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Levée du blocus contre Cuba

Intervention du Ministre des Affaires Etrangères de Cuba à la 70ème session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 27/10/2015

vendredi 30 octobre 2015

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Voilà, c’est fait. L’Assemblée générale vient de voter voilà dix minutes la résolution de Cuba sur le blocus. Résultat : 191 voix pour, 2 contre (celles de toujours - Etats-Unis, Israël - voir tableau des votes à la fin - NdR). Les 3 petits Etats du Pacifique qui s’étaient abstenus jusqu’ici et qui viennent d’établir des relations diplomatiques avec Cuba ont voté pour : 188+3=191. Obama, dont certaines rumeurs laissaient croire qu’il allait s’abstenir, n’a finalement pas osé aller contre son congrès, qui lui est déjà contraire sur ce plan. Comme quoi, la politique intérieure continue de dicter la politique extérieure aux USA. Le représentant USA a affirmé, entre autres : "Si Cuba croit que présenter une nouvelle fois sa résolution est un bon moyen de faire avancer les choses, elle se trompe" (ce n’est pas une citation exacte, mais c’est l’idée).
Amitiés

Jacques-François Bonaldi (La Havane)


DISCOURS DE M. BRUNO RODRIGUEZ PARRILLA, MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES DE LA RÉPUBLIQUE DE CUBA, SUR LE POINT « NÉCESSITÉ DE LEVER LE BLOCUS ÉCONOMIQUE, COMMERCIAL ET FINANCIER APPLIQUÉ À CUBA PAR LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE », À LA SOIXANTE-DIXIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, New York, le 27 octobre 2015

Monsieur le Président,
Chers représentants permanents,
Chers délégués,

Le président des États-Unis, Barack Obama a reconnu le 17 décembre dernier que le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba avait échoué faute d’avoir atteint les objectifs prévus, qu’il était anachronique, qu’il causait des dommages au peuple cubain et qu’il avait provoqué l’isolement de son propre gouvernement.

Le président a réitéré depuis que le blocus devait être levé. Il a demandé au Congrès de le faire et de ne pas s’opposer à la volonté des Étasuniens qui en demandent clairement l’élimination. Il s’est engagé à s’impliquer à ces fins dans le débat et à recourir à ses prérogatives présidentielles pour en modifier l’application.

Tout récemment, à l’occasion du Sommet sur le Programme de développement d’ici à 2030 et du débat général qu’il a provoqué, plus de soixante chefs d’État, de gouvernement et de délégation se sont félicités de cette annonce du nouveau cours qu’ont pris les rapports entre les États-Unis et Cuba, dont le rétablissement des relations diplomatiques et la réouverture des ambassades, et beaucoup ont réclamé la levée définitive du blocus.

On comprend dès lors l’intérêt et l’attente que suscitent, dans ces circonstances nouvelles, nos délibérations d’aujourd’hui et le vote qui s’ensuivra.

Compte tenu de cette réclamation de la quasi-totalité de la communauté internationale, ce que symbolisent le vote dans ce sens de cent quatre-vingt-huit États membres et la participation de Cuba au Sommet des Amériques tenu au Panama, ainsi que d’une claire majorité de la société étasunienne et de l’émigration cubaine qui y est intégrée, l’administration étasunienne a annoncé une nouvelle politique vis-à-vis de notre pays.

Néanmoins, les mesures que le pouvoir exécutif étasunien a adoptées le 16 janvier dernier puis élargies le 18 septembre, quoique allant dans le bon sens, ne modifient que d’une manière très limitée certains éléments du blocus.

Beaucoup d’entre elles ne pourront entrer en vigueur qu’à condition que d’autres soient adoptées : à savoir que Cuba puisse exporter et importer librement des biens et services vers ou depuis les États-Unis ; qu’elle puisse utiliser le dollar dans ses transactions financières internationales et ouvrir des comptes dans cette monnaie dans des banque de pays tiers ; qu’elle ait accès à des crédits et financements d’organismes privés et d’institutions financières internationales.

