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70 ème anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale
vendredi 1er novembre 2024, par
Le 1er novembre 1954 à zéro heure, des centaines d’hommes répartis dans divers points du territoire algérien se lancèrent de façon coordonnée dans l’action armée contre le régime colonial. D’est à l’ouest, d’Alger jusqu’au plus profond de plaine de la Mitidja, diverses cibles symbolisant le colonialisme sont visées au cours de tirs d’intensités variables. Ces hommes animés par un courage extraordinaire étaient peu armés. Ils en étaient conscients. Le but essentiel était pour eux politique : faire bouger les masses populaires puis étendre la mobilisation sous toutes les formes, gagner l’opinion mondiale à la justesse de cette cause.
Les attaques les plus retentissantes eurent lieu dans les Aurès. Le matin même ; l’organisation qui avait mené ces opérations fit connaître son nom et ses objectifs. Le Front de Libération Nationale venait d’ouvrir une page glorieuse dans l’histoire de l’émancipation du peuple algérien et de la destruction d’un système colonial honni. En même temps, en engageant l’insurrection armée, il faisait accomplir un gigantesque bond en avant dans le processus de formation de la nation algérienne moderne.
Ainsi fut déclenchée la guerre de libération nationale du peuple algérien. Ce sera une guerre longue et meurtrière au cours de laquelle l’impérialisme français eut recours aux moyens les plus barbares pour tenter de mettre de nouveau à genoux le peuple algérien. Mais il ne put venir à bout de sa volonté d’arracher son indépendance. Il devra signer les Accords d’Evian le 18 mars 1962, presque huit ans après cette nuit de la Toussaint qui fera venir au monde l’Algérie et précipiter l’effondrement des colonies françaises de l’Afrique sub-saharienne.
La guerre de libération de l’Algérie fut l’une des plus grandes que connut le monde colonisé ou dominé par l’impérialisme franco-britannique, après la victoire de la révolution chinoise en 1949, le lourd compromis arraché par le peuple coréen en 1951 face aux troupes US débarquées en 1945 pour remplacer les impérialistes japonais, la cuisante défaite militaire de l’armée française dans la cuvette de Dien Bien Phu en mai de la même année, quelques mois seulement avant ce 1er Novembre. La défaite infligée au colonialisme français par un peuple décidé à mettre fin à son asservissement eut un profond retentissement au sein du peuple algérien lui-même. Elle renforça la certitude dans la justesse de leur combat chez ceux des patriotes qui étaient arrivés après les désillusions de 1936 à la conclusion que l’indépendance devait s’arracher par les armes. Ces patriotes s’étaient organisés depuis des années dans la clandestinité la plus stricte et se préparaient avec une détermination inébranlable à abattre par les armes un régime colonial que, de par sa nature économique, rien ne pouvait réformer. Le système colonial était cimenté par le racisme, le déni des droits les plus élémentaires des « indigènes », la répression féroce de toute revendication démocratique, y compris lorsqu’elle se limitait à réclamer une « assimilation » utopique. La raison d’être de ce système colonial était la dépossession des colonisés, l’accaparement de toutes les richesses du pays, la constitution d’un solide tremplin pour l’asservissement de l’Afrique, l’exploitation forcenée des paysans prolétarisés par la grande bourgeoisie française et les gros colons, voire même leur élimination en tant que peuple et leur remplacement par une nuée d’immigrants, sans attache avec cette terre, attirés comme des mouches par le rêve insensé de sortir de leur misère sur le corps des « autochtones ». Le système colonial ne pouvait envisager aucune concession aux « indigènes », pas même à ceux qui s’étaient fait un devoir de s’imprégner de la culture française et imploraient ridiculement les colonialistes de respecter les « valeurs républicaines » de la Révolution française.
Le 1er Novembre fut l’oeuvre de ces valeureux patriotes qui étaient arrivés à la conclusion que le temps de la voie électorale pacifique, dont les règles étaient systématiquement bafouées par le colonisateurs, était révolu. Les membres de l’Organisation spéciale, créée puis lâchée, par les dirigeants du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, ces militants pourchassés, emprisonnés, réduits durant des années à une stricte clandestinité, refusant de se mettre à la remorque des querelles qui déchiraient leur parti d’origine, ont senti instinctivement au printemps 1954 qu’une opportunité historique étaient en train de s’ouvrir pour engager le combat libérateur décisif. Peu nombreux, très mal armés, ils ont eu le mérite d’être au bon moment au rendez-vous avec l’Histoire. Peu d’entre eux pensaient à survivre dans ce combat du pot de terre contre le pot de fer. Didouche Mourad, l’un des Six artisans du 1er Novembre, aux côtés de Ben Boulaïd, Ben Mhidi, Bitat, Krim, Boudiaf, avait laissé un message : « Si l’on venait à mourir, défendez notre mémoire ». Il s’avait que les détracteurs des préparatifs de la lutte armée s’employaient à les discréditer, à saboter leur travail en les qualifiant d’aventuriers, à cracher sur leur tombe. Didouche et ses compagnons ne rêvaient en cette nuit du 1er Novembre à aucune victoire militaire. Le but qu’ils voulaient atteindre était d’abord politique : mettre en mouvement le peuple, lui donner confiance dans ses capacités à arracher sa libération nationale, le sortir de la torpeur et de la résignation face aux querelles intestines et surtout face au mythe de l’invincibilité de la 4 ème puissance militaire du monde, en un mot faire participer tout le peuple dans un combat impitoyable après 124 ans d’une cruelle oppression coloniale.
L’histoire leur a donné raison.
Le 1er Novembre n’a pas surgi du néant. Il a été préparé par des décennies de luttes sous des formes multiples, par la capitalisation des enseignements d’une expérience collective.
Toutes les forces politiques surgies des entrailles de la société ont contribué d’une façon ou d’une autre, de façon complémentaire et à des degrés divers à son avènement. Et en ont payé le prix : nationalistes, réformistes, Oulémas, communistes.
Près de huit ans de guerre atroce, un million de chahids, mais au bout une Nation est venue au monde.
Les promesses de ce combat national collectif héroïque ont été en partie tenues. La satisfaction des aspirations sociales des masses laborieuses reste à réaliser dans une société où des enjeux de classe nouveau sont désormais posés.
Le 1er Novembre est un jalon dans l’Histoire de l’émancipation des masses populaires, dans leur longue marche vers un monde débarrassé de l’oppression, de l’exploitation, racines des guerres et des haines.
Gloire éternelle aux artisans du 1er Novembre 1954 !
Gloire à tous les martyrs de la Guerre de libération !
Zoheir BESSA