait trembler l’ennemi qui ne circulait que par des convois escortés par l’aviation.

Un homme de valeur

Au cours de la célèbre bataille d’Iamourène, douar Ighram, près d’Akbou en juin 1958, une compagnie du bataillon de choc de la Wilaya III affrontait des milliers de parachutistes, de légionnaires, soutenus par l’aviation et l’artillerie ; ce jour-là , des dizaines de bidons de napalm furent largués sur les positions des moudjahidine.

Madjid Khatri était là , au milieu des hommes, face à l’ennemi : les combats faisaient rage, avec une farouche résistance de nos combattants ; les soldats ennemis après avoir ingurgité de la gnôle, une eau de vie très forte, avançaient et se faisaient à chaque fois faucher par les mitrailleuses et les armes de nos vaillants combattants. Le même scénario se répéta jusqu’à la tombée de la nuit. Et tout au long de ces combats, Madjid Khatri se révéla un brave, sans flancher, sans se retirer de l’enfer du feu nourri de l’ennemi et de l’enfer provoqué par l’artillerie et l’aviation.

L’armée coloniale perdit plus d’une centaine d’hommes, alors que 29 moudjahidine tombèrent au champ d’honneur, calcinés par le napalm ou déchiquetés par l’artillerie ou l’aviation ; parmi ces héros, il y avait l’aspirant Saïd Bellil dit « l’Indochine », Arouche Ali dit « Ali Baba » et d’autres braves. Vers la fin de l’année 1959, Si Madjid dut rejoindre l’Akfadou pour être aux côtés du lieutenant Zioual Allaoua, chef militaire de la Zone 2 devenu également président des congressistes ou « des officiers libres » où il sera un acteur et un témoin privilégié.

D’ailleurs, il livra, quelques mois avant sa mort, son témoignage dans quatre émissions à la Radio Soummam. Son parcours militaire ne s’arrêta pas là. Après le règlement de l’affaire « des officiers libres » pour le grand bonheur des responsables et des combattants de la Wilaya III, le défunt accompagna son chef au sein d’un groupe de combattants de valeur, comme Krimat Abdelkader, Bouzidi Tayeb, Ahcène Moussouni, Abderahmane Bordji pour une tournée en Zone 1 et précisément dans la région de Djaâfra. Ce groupe accompagnateur sous le commandement du lieutenant Zioual Allaoua reçut une information de haute importance. Il s’agissait d’un harki gagné à la cause nationale qui était disposé à les aider à investir le poste militaire d’Ighil Amar afin de s’emparer des hommes et des armes. Après une première tentative qui a échoué, le poste fut finalement enlevé vers novembre 1961, en présence de certains responsables locaux comme Si Brahim Belarbi.

Une fois de plus, Madjid Khatri était dans le feu de l’action. Et grâce au courage de chacun des membres de ce groupe, une vingtaine d’armes furent emportées, en même temps qu’une grande quantité de munitions.

Pour la première fois dans l’histoire de l’ALN, les huit appelés français dont un maréchal des logis servant dans le poste furent ligotés et laissés sains et saufs, pour leur grand bonheur et celui de leurs familles. Tous les harkis au nombre de vingt-trois (23) accompagnèrent les moudjahidine avec leurs armes. Le butin de guerre se composait de 30 fusils US 17, 7 PM MAT 49 et 7 fusils Garant. Quelques jours seulement après cette action héroïque, le lieutenant Zioual Allaoua trouva la mort les armes à la main dans la même région de Djaâfra.

Le groupe revint en Zone 2 et ce fut à cette occasion que Madjid Khatri fut affecté comme membre du comité de la Région 4. Ensemble, nous nous sommes attelés à reconstituer nos structures dans cette région durement touchée par l’opération « Jumelles ». Avec Zane Boualem notre chef de région, Belkacem Benseghir, Chekabi Larbi, Dellys Abdallah, Amirouche Méziane, Smail Benaoudia, etc … nous avons ensemble réorganisé cette région, le coeur de la vallée de la Soummam et avions investi les villes d’Ighzer Amokrane, Akbou, Tazmalt et rétabli la confiance de la population envers les moudjahidine.

Démobilisé à l’indépendance sur sa demande

Désormais, l’ALN avait repris l’initiative sur le terrain et triomphé dans plusieurs actions.Ensemble, avec Madjid Khatri, nous avons continué le combat, non sans escarmouches, accrochages et embuscades contre l’ennemi jusqu’au 19 mars 1962 qui a proclamé la fin de la guerre.

Aussitôt après, le défunt fut démobilisé sur sa demande pour participer à l’édification du pays et entre autres, en qualité de responsable au sein de la direction du transport Sonatrach de Béjaïa jusqu’en 1985, date de sa mise à la retraite.

Madjid Khatri est resté fidèle à ses principes : honnêteté, intégrité et fidélité l’accompagneront jusqu’au dernier jour de sa vie. En ce dimanche 12 octobre de nombreux anciens compagnons d’armes, des responsables de l’ONM de la wilaya et des citoyens de la région accompagnèrent Si Madjid, l’ancien moudjahid au cimetière d’El Kseur pour y être inhumé aux côtés de ses aïeux. Ce fut Aslat Méziane, ancien chef militaire de la Zone 2 qui eut le privilège de prononcer l’oraison funèbre en mettant en valeur le glorieux parcours du défunt.

Ainsi, Madjid Khatri est parti rejoindre ses compagnons d’armes tombés dans les combats, pour la plupart à ses côtés.

Le défunt laissa un grand vide au sein de sa famille, de ses anciens compagnons d’armes et des citoyens de toute la région.

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Témoignage de Djoudi ATTOUMI - Ancien officier de l’ALN, 1956-1962 - Ecrivain


[1Ancien officier de l’ALN, 1956-1962 - Ecrivain