Le problème n’est pas, contrairement à ce que soutiennent des fonctionnaires étasuniens, que l’ordonnancement cubain entrave l’application de ces mesures et qu’il doit donc être modifié pour la faciliter : le problème est l’existence d’un blocus implacable et systémique.

Ne prenons pas nos désirs ou notre bonne volonté pour la réalité : dans des questions comme celle-ci, on peut juger qu’à partir des faits.

Et les faits prouvent on ne peut plus clairement que le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba continue d’exister pleinement et complètement.

Dix mois après les annonces du 17 décembre, on n’en constate dans la pratique aucune modification tangible et substantielle.

La radiation de Cuba de la liste arbitraire des États parrainant le terrorisme international a été la rectification obligée d’une absurdité, mais elle n’a guère eu de conséquences sur la pratique du blocus, car celui-ci repose sur des sanctions et des lois préalables bien plus intégrales.

Voilà juste une semaine, les États-Unis ont infligé une amende de 1,116 milliard de dollars au Crédit agricole, une banque française, pour des transactions avec Cuba et d’autres États, ce qui vient s’ajouter à l’amende de 1,710 milliard que la banque allemand Commerzbank a dû payer pour ce même motif en mars dernier.

Rien que ces dernières semaines, le système de messagerie sûre Swit a annulé un contrat de services ; le premier paiement de la société Sprint permettant de démarrer des appels téléphoniques directs a été saisi, tout comme ont été saisis plusieurs virements bancaires à Cuba concernant des vols nolisés.
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Cuba a dû, l’an dernier, réduire significativement ses petits achats d’aliments aux États-Unis – une des rares brèches au blocus décidée en 2000 par le Congrès – parce qu’ils sont sujets à des conditions discriminatoires et onéreuses : en effet, chaque achat doit être autorisé par un permis ; aucun crédit ne peut être octroyé à ces fins ; le règlement doit se faire comptant et à l’avance, en passant des banques de pays tiers, et aucun navire cubain ne peut transporter les produits achetés.

Une règle similaire préside aux importations de médicaments et d’équipements médicaux dont notre pays a besoin et qui tombent sous le coup de la loi étasunienne depuis 1992.[/rouge] Ainsi, Cuba doit faire connaître quel est le destinataire final des médicaments achetés, ne peut payer directement, mais doit passer par des tiers, et ne peut utiliser le dollar, ce qui implique des difficultés, des retards et des coûts supplémentaires.

Je pourrais mentionner de nombreux exemples. Ainsi, la société Elekta nous a confirmé le 2 septembre dernier qu’elle ne pourra pas livrer à l’Institut national de cancérologie et de radiobiologie à l’isotope radioactif Iridium-192, qui garantit le fonctionnement normal des équipements de brachythérapie, indispensables pour traiter le cancer avec plus de qualité et de précision, parce que son fournisseur, la société étasunienne Mallinckrodt Pharmaceuticals, a refusé de le lui vendre s’il était destiné à Cuba.

La société étasunienne Small Bone Innovation, Inc., a refusé de vendre à l’Hôpital orthopédique Frank País des prothèses d’articulations du poignet et de la main destinées à des patients atteints d’arthrite rhumatoïde.

En juin dernier, la société étasunienne Sigma-Aldrich a refusé de livrer à la compagnie Quimimpex des produits, des services et la documentation technique indispensables à notre industrie chimique, tandis que la société étasunienne Columbiana Boiler Company, LLC, a fait savoir à cette même compagnie qu’elle n’était pas autorisée à livrer les bouteilles nécessaires au transport du chlore utilisé pour épurer l’eau.

Le blocus constitue une violation flagrante, massive et systématique des droits humains de tous les Cubains, est contraire au droit international, apparaît comme acte de génocide aux termes de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) et reste le principal obstacle au développement économique et social de notre peuple.

