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un « journal pas comme les autres » de Boualem Khalfa

samedi 8 août 2009, par Alger républicain

Message aux participants au colloque organisé par la Fondation des Amis de Benzine sur le journal « Alger républicain » les 4 et 5 mars 2009

Je salue très amicalement l’ensemble des participants à ce colloque, particulièrement les membres de la famille de Abdelhamid Benzine qui fut mon camarade et ami durant plus de 50 ans.

C’est moi en effet qui l’ai accueilli en 1953 à « Alger républicain » dont il devait gravir tous les échelons de responsabilités jusqu’à celui de directeur en 1990.
A l’hommage que nous lui rendons aujourd’hui, je voudrai associer le souvenir de son frère Abderrahmane, également ancien collaborateur d’ « Alger républicain », mort au maquis en tant que combattant de l’Armée de libération nationale.

Hommage aussi à nos sept autres camarades tombés dans la lutte pour la libération de notre patrie. Je rappelle leurs noms : Maillot, Choukal, Benamara, Khalouf, Raffini, Belkacem, Aït Saâda. J’aurais voulu prononcer cet hommage de vive voix. Mais, hélas !, une crise de rhumatisme aiguë ne me permet pas de me déplacer. J’en suis très contrarié, d’autant qu’en tant que doyen d’ « Alger républicain », puisqu’entré au journal en 1943, j’aurais pu apporter des informations et des précisions sur tel ou tel événement concernant le journal quotidien le plus ancien du mouvement national puisque né en 1938. J’ai connu « Alger républicain » dès cette date puisque mon père le lisait. J’ai ainsi pu lire à l’époque les articles sur les procès intentés au Cheikh El Okbi, un des dirigeants de l’Association des Oulémas et à l’industriel Abbas Ettorki, victimes tous deux d’un complot colonialiste. Ce fut mon premier contact, à un très jeune âge, avec les problèmes politiques.

« Alger républicain » fut contraint de cesser de paraître en mai 1940, dès la défaite de l’armée française au début de la seconde guerre mondiale. Il ne reparut qu’en 1943 sous la direction de Michel Rouzé, avec un conseil d’administration qui comportait une majorité d’actionnaires socialistes. Cependant en 1947 cette majorité se modifia en faveur d’actionnaires d’obédience communiste. Et c’est ainsi que son orientation politique se modifia en faveur de la lutte plus ferme contre le colonialisme et pour l’indépendance de notre pays. C’est ainsi qu’ « Alger républicain » mena campagne contre la répression coloniale, pour la libération de Messali, dirigeant du PPA et du MTLD, Ferhat Abbas, secrétaire général de l’UDMA, Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA.

Pour « Alger républicain » l’action contre la répression coloniale fut permanente et connut des périodes d’activité intense, notamment après les massacres dans le Constantinois en mai 1945 et les milliers d’emprisonnements qui s’en suivirent. « Alger républicain » fut en quelque sorte, en tant que quotidien, le porte-parole du FADRL (Front Algérien pour la Défense et le Respect des Libertés). Ce front réunissait le MTLD, le PCA, l’UDMA, les Oulémas, les syndicats et des indépendants. Rien de plus normal puisqu’« Alger républicain » avait depuis de nombreuses années acquis sa place au sein du mouvement national algérien. Nos relations avec les partis nationalistes étaient bonnes et amicales. Nous avions un adversaire commun : le colonialisme, et un objectif commun : l’indépendance nationale. Cependant, nous avions sur certains plans politiques des positions différentes. « Alger républicain » militait pour le socialisme, contre l’impérialisme, contre l’exploitation de l’homme par l’homme, pour la terre aux paysans pauvres exploités par les gros propriétaires ou les riches industriels algériens. Si Abdelhamid Benzine a quitté le PPA pour adhérer au PCA c’est parce que ces partis, pas plus que les partis libéraux d’aujourd’hui, ne se préoccupaient de la situation des travailleurs exploités par les riches industriels algériens et des paysans pauvres par les gros propriétaires.

Ainsi quand il s’agissait de la lutte pour l’indépendance nous nous retrouvions dans les rangs de l’action. Mais sur les problèmes sociaux et parfois sur certaines questions d’ordre international nous pensions et agissions différemment les uns et les autres. Ainsi, aux élections cantonales de 1952, le MTLD, l’UDMA et le PCA se sont exprimés librement dans « Alger républicain ». Mais lorsqu’ensuite il s’est agi d’inviter les électeurs à se prononcer pour tel ou tel candidat nous leur avons conseillé de voter pour les candidats communistes parce que cela correspondait à la ligne d’« Alger républicain » : pour la libération nationale et contre le colonialisme, pour le socialisme et contre l’exploitation de l’homme par l’homme.

Autre exemple actuel. Lorsque le pétrole algérien a été privatisé en 2005, « Alger républicain » a publié des articles contre cette décision du pouvoir. Le signataire d’un de ces articles, un ancien premier ministre, avait pourtant précisé dans un de ses écrits qu’il était partisan du capitalisme. Nous sommes dans ce journal, hostiles pratiquement depuis toujours, au capitalisme. Mais « Alger républicain » a publié l’article de l’ancien ministre dénonçant la privatisation du pétrole. C’est cela la ligne de conduite de ce journal : soutenir toute position qui va dans le sens des intérêts du peuple et en particulier des travailleurs, et combattre toute position contraire à ces intérêts.

Quelles que soient les pressions qui se multiplient depuis la reparution de ce journal en 1989 pour le contraindre à rejoindre les rangs des journaux qui donnent la parole aux impérialistes (et parfois les sollicitent) et soutiennent les positions économiques et sociales du capitalisme exploiteur, « Alger républicain » restera fidèle à sa réputation d’un « journal pas comme les autres ».

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Boualem Khalfa