Fidel en famille

mardi 29 novembre 2016
par  Alger républicain

« Tant que l’impérialisme existera, le Parti, l’État et le peuple porteront une attention maximale aux services de la défense. Nous ne baissons jamais la garde révolutionnaire. L’Histoire enseigne avec une trop grande éloquence que ceux qui oublient ce principe ne survivent pas à l’erreur. »

Fidel Castro, Rapport central du 1er Congrès du Parti communiste, 1975

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Fidel dans les ateliers en conversation avec les typographes-linotypistes du quotidien Granma, et Jorge Enrique Mendoza, le directeur à l’époque, le 10 juin 1970. Photo : Valiente, Jorge

« Considérez-moi comme l’un des vôtres », a déclaré à l’occasion le commandant en chef en s’adressant aux journalistes cubains, et à un autre moment il a confié qu’auprès d’eux il se sentait comme en famille. Ces expressions, pour un homme qui durant toute sa vie a professé un respect inébranlable pour la vérité et un mépris profond pour la démagogie, témoignent de la sincérité d’un sentiment que nous pouvons évaluer si nous nous souvenons que la communication et la presse ont été indissociables de la pratique politique à laquelle Fidel s’est consacré dès son plus jeune âge.

Cette famille a grandi autour du leader de la Révolution avec les premiers compagnons qui lui apportèrent leur soutien dans les radio-meetings et dans la distribution de dizaines de milliers de lettres destinées aux membres du Parti orthodoxe, dans les reportages d’enquêtes et de dénonciation que les grands medias de la presse écrite publiaient pour leur impact. Plus tard, dans ses déclarations, à peine arrivé au campement de Santiago de Cuba, le

1er août 1953, ou ensuite avec l’impression et la distribution de son plaidoyer « L’Histoire m’acquittera ».
Cette famille s’élargit avec la création de Radio Rebelde dans la Sierra Maestra, au sein de la presse révolutionnaire qui suivit le triomphe de janvier 1959, s’étendit à d’autres pays après l’Opération vérité cette même année. Elle rassembla également des collègues qui travaillaient à la télévision et devint plus forte et plus nombreuse lorsqu’elle dut faire face à l’impérialisme yanqui et aux grands médias cubains opposés aux mesures prises au bénéfice du peuple, qui mettaient un terme au grands privilèges, aux anciennes injustices sociales et à la honteuse dépendance à une puissance étrangère.

Cependant, à des moments exceptionnels de l’histoire du processus révolutionnaire, c’est le journal Granma qui était chargé de donner simultanément les orientations aux directions des organisations de masse, aux institutions de l’État et au peuple à travers des éditoriaux, des articles et des nouvelles sur les différents événements. Le camarade Juan Marrero a raconté en détail l’un de ces moments, qui fut l’occasion d’une intense mobilisation à Cuba, dirigée par Fidel en personne. Depuis le journal, il nous appela à la solidarité envers le peuple frère du Pérou, victime d’un séisme destructeur en 1970.

Fidel intitula « Nous avons besoin de sang pour aider les Péruviens », l’un des deux éditoriaux qu’il écrivit et dans l’autre, dix jours plus tard, il annonça les 104 594 dons du sang volontaires de la part des Cubains. D’autres situations exceptionnelles exigèrent également que la direction politique du pays se déplace au journal Granma, comme par exemple, à la suite des événements déclenchés par la provocation à l’ambassade du Pérou, à La Havane, en mai 1980, et les réponses qui suivirent, notamment la marche du peuple combattant et l’autorisation d’émigrer donnée aux Cubains depuis la baie de Mariel.

La famille de Granma reçut de nombreuses leçons d’éthique, d’histoire et aussi de journalisme de la part du commandant en chef. Pour ce qui me concerne, la plus frappante de toutes, pour son caractère dramatique et son impact sur la Nation, et qui reflète l’intégrité de son caractère, fut sans doute lorsqu’au cours d’un meeting Fidel annonça qu’il serait impossible de respecter le plan prévu de récolter les 10 millions de tonnes de canne à sucre en 1970.
Dans la nuit, il arriva au journal et il écrivit à l’encre rouge et en caractères d’imprimerie sur l’envers d’un communiqué de presse le mot :

« Défaite ».

C’était sa proposition de grand titre pour la prochaine édition. Les journalistes présents n’approuvaient pas cette une pour la nouvelle du jour, car tout le monde connaissait son immense effort personnel et la prouesse nationale réalisée par des milliers de Cubains qui, même s’ils n’avaient atteint l’objectif, obtenaient une production de sucre sans précédent dans le pays.

Nous nous y opposions pour différentes raisons, mais il restait ferme. Son principal argument, d’une honnêteté impressionnante, était que la veille, lorsque l’on avait réussi à libérer les pêcheurs séquestrés par un commando terroriste, le principal journal cubain était paru avec une manchette qui prenait presque la moitié de la page en disant : « Victoire », et il quitta la rédaction sans que l’on puisse le convaincre.
La nuit de ce mois de mai était bien avancée lorsque Fidel revint et déclara : « Nous allons changer de titre ». La une du 20 fut plus instructive, courageuse et juste. On y assumait l’autocritique avec honneur et on appelait au combat : « Nous n’atteindrons pas les 10 millions ! ». « Nous avons travaillé intensément pour cela, nous avons consacré jusqu’au dernier atome de notre énergie, de nos pensées, de nos sentiments, et la seule chose qu’il me reste à dire à chaque Cubain, à celui que cette nouvelle blesse au plus profond, que cette même douleur, c’est la douleur que nous ressentons et la même douleur que ressentent tous nos camarades. »

« Plus de courage et de persévérance que jamais ! ». Et pour conclure, la pensée qui guida ses actions futures : « Nous devons avoir l’intégrité révolutionnaire de transformer l’échec en victoire.  »

Le journal Granma à cette époque était composé d’une équipe beaucoup plus vaste qu’à l’heure actuelle, avec des typographes, des imprimeurs et des employés chargés de la distribution du journal, qui des années plus tard passeraient à d’autres entreprises. Nombre de ces camarades connaissaient Fidel depuis ses premiers liens avec certains des plus importants journaux, y compris à l’atelier, où le jeune révolutionnaire choisissait la taille des lettres pour les titres de ses articles.
Des années plus tard, devenu chef de l’État, il poursuivit ses visites dans cet atelier important que les technologies actuelles ont fait disparaître. Il saluait d’anciennes connaissances, se préoccupait de leurs conditions de travail, de leur alimentation et bavardait longuement avec eux comme avec de vieux amis. Je me souviens de Silvio Rayon, le directeur, qui venait du journal Alerta et qui publia des articles marquants de Fidel, et aussi évidemment les journalistes de la rédaction qui furent ses compagnons à Radio Rebelde, comme Jorge Enrique Mendoza, directeur du journal, Ricardo Martinez et Orestes Valera.

D’autres témoins de ces nuits de veilles : rédacteurs, photographes, caricaturistes, correcteurs, designers, directeurs, secrétaires, employés aux archives ou de service peuvent raconter ses visites, des anecdotes et des souvenirs, qui constituent des moments inoubliables de leur vie, parce que tous, nous avons coïncidé dans le temps et l’espace avec cet homme exceptionnel, dirigeant d’un peuple et de l’une des révolutions les plus importantes de l’Histoire, et qui à 90 ans reste loyal à ses principes, ses idées et un exemple de dévouement au travail dans l’intérêt des autres.

Tubal Páez
in Granma
23 août 2016