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Jean-Pierre Saïd, ancien journaliste à Alger républicain nous a quittés
lundi 21 novembre 2016, par
Brutalement dans la matinée du samedi 19 novembre 2016, Jean-Pierre Saïd est décédé à Domazan, localité située près de Nîmes (France), à l’âge de 83 ans.
Ancien collaborateur de notre publication, il avait rejoint notre rédaction en 1952.
Dans son enfance, alors qu’il était encore élève des écoles primaires, il avait connu les effets pervers du racisme dans les mesures anti-juives d’un gouvernement français pro-hitlérien installé à Vichy, qui interdira en Algérie aux enfants de confession juive l’accès à l’instruction. Sans doute cette discrimination va contribuer avec le temps à sa prise de conscience politique vis à vis d’un système d’exploitation et d’oppression coloniales qui accorde la nationalité française aux ressortissants juifs d’Algérie pour servir avant tout des intérêts impérialistes.
Jeune, Jean-Pierre Saïd rejoindra d’abord les organisations des Auberges de la Jeunesse où le racisme est combattu. A l’âge de 19 ans, alors qu’il est employé dans une société d’assurances particulièrement spécialisée dans le transport des biens et produits commercialisés, il nouera des liens avec des organisations libertaires dont les orientations sont anticolonialistes.
Le premier mai 1952, journée internationale des travailleurs, alors que les manifestations sont interdites dans plusieurs villes d’Algérie, aux côtés d’un autre libertaire il se joint aux manifestants qui à Alger défient les policiers chargés de réprimer ceux qui s’opposent à cette interdiction. Il est arrêté et conduit au commissariat, où il rencontre des membres de la rédaction de notre journal qui partageaient le même sort que le sien. Libéré du commissariat par la protestation populaire, Jean-Pierre Saïd se rend à la rédaction d’Alger républicain dans l’espoir de s’y faire embaucher. Il y parvient. Sous l’influence de Nicolas Zannetacci et Abdelkader Choukal, qui sont des collaborateurs du journal, il adhéra au Parti communiste algérien (PCA) en 1953.
Ses activités journalistiques sont consacrées aux manifestations culturelles qui se déroulent dans le pays mais aussi à celles qui sont organisées par la jeunesse notamment sur le plan international. Sa collaboration au journal sera interrompue en octobre 1954. Il a 21 ans et il est appelé à accomplir son service militaire à Batna. Dans son entretien avec l’historien Jean-Pierre Le Foll Luciani, en date du 9 mars 2007, Jean-Pierre Saïd déclare que "après l’attaque de la caserne le 1er novembre 1954, il lui est interdit de monter la garde et de toucher une arme et, chargé du ravitaillement, il tente à son niveau de ralentir les activités des troupes.
Contacté par des camarades courant 1955 , il les informe sur ce qui se passe dans la caserne et donne des noms de soldats à qui sont envoyés des tracts et la Voix du Soldat ; soupçonné mais protégé par le colonel (qui avait été dans la résistance en France durant l’occupation hitlérienne), il est envoyé plus au sud, à Laghouat où il est interrogé par la DST sans conséquences immédiates".
Démobilisé en septembre 1956, il rejoint Alger et se met à la disposition de l’organisation clandestine du Parti communiste algérien. Il activera dans les réseaux organisés par le PCA sous la responsabilité de Lucien Hannoun en direction des soldats de l’armée française en vue de leur expliquer le caractère colonial de la guerre menée contre le peuple algérien, guerre menée pour la défense des intérêts impérialistes et colonialistes qui ne sont pas ceux des travailleurs français.
En 1962, au lendemain de l’indépendance, il apprendra de son collègue du journal, Yahia Briki que celui-ci avait déposé dans sa demeure "un jour d’octobre 1956, un sac de plage contenant la mitraillette utilisée dans l’attentat manqué contre le général Massu". En novembre 1956, Jean-Pierre Saïd est arrêté par la police coloniale sans aucun motif d’inculpation et "interné" au camp de Lodi où il rejoint de nombreux autres militants communistes et n’en sortira qu’en 1960 pour être expulsé ensuite d’Algérie en France.
Sa maman, Mireille Saïd qui en sa qualité de sage-femme accorde ses services aux femmes musulmanes de la Casbah, en ces moments de la guerre de libération nationale sera également expulsée du pays par les colonialistes. Son cousin, Pierre Ghenassia qui a rejoint l’ALN tombera en martyr les armes à la main au cours d’un accrochage avec les troupes coloniales en tentant de préserver des combattants blessés dont il avait la charge en sa qualité d’infirmier.
Dès sa libération de Lodi, Jean-Pierre Saïd qui revient de France à Alger, en novembre 1960, demande à son parti l’autorisation de rejoindre l’ALN. Celui-ci le dirige vers Constantine où il va militer au côté de la direction de son organisation clandestine à Constantine. Il apportera une aide précieuse à cette direction dans ses activités jusqu’à l’indépendance. En Août 1962 il quitte Constantine et reprend sa place de collaborateur d’Alger républicain jusqu’à la suspension du journal, en juin 1965, au lendemain du coup d’Etat.
Alors qu’il n’est pas membre de l’ORP, il sera arrêté en septembre 1965 par la sécurité militaire et après un mois de détention dans ses locaux, il sera expulsé en France, alors qu’il est de nationalité algérienne. Ses papiers d’identité délivrés par les autorités algériennes au lendemain de l’acquisition de la nationalité algérienne lui sont retirés par la sécurité militaire. Dès lors, il ne peut plus revenir en Algérie. Il parviendra bien plus tard à récupérer ses papiers algériens où il effectuera de courts séjours. Attaché à son journal Alger républicain, Jean-Pierre Saïd sera l’un des fondateurs de l’Association des Amis d’Alger républicain en France. Il restera l’un de ses membres fidèles jusqu’à sa mort. Chaque année il se faisait un devoir de venir à la Fête de l’Humanité pour saluer ses camarades communistes d’Algérie dans leur stand. Mais la maladie l’en empêcha au cours de ces deux dernières années.
En ces circonstances bien douloureuses pour ceux qui l’ont connu, les communistes d’Algérie et tous les fidèles amis d’Alger républicain font le serment de poursuivre son combat. Ils présentent à sa compagne, Anne Marie, à sa sœur Josette qui fut aussi une militante de la cause nationale, à ses deux enfants et à tous leurs proches leurs sincères condoléances et leur solidarité.
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Alger républicain
21 novembre 2016