Les dommages humains, les carences et les privations qu’il cause à toutes les familles cubaines sont incalculables, d’autant que 77 p. 100 des Cubains en souffrent depuis leur naissance.

[rouge]Selon des calculs rigoureux, mais au plus bas, les préjudices économiques causés depuis plus d’un demi-siècle se chiffrent à 833 755 000 000 de dollars, selon la valeur de l’or.[/rouge] À prix courants, ils se montent à plus de 121 192 000 000 de dollars, un montant énorme pour une économie aussi petite que la nôtre. J’espère que le représentant des États-Unis ne viendra pas maintenant, nous dire que notre projet de résolution ne reflète pas dûment l’esprit de dialogue et la bonté de son gouvernement, qu’il ne nous ressassera pas que les États-Unis sont un partenaire et un bienfaiteur du peuple cubain et qu’ils aspirent uniquement à son autonomisation, qu’il ne fera pas étalage des 900 000 dollars de dons de la société civile que notre peuple apprécie, même si le blocus les entrave, et qu’il ne cataloguera pas comme fonds gouvernementaux les envois de fonds familiaux que les Cubains installés dans ce pays économisent avec beaucoup d’efforts, et qu’il ne taxera pas d’échanges commerciaux les autorisations délivrées, alors que nous ne pouvons rien exporter aux USA.

Bien que la décision finale concernant la levée du blocus incombe au Congrès des États-Unis, le président dispose de vastes prérogatives exécutives pour modifier profondément son application et réduire son incidence humaine et économique.

Nous espérons que le Congrès des États-Unis saisira l’occasion de modifier une politique cruelle et injuste, inefficace et ancrée dans le passé, et qu’il adoptera les meilleures décisions en accord avec les valeurs et les sentiments des citoyens de ce pays.

Monsieur le Président,

Tout au long de leur histoire, les États-Unis ont prétendu instaurer leur domination et leur hégémonie sur notre patrie et, à compter de 1959, changer le système politique, économique et social que notre peuple, dans l’exercice de sa pleine autodétermination, a choisi librement.

Des porte-parole des États-Unis ont déclaré que la nouvelle politique envers Cuba signifiait un changement dans les méthodes, mais non dans les objectifs.

S’il en était ainsi, la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba se heurtera à de très sérieux obstacles.

La levée du blocus sera le facteur clef qui donnera un sens aux progrès faits ces derniers mois dans les relations entre nos deux pays et qui déterminera le rythme de la marche vers la normalisation.

Comme l’a reconnu le président Barack Obama, la levée du blocus convient à l’intérêt national de son pays et traduit la volonté de ses citoyennes et citoyens.

Vouloir conditionner les mesures de levée ou de modification du blocus à des changements internes de la part de notre pays est absolument inacceptable et serait contre-productif.

Cuba est prête à saisir les occasions et à relever les défis de cette nouvelle étape dans ses relations avec les États-Unis, mais elle ne négociera jamais pour autant son système socialiste et ses affaires intérieures, pas plus qu’elle ne permettra la moindre atteinte à l’indépendance qu’elle a conquise au prix de sang de ses meilleurs enfants et des sacrifices énormes de nombreuses générations depuis le début de nos guerres d’Indépendance en 1868.

Comme l’a réitéré le président Raúl Castro, les deux gouvernements doivent trouver la manière de coexister d’une manière civilisée, malgré leurs profondes divergences, et d’avancer le plus loin possible, au bénéfice des peuples étasunien et cubain, par le dialogue et la coopération fondés sur le respect mutuel et l’égalité souveraine.

Le peuple cubain ne voue aucune inimitié au peuple étasunien, envers lequel il a fait preuve de solidarité lors des terribles attentats terroristes du 11 septembre 2001 ou des ravages causés par le cyclone Katrina.

