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Geste de colère à Ouargla Des jeunes chômeurs se cousent les lèvres
samedi 13 février 2016, par
Après les immolations, les tentatives de suicide et un sit-in de trois semaines, apparaissent maintenant les jeunes chômeurs d’Ouargla, ceux qui se cousent la bouche pour exprimer leur révolte. C’est leur manière à eux de manifester leur mécontentement. En effet, trois ans après la grande marche qu’ils avaient organisée et malgré les promesses, les soi-disant mesures pour l’emploi, les jeunes ne sortent toujours pas du chômage.
Et il faut le dire : le chômage, l’injustice affreuse que subit cette jeunesse, sa vie brisée avant de commencer, la mal vie et l’impossibilité de trouver un quelconque recours face à leurs légitimes demandes ; c’est le capitalisme décrété par le pouvoir.
Et ce honteux mépris, rapporté par le correspondant local d’un quotidien, mépris avilissant de ces propos pour leur auteur, affichés par le responsable de l’ANEM de la wilaya :"Va te suicider, je t’apporterai moi-même de l’essence pour te brûler." Un tel discours nous ramène vraiment revenu au temps honni du colonialisme. Comment un responsable peut-il tenir de tels propos ? Ce sont ces mots impitoyables, inhumains et insupportables qui ont poussé ces jeunes chômeurs à entreprendre cette forme de lutte, probablement peu orthodoxe et extrême, pour que leurs revendications ne soient plus ignorées.
Cette action inimaginable, n’a néanmoins peut-être pas été totalement négative. Le chef de la Sureté de la wilaya s’est engagé à leur trouvé un emploi d’ici le 20 de ce mois. Cette promesse restera-t-elle comme les autres à l’état de promesse ? Mais, entre parenthèses, une question reste posée : depuis quand un chef de la sureté est-il habilité à régler le problème du chômage ? N’existe-t-il pas d’autres institutions spécialisées dans ce domaine ?
De toutes les manières, quelques soient les promesses, elles ne réduisent pas la combativité de ces jeunes, encore optimistes, et décidés à poursuivre leur lutte jusqu’à satisfaction de leurs justes revendications.
Par ailleurs, il faut le souligner, ces jeunes chômeurs ont fait preuve d’une grande lucidité et de maturité en rappelant que les autorités sont mal placées pour leur prodiguer des conseils alors que règnent là comme ailleurs le clientélisme et les passe-droits. L’un d’eux, Toufik Moqadem, précise : "Les Maliens sont des ressortissants étrangers qui fuient la guerre et la misère dans leur pays. Ils sont poussés à travailler dans des conditions d’esclavage". il ajoute : Nous, nous refusons de travailler sans salaire fixe et sans assurance… Nous sommes les sans-voix que tout le monde oublie, une bouche cousue est encore plus éloquente qu’une bouche qui parle à des responsables aphones ».
Un autre chômeur, Salah Nemer révèle : « Quand ils nous reçoivent, le ministre, le wali, le chef de cabinet nous appellent tous ‘‘Ya ouladi’’ . Je ne veux pas être leur enfant, je veux juste être un citoyen normal avec un travail fixe, un foyer, un avenir… Je refuse de dormir sur un pipeline et de mendier un misérable salaire chez un privé ou un propriétaire terrien »,
On voit que ces jeunes chômeurs malgré leur bouche cousue n’ont pas leur langue dans la poche, ils savent de quoi ils parlent !
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Abdelkader Hamidou
12.02.16