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Grève de la faim des travailleurs de la Cimenterie Lafarge de Oggaz à Mascara

lundi 7 avril 2014, par Alger républicain

Son directeur de sécurité piétine le drapeau algérien et continue à menacer les grévistes de la faim

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Dix-sept travailleurs de la cimenterie Lafarge d’Oggaz, dans la wilaya de Mascara, suspendus " à titre conservatoire" par les patrons de l’usine depuis la fin novembre 2013, poursuivent leur grève de la faim. Leur suspension est arbitraire. Elle est contraire au règlement intérieur qui stipule qu’une suspension ne doit pas dépasser 60 jours. Or, cette suspension entre aujourd’hui dans son sixième mois et la direction de l’usine ne veut toujours pas l’annuler.

Les conflits ont commencé au lendemain du rachat de l’usine par Lafarge. Elle avait été construite en 2007 par Orascom avec l’argent des banques algériennes publiques. Le nouveau patron a décidé qu’il ne peut garder que 250 travailleurs sur les 837 qui étaient employés. D’où une pluie de sanctions, pour un oui ou un non, afin de mettre à la porte l’effectif jugé "excédentaire". La pression permanente sur les travailleurs, telle est la stratégie des nouveaux patrons qui se révèlent plus féroces que les Egyptiens, peut-être parce que Lafarge a une revanche à prendre sur l’Algérie. Il veut faire payer chèrement aux travailleurs algériens la nationalisation de la cimenterie de Raïs Hamidou, à Alger, que Boumediène avait décidée en 1970 en réponse au refus des Français de contribuer à la réussite des plans de développement en réinvestissant leurs profits dans le secteur du ciment qui manquait cruellement.

Des sanctions s’abattent sur les ouvriers pour des faits sans aucun lien avec la discipline de travail ou le respect du règlement intérieur.

Exemples flagrants de ce climat de terreur :

 mise à pied d’un travailleur surpris un sandwich à la main en sortant de la cantine,

 ou d’un autre qui s’était assis à l’arrière d’un véhicule mais n’avait pas mis la ceinture de sécurité !

Le directeur de sécurité de Lafarge déchire et piétine l’emblème national mais les autorités ne réagissent pas.

Les brimades arbitraires ont atteint un tel point que la colère des travailleurs a fini par exploser en février 2103. Ils arrêtent le travail pendant dix jours. Ils exigent le respect de leur dignité et des augmentations salariales. Lors d’un de leurs rassemblements, le directeur de sécurité, un ancien militaire commandant dans la marine en Arabie Saoudite, veut étaler tout le mépris qu’il a pour les travailleurs et leur pays. Alors qu’ils étaient plus de 400 à se regrouper, il déchire et piétine l’emblème national sous les yeux des gendarmes qui n’interviennent pas. Une dizaine de travailleurs décident de déposer plainte au tribunal contre lui pour cette atteinte au symbole national. Peut-être que les travailleurs avaient-ils pensé qu’un tel acte, bien plus grave que le dessin d’un caricaturiste jugé offensant pour la personne du chef de l’État, allait mener tout droit et aussi vite en prison son auteur que le dessinateur ? Mais il ne se produisit rien de tel. Enhardi, l’ancien commandant de marine français réplique aussitôt. Il dépose plainte contre eux sur la base d’accusations fausses, fabriquées de toutes pièces. Puis il subordonne l’ouverture de négociations pour examiner leurs revendications au retrait de leur plainte.

Face au blocage, les travailleurs se sont retrouvés seuls. Sans aucun soutien, ils n’ont pas d’autre choix que de retirer leur plainte. Contre toute attente, la direction réagit traîtreusement. Elle ne respecte pas son engagement de renoncer à les poursuivre devant le tribunal. Les négociations sont bloquées. Les interventions des travailleurs auprès des instances supérieures de l’UGTA, du ministère du Travail, du chef du gouvernement, du Wali, n’aboutissent à rien. L’Inspection du travail elle-même, que les travailleurs saisissent à maintes reprises, refuse d’établir le procès-verbal de non-conciliation. Ce qui n’est pas une surprise pour tous ceux qui ont relevé dans d’autres conflits les mêmes attitudes contraire aux missions des inspections telles que définies par la loi. Alger républicain a déjà fait écho aux informations émanant de nombreux syndicalistes sur les instructions verbales illégalement données par le ministère du travail aux Inspections pour ne pas dresser ces procès-verbaux afin de casser les mouvements revendicatifs et de faciliter la condamnation des syndicalistes sous l’accusation de "grèves illégales".