Nous apprécions à leur juste valeur les progrès enregistrés dernièrement : réouverture des ambassades ; visites du secrétaire d’État et de la Secrétaire au Commerce ; échange de délégations ; création d’une commission bilatérale ; élargissement des domaines de dialogue et de coopération, surtout en matière de sécurité et de navigation aériennes ; lutte contre le trafic de drogues, l’émigration illégale et la traite d’êtres humains ; application et respect de la loi ; protection de l’environnement et de la santé, entre autres.

Nous souhaitons sincèrement resserrer les liens profitables qui nous unissent, offrir notre hospitalité à ceux des citoyens étasuniens qui jouissent de la liberté de venir à Cuba, élargir les échanges culturels, sportifs, scientifiques et universitaires, la coopération tous azimuts dans des domaines d’intérêt commun, le commerce et les investissements.

Tout en reconnaissant nos grandes divergences réciproques, nous avons entamé un dialogue sur les droits de l’homme.

Nous nous inspirons à cet égard des principes contenus dans la Proclamation de l’Amérique latine et des Caraïbes comme Zone de paix, laquelle a été signée par les chefs d’État ou de gouvernement de la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC) en janvier 2014 à La Havane, ainsi que des buts et principes de la Charte des Nations Unies.

Ce pourrait être aussi une modeste contribution à la recherche d’un nouveau type de relations entre les êtres humains et les nations à une époque caractérisée par la crise mondiale, par l’incidence inévitable des changements climatiques, par des guerres non classiques qui déchaînent d’atroces conflits, par de nouvelles formes de terrorisme, par d’énormes arsenaux atomiques, par des dépenses en armements inouïes et par des risques de pandémies.

Comme le leader historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro Ruz, l’a affirmé dans cette même salle voici maintenant quinze ans :

« L’humanité doit prendre conscience de ce qu’elle a été et de ce qu’elle ne peut continuer d’être. Notre espèce a aujourd’hui acquis assez de connaissances, de valeurs morales et de ressources scientifiques pour avancer vers une étape historique où régneraient vraiment la justice et l’humanisme. Rien de ce qui existe aujourd’hui dans l’ordre économique et politique ne sert aux intérêts de l’humanité. Cet ordre est insoutenable. Il faut le changer. »

Monsieur le Président,

Vingt-trois ans après que cette résolution a été adoptée pour la première fois, des progrès notables ont été enregistrés en 2015.

Ils sont le prix à la résistance acharnée, aux efforts, aux sacrifices, aux convictions résolues de notre peuple et au leadership de la génération historique de la Révolution, conduite par le commandant en chef Fidel Castro Ruz et par le président Raúl Castro.

Nous remercions profondément les gouvernements, les peuples, les parlements, les forces politiques et les mouvements sociaux représentatifs de la société civile, les organisations internationales et régionales qui, dans le cadre de cette Assemblée générale des Nations Unies, ont contribué année après année, par leur voix et par leur vote, à justifier qu’il était juste de lever d’urgence le blocus.

Si nous en sommes arrivés là, c’est aussi grâce à l’appui toujours plus majoritaire du peuple étasunien à ce noble objectif, et nous lui en savons gré.

Nous savons que le chemin à parcourir est encore long et difficile. Tant que le blocus persistera, nous présenterons ce projet de résolution.

Le peuple cubain ne renoncera jamais à sa souveraineté ni à son libre choix d’un socialisme plus juste, efficace, prospère et durable. Pas plus qu’il n’abandonnera la recherche d’un ordre international plus équitable et plus démocratique.

Monsieur le Président,

Chers représentants permanents,

Chers délégués,

Cuba a présenté un projet de résolution qui reconnaît que le blocus appliqué contre elle reste une réalité rigoureuse et oppressive, mais qui se félicite parallèlement, dans de nouveaux paragraphes liminaires, des progrès enregistrés cette année-ci.

Ainsi donc, je vous demande de voter, au nom du peuple cubain héroïque, dévoué et solidaire, le projet de résolution contenu dans le document A/70/L.2 :

« Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les États-Unis d’Amérique ».

Je vous remercie.

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Bruno Rodriguez Parrilla

27 octobre 2015


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