1er mai 2019 : journée de lutte internationale contre l’exploitation, journée de tous les espoirs

mercredi 1er mai 2019
par  Alger republicain

Le mouvement populaire du 22 février contre Bouteflika, déchu de son piédestal depuis, et plus fondamentalement contre l’ensemble du pouvoir d’Etat, résumé par la formule cinglante « yetnahaw gaa » (ils doivent tous être enlevés), ce mouvement populaire a fait sauter tous les interdits au droit de manifester dans les rues.
Ouyahia, l’ancien chef du gouvernement, qui fanfaronnait en prévenant les citoyens que le pouvoir savait disperser les manifestations illico presto, doit aujourd’hui se mordre les doigts en méditant les leçons de l’histoire. Non seulement il n’a pu étouffer ces manifestations contre le 5e mandat de Bouteflika , mais il a été emporté par le fleuve populaire auquel il ne s’attendait pas.
Qui plus est, les manifestants qu’il narguait de sa toute puissance l’attendent aujourd’hui devant le tribunal pour exiger qu’il soit jeté dans la prison d’El Harrach. La colère populaire qui montait inexorablement depuis des années contre la corruption, le pillage de la nation, les inégalités sociales, l’écrasement des petits, l’arbitraire et la morgue du pouvoir et de ses créatures, a explosé. Les puissants d’il y a quelques semaines tremblent à l’idée qu’ils vont finir en prison.

Sous prétexte de sécurité contre la menace des hordes obscurantistes, le pouvoir avait interdit les manifestations de rue depuis 1992. A la veille du lancement du plan de démantèlement des conquêtes sociales des travailleurs et du bradage du secteur public, le pouvoir faisait l’amalgame entre l’expression des besoins démocratiques des masses populaires et les tentatives de prise du pouvoir par les tenants de l’ordre théocratique. Ainsi les défilés traditionnels du 1er mai ont été interdits. Le régime des oligarques a cru qu’il allait effacer à jamais de la mémoire ouvrière cette grande journée internationale de lutte du prolétariat mondial contre l’exploitation capitaliste, la domination et les ingérences impérialistes. Pour clouer ce qu’il pensait être le cercueil des luttes sociales, il a fait de la journée du 1er mai la journée du championnat du ballon rond avec l’arrière-pensée d’éteindre ainsi la conscience politique des jeunes dans les stades.

Vains calculs et brutal réveil. Avec ou sans la permission du pouvoir encore en place, son « excellence » le peuple a décidé à travers les syndicats de renouer avec les traditions ouvrières. Aujourd’hui, partout dans le pays, les ouvriers et les fonctionnaires vont défiler dans les rues pour clamer leur rejet de ce régime, revendiquer l’avènement d’un pouvoir qui respectera leurs acquis, mettra fin aux injustices, aux inégalités sociales, à l’exploitation, à l’arbitraire, au vol des richesses du pays, au chômage, à la corruption.

Le processus révolutionnaire n’en est qu’à ses débuts.
Partout la classe ouvrière s’est levée pour réclamer ses droits et exiger le départ des corrompus dans les entreprises publiques. Le mouvement va s’étendre. Les défenseurs du capitalisme ont des sueurs froides. Ils voudraient que le mouvement se limite à remplacer des responsables discrédités, haïs, par de nouvelles têtes afin que la bourgeoisie ne soit pas saisie de peur à l’idée que ses privilèges soient remis en cause. Dans les coulisses, les différentes fractions au pouvoir, ou exclues de l’accès direct aux leviers de ce pouvoir, cherchent des compromis entre elles pour trouver le moyen d’étouffer la montée des luttes ouvrières ou au moins de les dévoyer dans de fausses pistes. Leur trouvaille politique répétée à travers les journaux et les chaînes de TV est de laisser de côté les revendications qui « divisent le mouvement ». Voilà la formule joliment imaginée pour amener le mouvement ouvrier à accepter de se mettre sagement à leur remorque et attende patiemment que la fameuse 2e République lui donne le droit de désigner des élus qui exposeront leurs revendications devant des instances « légitimes ». Un stratagème élaboré par les intellectuels de la bourgeoisie pour que la classe ouvrière, prenant conscience de sa force n’en arrive pas à comprendre qu’il faut s’attaquer aux bases mêmes du régime de la bourgeoisie qu’elle soit mafieuse ou prétendument « honnête », despotique ou « démocratique ».

Les grands bonds en avant des société, les conquêtes sociales et politiques populaires et ouvrières ne se décident pas dans les prétoires des parlements où par la force de l’habitude et sous la domination idéologique des possédants, trônent en majorité les représentants des classes exploiteuses résolues à briser les aspirations des classes dominées. Ils sont tranchés par les luttes sous toutes les formes contre les exploiteurs et les oppresseurs, par les grèves, les manifestations, l’occupation des lieux de travail, l’expulsion des exploiteurs, la prise en main directe de la source des richesses.

C’est ce grandiose bond en avant que la classe ouvrière et ses alliés dans les couches populaires laborieuses vont effectuer. Ce bond en avant pose le problème de la rupture avec l’ordre capitaliste existant, un ordre d’autant plus repoussé instinctivement par les masses populaires qu’il est frappé par les stigmates de la domination impérialiste, les méthodes mafieuses de gouvernement, le cynisme des voleurs des biens de la nation, la course aux profits rapides et faciles, la banalisation de la corruption.

La relance de la construction d’une économie productive, l’élimination du chômage, la satisfaction de l’immense revendication de justice sociale et d’une vie matérielle et culturelle dans la dignité, toutes ces aspirations ne peuvent être satisfaites par le capitalisme fût-il le plus moderne et le plus « démocratique ». L’époque de l’impérialisme est celle du pourrissement général, des ingérences, des agressions violentes, des guerres, du retour au 19 ème siècle antisocial.

La lutte idéologique et politique pour que le mouvement ouvrier s’élève à la conscience qu’il ne faut pas ce contenter de replâtrage, de jeter en prison les voleurs, de changer de dirigeants sans révolutionner les bases du système économique, cette lutte est à l’ordre du jour pour toutes les forces de progrès authentiques. Il faut reposer la question de la réhabilitation de l’idéal d’une société sans classe, d’une société socialiste débarrassée de l’exploitation de l’homme par l’homme. Au fond c’est à cela que les travailleurs aspirent spontanément en dépit du poids de la propagande antisocialiste.

Zoheir Bessa
1er mai 2019