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Le 28 novembre 2013, après plusieurs mois de vaines démarches, les travailleurs de la cimenterie décident collectivement d’arrêter le travail. Ce jour-là , par hasard, le wali de Mascara et l’ambassadeur de France se trouvaient dans l’usine pour la préparation de la visite des deux premiers ministres français et algérien qui doivent glorifier à cette occasion la "réussite" et le "caractère exemplaire" du partenariat économique algéro-français. Les travailleurs ont saisi cette opportunité pour faire part de leurs problèmes au wali. Il prend l’engagement de les recevoir à la fin de la visite. Une réunion a été ainsi tenue en présence de l’inspecteur du travail qui a été sommé par le wali d’établir le procès-verbal de non-conciliation qu’il se refusait de rédiger.

La section syndicale décide de tenir une assemblée générale le 4 décembre pour voter un préavis de grève. Mais, deux jours avant cette assemblée, l’UGTA décide de dissoudre la section syndicale pour tuer dans l’œuf la grève en préparation ! Une trahison sans nom !

Elle donne le signal attendu par le patron français pour prendre la décision de suspension dite "à titre conservatoire" des 17 travailleurs.
Aucune des démarches entreprises auprès des instances locales et nationales jusqu’au chef de gouvernement, n’ayant abouti, les travailleurs sanctionnés décident alors de se mettre en grève de la faim. Entamée le 9 mars, elle en est à son 27ème jour. Ces jours-ci, des membres de leurs familles, parents, femmes et enfants, inquiets de la dégradation de leur état de santé, ont décidé de leur tenir compagnie devant l’entrée de l’usine.

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Leur colère et leur déception sont incommensurables. Leurs propos sont pleins d’amertumes.

« Nous sommes au courant de tout ce qui se trame contre le peuple, nous savons qu’il y a des tentatives de vendre l’Algérie, ils cherchent à distraire par le foot les jeunes pour oublier leurs problèmes, ils se trompent, l’Algérie qui perdu un million et demi de ses enfants ne se laissera pas faire, ce sont nos parents à nous tous.  »

a clamé l’un des grévistes. Tout juste après, un appel téléphonique les informe d’une tentative de la gendarmerie pour évacuer les membres de leurs familles. La tension a augmenté de plusieurs crans et notre entrevue s’est arrêtée.

Voilà un exemple concret de ce que signifient réellement l’application du "pacte social" et le "climat des affaires" prônés par le patronat, soutenus par l’UGTA de Sidi Saïd et le gouvernement, tant vantés par la presse, les journalistes et éditorialistes pro-capitalistes.

L’élection présidentielle du 17 avril prochain réserve des surprises bien plus graves. Les propos de Benyounès, Ghoul, à Sellal, vantant les soi-disant réalisations sous leur règne ne peuvent pas cacher les graves dérapages qui mettent en danger l’avenir du pays. Comment peut-on parler d’une "Algérie forte et debout", comme ne cesse de le faire Sellal pendant toute la campagne électorale, alors qu’un vulgaire comandant d’une armée étrangère en retraite se permet de piétiner l’emblème national, et devant les membres de la gendarmerie, sans que que personne ne l’ait interpelé Seuls les travailleurs touchés dans leur dignité par cet acte inqualifiable ont été tout de suite déposer plainte devant le tribunal. Et depuis, ils n’arrêtent pas de vivre des misères et les persécutions. Aucun acte de dignité similaire à celui des travailleurs de Oggaz ne peut être attendu de Sellal ni de ses amis. Il ne peut être que l’œuvre de travailleurs jaloux de leur patrie.

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Aujourd’hui les travailleurs de la cimenterie Lafarge d’Oggaz se battent seuls. L’UGTA l’Inspection du Travail, les autorités administratives, les partis politiques, les groupes qui crient "Barakat !" devant les caméra de toutes les TV privées, etc., sont restés insensibles à leurs souffrances. Depuis quelques années des dizaines de luttes engagées par des travailleurs dans plusieurs usines et entreprises ont été écrasées par le patronat algérien ou étranger avec la complicité des autorités, de la police et de l’UGTA. La seule déduction à tirer de cette complicité est que des instructions ont été données à toutes les institutions en relation avec le monde du travail pour étouffer dans l’œuf toute revendication des travailleurs.

Il faut cependant noter que le tribunal n’a pas suivi le patron qui a exigé la condamnation des grévistes à lui verser chacun 23 milliards de centimes et des peines de prison pour "entrave à la liberté du travail".

Ce climat de terreur que les patrons veulent installer avec la complicité des pouvoir publics et de l’UGTA ne réussira pas à briser la volonté des travailleurs décidés à se faire entendre. Il sera vaincu car il n’est pas dans leur pouvoir d’empêcher l’unité et la solidarité agissante des travailleurs. L’histoire du mouvement ouvrier national et international à démontré que c’est la seule voie possible et inéluctable.

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Correspondance particulière

06.04.2014


"Loukil Djamila nous fait savoir qu’elle est l’auteur des photos qu’un expéditeur anonyme nous adressées sous la signature de Medioni-FaceBook. Dont acte et nous l’en remercions."